Chaque année, plus de 70 milliards d’animaux sont tués pour l’alimentation des humains. Les problèmes écologiques, éthiques et sanitaires liés à l’abattage d’animaux font de plus en plus de vagues et ont été abordés dans de nombreux ouvrages tels que La révolution végétarienne de T. Lepeltier, No Steak d’A. Caron et Faut-il manger des animaux ? de J. Safran Foer que je vous avais présentés l’année dernière. Aujourd’hui, j’aimerais vous présenter en détails celui qui a fait le plus écho en moi : Confortablement ignorant du Dr Richard A. Oppenlander, publié en 2012 aux USA puis traduit et publié en français par Le Muscadier, à l’automne dernier.
Dans ce livre, l’auteur nous explique comment l’élevage, la pêche et l’abattage d’animaux contribuent à l’épuisement des ressources naturelles et pourquoi il est urgent de mettre fin à cette industrie qui nuit autant à notre environnement qu’à l’humanité et qu’à notre santé. J’ai beaucoup aimé l’approche structurée de l’auteur qui n’y va pas par 4 chemins pour nous montrer clairement et avec précision le lien entre le contenu de notre assiette et la dégradation de notre planète. Voici un aperçu des questions abordées dans les différents chapitres du livre.
C’est ainsi que vont les choses
Isoler sa maison, réduire son usage de la voiture ou de l’avion… s’il est certain que ces gestes contribuent à la réduction de notre empreinte carbone, Oppenlander nous explique que si l’on veut réellement limiter notre impact écologique, il nous faut commencer par regarder de près nos choix alimentaires car leur impact est encore plus néfaste que celui de tous les transports réunis.
Pour ceux qui l’ignorent encore
À l’appui de chiffres, l’auteur nous montre ensuite pourquoi et comment l’espace, la nourriture et l’eau nécessaires pour l’élevage et l’abattage des millions d’animaux consommés par les humains chaque année contribuent à l’épuisement de nos ressources naturelles et à la pollution de notre environnement.
C’est dans l’air
Après avoir fait un tour d’horizon assez général, Oppenlander rentre dans les détails et commence par nous parler de l’impact de notre consommation d’animaux sur la ressource naturelle dont dépend la vie de tous les êtres vivants : l’air. Les élevages sont responsables de la production de 20% des gaz à effet de serre (contre 13% pour les transports), de l’émission de polluants tels que le sulfure d’hydrogène et de la perte de végétation qui a pour conséquence de modifier le cycle de l’eau et les échanges carbone-oxygène.
Les forêts vierges
Depuis 1970, 15 millions d’hectares de forêts sont détruits chaque année afin de créer de nouveaux espaces de pâturage pour les bovins ainsi que pour la culture de leur fourrage et, à ce jour, 70% de la forêt amazonienne ont été entièrement détruits. Or, comme le rappelle si bien Oppenlander, ces forêts produisent plus de 20% de l’oxygène dont nous avons besoin pour respirer et elles jouent un rôle vital dans la filtration du dioxyde de carbone, l’un des gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique. En outre, la destruction des forêts entraîne la disparition de nombreuses espèces animales et végétales endémiques dont certaines plantes médicinales aux propriétés uniques au monde.
Mais à qui appartiennent ces terre ?
À l’heure actuelle, 30% des terres émergées sont exploitées pour le bétail… une surface énorme puisque les animaux élevés pour leur viande et leur lait consomment 1 milliard de tonnes de céréales et de légumes par an ! Oppenlander nous explique alors que si cette nourriture était donnée directement aux humains, nous pourrions nourrir bien plus que la population actuelle ! En attendant, 80% des enfants sous alimentés vivent dans des pays où le surplus des récoltes est destiné à nourrir le bétail consommé dans les pays riches… triste paradoxe, surtout lorsqu’on sait qu’un hectare de terrain peut produire 10 à 20 fois plus de fruits, légumes et céréales que de produits d’origine animale !
L’eau et les océans
Alors que plus de 750 millions de personnes n’ont pas accès à l’eau potable (source UNICEF), 23% de cette ressource est destinée à l’élevage… Les chiffres cités par Oppenlander sont édifiants et ne peuvent laisser indifférents : un cochon consomme 80 litres d’eau par jour et une vache, 100 litres ; la production d’1 kg de viande de boeuf requiert 30 000 litres d’eau, l’abattage d’une vache 1500 litres… En attendant, 150 à 440 litres d’eau seulement sont nécessaires pour produire 1kg de fruits, légumes, graines de soja ou autres céréales, qui sont en plus bien plus sains et nutritifs que la viande. Quant aux océans, entre la disparition d’espèces et la destruction de leur habitat, ils sont encore plus dégradés que ce que l’on a pu observer sur la terre ferme…
Pollution
Pour continuer, Oppenlander fait le tour des résidus et des substances produites par ou utilisées pour les élevages d’animaux terrestres et marins qui polluent le sol, l’eau, les nappes phréatiques et l’air. Les pesticides, l’azote, le phosphore, les dépôts de fumiers ou d’engrais, les excréments, les antibiotiques, les additifs, les colorants, les désinfectants et bien d’autres encore contribuent incontestablement à la destruction de l’environnement et influencent sa capacité à se régénérer.
Pourquoi faisons-nous tout cela ? Pour nous alimenter ?
Lorsqu’on sait tout cela, on se demande alors pourquoi les humains se nourrissent ainsi ? Au fil de ses recherches, Oppenlander a découvert les nombreuses barrières empêchant le public d’accéder à des informations fiables et impartiales concernant les aliments à leur disposition. Il parle de marketing, de manipulations médiatiques ainsi que du rôle des médecins dans la propagation de certains mythes. Il donne également plusieurs exemples démontrant le lien entre la consommation de produits d’animaux et divers problèmes de santé et explique pourquoi certaines personnes, même conscientes de ces faits, continuent d’en manger.
Surtout, ne pas faire de vagues
Si seulement les personnes susceptibles d’influencer l’opinion publique prenaient la peine d’informer la population à ce sujet, s’indigne Oppenlander ! Plusieurs d’entre elles sont au courant de ces problématiques et choisissent pourtant de se taire ou n’abordent le sujet qu’à moitié, principalement à cause du lobbying et dans le souci de préserver leur carrière.
Comment nous en sommes arrivés là et comment nous en sortir ?
Ce chapitre est celui que j’ai le plus aimé car les faits décrits par Oppenlander démontrent clairement que la consommation de produits d’animaux est un choix influencé par de nombreux facteurs socio-culturels, économiques et politiques et qu’à partir du moment où l’on questionne la source de nos habitudes et croyances et que l’on s’informe auprès d’organismes compétents et impartiaux, l’alimentation végétale apparaît comme une évidence, non seulement pour des raisons écologiques, mais aussi pour des raisons sanitaires. L’auteur passe en revue les différentes raisons pour lesquelles certaines personnes ont de la difficulté à se passer de viande et certaines des excuses utilisées pour continuer d’en consