Tout comme Herveline, Maryline fait partie de ces lectrices qui partagent régulièrement leurs réflexions et leurs astuces dans le groupe Facebook des éco-défis. Elle tient également le blog Dame Breizh dans lequel elle partage ses recettes végé et ses astuces au naturel.
Cette maman de 3 filles de 12, 14 et 21 ans (cette dernière a quitté le cocon familial) est devenue végétarienne il y a un peu plus d’un an, suivie de sa cadette. Si son mari et ses 2 grandes continuent de manger des aliments carnés, elle a réussi à trouver un équilibre pour que chacun-e prenne plaisir à manger en famille et à faire de nouvelles découvertes culinaires. Maryline partage avec nous son cheminement vers le végétarisme, son expérience et ses astuces afin que les différences dans les choix alimentaires des un-e-s et des autres enrichissent plutôt que compliquent leur vie de famille.
Comment ont réagi ton mari et tes enfants quand tu leur a annoncé que tu ne souhaitais plus manger d’animaux ?
Depuis trois ans que je suis malade, j’ai dû réorienter ma vie professionnelle, et entre temps pour alimenter le budget familial, j’ai été amenée à travailler dans l’agroalimentaire. C’est l’industrie la plus courante dans notre région, la Bretagne, qu’on appelle d’ailleurs “Pays du cochon” !
Je n’y suis vraiment pas restée longtemps, choquée de réaliser comment était fabriqué ce que nous retrouvions dans notre assiette et d’où cela provenait- c’était comme si je recevais un électrochoc et que je réalisais enfin que ce nous trouvions dans notre assiette avait si peu et mal vécu en amont. J’ai fait part de mes observations à mon mari et mes enfants puis un débat c’est ouvert entre nous.
En campagne, nous avons la chance d’avoir de nombreux petits producteurs locaux et la viande était déjà très peu présente à la maison. Le choix de réduire la viande et le poisson dans notre foyer fut donc une évidence et ma cadette de 12 ans a également décidé de devenir végétarienne. Quant à mon aînée de 14 ans et mon mari, ils ont fait le choix de l’expérience, c’est-à-dire qu’ils découvrent avec un énorme plaisir d’autres recettes, légumes, saveurs et l’odeur de nouvelles épices en toréfaction dans la cuisine. Ils se réservent néanmoins la possibilité « des craquages genre BBQ de saison ». Dans ces cas-là, ils achètent la viande chez le producteur du village d’à côté, où l’élevage et l’abattage sont traçables. Même si ce n’est pas “parfait”, au moins ils estiment faire de leur mieux car ils ne se sentent pas totalement capables de me suivre tous les jours. Ils ont donc respectueusement accepté mon choix et celui de ma fille, et en échange je respecte leurs efforts de prise de conscience sur la vie animale.
Mon mari aime beaucoup être derrière les fourneaux et il réfléchit toujours à une option végétarienne quand il souhaite cuisiner de la viande. Jamais il n’oublie que notre assiette est différente depuis un peu plus d’un an. Nous continuons donc nos efforts en famille, nous nous intéressons encore plus fort à la cause animale et nous prenons également position lors de certaines manifestations.
Ta fille de 12 ans a également décidé de manger végétarien : comment s’est passée cette transition pour elle ?
Dans notre région où l’on ne passe presque pas un jour sans voir de camions remplis de mignons cochons, dont nous entendons même parfois les cris, elle s’est rendu compte qu’à chaque coin de rue en Bretagne il y a des usines agroalimentaires, choses que d’autres enfants habitant en ville sont, je pense, loin d’imaginer. Eux ne voient que le produit fini dans les rayons des magasins, mais là où nous vivons, nous sommes témoins du pourquoi du comment, d’où la prise de conscience pour ma fille qui dit refuser “de manger ces pauvres bêtes ».
J’ai dû fouiner dans les livres de recettes, sur les blogs spécialisés et chez ma meilleure amie qui a ouvert il y a deux ans son école de cuisine végé. Ma fille y suit d’ailleurs un cours chaque mois. Du coup c’est finalement presque du jour au lendemain que la transition s’est faite pour elle comme pour moi. Nous avons d’abord retiré la matière animale de nos assiettes, et peu à peu cherché à remplir ce vide, afin de manger équilibré sans risquer de carences.
Concrètement, comment s’organisent vos repas ? La viande et ses dérivés ont-ils toujours une place dans votre cuisine ? Y a-t-il des difficultés ou des frustrations de part ou d’autres ? Comment les surmontez-vous ?
En cuisine ainsi que pour les courses et l’organisation du frigo et des placards, ça bouge et chacun y met son grain de sel. Tout comme si on réalisait une peinture, on joue avec les combinaisons, et progressivement je remplace certains ingrédients dans mes recettes de base. Par exemple, on ne peut se passer du Far Breton : qu’à cela ne tienne, je le réalise avec un lait végétal. Je leur fais des crêpes sans oeufs ni lait ; je remplace la crème fraîche par de la crème soja, je leur propose des paëllas et des chilis végétariens et d’ailleurs, ils en raffolent ! Pour les fêtes de fin d’année, nous avons tous voté pour un repas entièrement végétarien et tout le monde s’est régalé.
Concrètement, je me base sur nos anciennes habitudes en revisitant certaines recettes et je propose aussi des plats typiquement végétariens inconnus jusqu’alors à nos papilles. Nous faisons ce que j’appelle des « compromis quantitatifs ». En terme d’organisation, je laisse toujours un papier vierge sur le frigo où chacun peut noter ses envies culinaires, et moi je pioche en veillant à équilibrer les efforts : de cette façon je n’impose rien, ce je ne n’aurais jamais souhaité.
Si mon mari et mon aînée ont envie d’un steak conventionnel, ma cadette et moi nous préparons un steak végétarien- ce qui leur plaît aussi d’ailleurs. Bien entendu, je n’ai pas toujours été végé, alors oui parfois c’est dur de se balader sur nos côtes Bretonnes et de ne plus craquer pour une bonne assiette de moules frites ou une galette saucisse, une institution ici ! Néanmoins, cela me passe vite parce que si je suis invitée et que je ne réussis pas à faire l’impasse sur le plat de viande, je suis malade donc l’envie ne reviendra pas.
La plus grande frustration finalement est de ne pas être acceptées telles que nous sommes par certaines personnes de notre famille et certains amis qui ne comprennent pas nos choix pour les animaux et la planète et qui nous disent ouvertement que c’est bien triste qu’on se prive de si bonnes choses. Comme je l’ai déjà raconté sur mon blog, chez les anciens, qui ont vécu la guerre et les privations, je me sens mal de refuser le plat qu’ils ont mis tant de coeur à me préparer. Même si dans l’ensemble je réussi à esquiver, il y a toujours des questions.
Voilà plus d’un an maintenant que tu as décidé de devenir végétarienne : ce choix a-t-il eu d’autres impacts sur votre vie de famille ?
Adopter une alimentation végétarienne à grande tendance végan a permis de confirmer l’intérêt profond que nous avons toujours eu tous les quatre pour la nature, l’environnement et le règne animal. Vivre en Bretagne est un privilège que nous avons apprivoisé depuis 15 ans. Changer le contenu de notre assiette nous a conduit à évoluer dans d’autres domaines, comme créer notre potager, tendre vers une vie zéro déchet, privilégier le fait maison, transformer les restes ou les fanes de légumes par exemple ou encore faire du troc avec nos voisins lors des petites récoltes de nos jardins.
Je suis émerveillée devant la prise de conscience de mes trois loustics, leurs petits gestes au quotidien, les questions qu’ils me posent avant de faire un choix. Je me suis aperçue qu’au delà de l’alimentation, ils se sont encore plus rendu compte du gaspillage qui règne autour de nous. Le plus bel impact est que nous avons de plus en plus de discussions, de débats et d’échanges. Ils s’orientent peu à peu vers une autre vision, adoptent le plus souvent le geste de la récup. En fait ils prennent conscience de la fragilité de l’équilibre de l’environnement et de la vie, ils cherchent à savoir ce qui se passe ailleurs dans le monde, s’intéressent aux questions de famine par exemple. Je tâche de les accompagner sans leur donner de leçons ni les endoctriner. Je préfère que mes filles réalisent par elles-mêmes, en me voyant faire pour que cela devienne une habitude évidente dans leur vie.
Malheureusement beaucoup de mères/ pères de famille souhaitant devenir végé hésitent à sauter le pas à cause des réactions négatives de leur entourage omnivore et de leur manque de soutien. Quel(s) conseil(s) pourrais-tu leur donner ?
Après avoir cherché de nouvelles recettes, je conseillerais d’établir une liste de plats et rapides à réaliser, sans risques d’échec ni de prises de tête, sans quoi cela risquerait justement de devenir laborieux et on pourrait alors vite baisser les bras.
De mon côté, les vendredis soirs nous prévoyons les menus de la semaine à venir en famille– cela me permet d’établir ma liste de courses pour le lendemain, de vérifier de quelle façon je peux équilibrer les menus sur la semaine en intercalant des recettes végé pour tout le monde et en gardant une place pour leurs plaisirs omnivores. Ainsi, je peux, sans brusquer ma tribu, introduire un chili végétarien, une paëlla végétarienne, des hamburgers végé… Le tout est bien sûr de ne pas imposer à son entourage une assiette composée d’une branche de céleri et d’un morceau de tofu nature, l’image que beaucoup se donnent de l’alimentation végé !
Je m’attarde sur la présentation, les mélanges de saveurs et j’aime les surprendre par de nouveaux parfums, de nouvelles épices, noix et graines en tous genres qui font peu à peu leur apparition dans notre quotidien. De plus je profite toujours des week-ends pour leur proposer de cuisiner avec moi : ainsi il n’y a pas de mauvaises surprises et ils apprennent à combiner d’autres saveurs.
L’important est de ne pas imposer ses choix aux autres membres de la famille. Il faut d’abord franchir l’étape pour soi, trouver son rythme de croisière, ses recettes préférées, ses nouveaux tours de main aux fourneaux, apprendre à faire face aux interrogations et observations des autres et peu à peu gagner du terrain sur les assiettes des autres membres de la famille, toujours en proposant et sans trop bouleverser l’image de ce qu’ils avaient l’habitude de manger.
Ce que je retiens et ce qui m’a beaucoup plu au final dans son témoignage est l’ouverture d’esprit et la démarche de dialogue en famille. C’est quelque chose de suffisamment rare qui vaut la peine d’être souligné. Autant l’entourage peut « accepter » une décision personnelle, autant la concertation autour de la thématique, le plaisir d’échanger et de partager ensemble des informations ou des bons plats est rare. La seule personne de ma famille qui le fait volontiers est mon père.
Donc pour ma part, je suis impressionnée par les démarches individuelles de sa famille mais surtout par leur esprit de groupe: c’est une belle mécanique pleine de respect et ça fait plaisir de lire ça 🙂
Merci beaucoup Emilie tu as si bien ressenti ce que nous nous efforçons de préserver à la maison et surtout autours de notre cuisine, manger doit rester un plaisir partagé. Biz
Tout comme Emilie, le fait que les membres de la famille de Maryline ne soient pas tous végétariens, mais que l’entente et le respect soient présents m’impressionne. Ce n’est pas toujours facile de trouver des compromis, surtout quand certains membres de la famille n’acceptent pas ou ne comprennent pas la démarche…
Mon compagnon n’est pas végétarien lui non plus, mais il est sensible tout de même à la cause animale, il a beaucoup diminué la viande à la maison et accepte mon choix. Nous élevons des animaux à la maison, et je ne supporte pas de devoir les manger et manger de la viande industrielle, non merci!
Mes parents ont plus ou moins bien acceptés le fait que je devienne végétarienne. J’ai souvent eu des discussions sur le bien être animal, avec mon père ma démarche est passée sans problème. Par contre avec ma mère cela a été plus difficile et je pense qu’elle s’inquiète pour ma santé à chaque fois que je viens manger chez eux.
Ma sœur me soutient totalement!
Avec mes beaux parents, je n’ai pas vraiment discuté de mon choix. Je leur ai dis un jour à table que je ne mangeais plus de viandes. Depuis ils s’inquiètent de ne pas me voir manger suffisamment etc…
Je crois qu’il faut bien expliquer notre démarche à notre entourage. Même si certains sont fermés et ne veulent rien comprendre, d’autres réagissent très bien!
Expliquer pour mieux se faire comprendre et ne rien provoquer reste la bonne conduite à tenir je pense effectivement pour se faire accepter et respecter. Que tout le monde n’adhère pas à nos choix est une chose légitime, ce qui l’ai encore plus est de reconnaître les petits efforts de chacun, je pense qu’il est meilleurs de faire des efforts que de foncer dans l’extrème et de ne plus vivre en paix avec ses convictions et ses choix. Merci pour ton com Biz
Je me suis dite la même chose qu’Emilie dans le commentaire au-dessus. Cet esprit de partage et de tolérance au sein de la famille de Maryline est un réel exemple. Chacun a son mot à dire, son avis est respecté, ça en dit long sur leur fonctionnement.
Bravo Maryline, je m’en vais faire un tour sur ton blog.
(ps: je vis aussi en Bretagne)
Bises,
Marie.
Merci pour ton enthousiasme Marie et tes encouragements, Il y a je te rassure parfois des « ratures » dans notre copie mais nous nous efforçons chaque jour de faire au mieux par rapport à nos visions des choses et de la vie, nous nous faisons un plaisir d’apprendre encore et de tester. Biz
Je me reconnais dans ce témoignage car je suis dans une situation similaire. Mon compagnon et nos enfants respectifs (nous sommes une famille recomposée) sont omnis sauf mon aînée (qui a quitté la maison) et qui est végétalienne comme moi. Cependant, hormis ma dernière fille qui boycotte l’alimentation végé (crise d’ado oblige), les autres membres de la famille sont tout à fait ouverts à ce type d’alimentation. Ils sont curieux de découvrir de nouvelles saveurs. Ils posent des questions. Mon amoureux essaie même de cuisiner végétalien pour moi quand je n’ai pas le temps de me mettre aux fourneaux. Je leur achète viande et produits laitiers sans difficulté. Je ne cherche à imposer mes positions en faveur de la protection animale à personne. Par mes choix, j’espère seulement leur offrir une ouverture, leur montrer que c’est possible d’associer équilibre alimentaire et gourmandise en respectant les animaux. Par extension, comme Maryline, j’essaie de sensibiliser tout mon petit monde à l’écologie et à réduire nos déchets. Il y a donc souvent des discussions intéressantes autour de la dégustation de mes petits plats. Quant aux tentations, depuis deux ans et demi que je suis végé, elles sont exceptionnelles. Les gâteaux de mes collègues ne me font plus envie depuis longtemps. Quand je les vois, automatiquement je me dis qu’ils sont bourrés de graisses animales très mauvaises pour ma santé. Il m’a fallu plus d’un an pour ne pas céder à l’envie de manger du roquefort alors je n’en achetais plus. Maintenant, tout va bien. Je n’ai pas remplacé le fromage par des « faux-mages » végétaux. Je ne cherche pas à substituer la viande par des similis.
Le plus dur finalement c’est d’améliorer encore mon organisation pour pouvoir manger des mets appétissants et équilibrés quand je n’ai pas le temps ou le courage de cuisiner. Mais je ne désespère pas d’y arriver.
En tout cas, je vais mettre le site de Maryline dans mes favoris. Merci pour cet article très intéressant.
Merci Myriam pour ton com, il est bon d’entendre dire autours de soi que ce n’est pas si facile mais qu’en équipe on y arrive, après tout l’important est d’essayer et de s’encourager et partager ici nos expériences pour réussir à mieux s’organiser moi j’adore. Merci pour l’intérêt si enthousiaste que tu portes à mon blog là aussi je m’efforce de m’y appliquer pour qu’il devienne une source de bonnes astuces pour le plus grand nombre 🙂 Biz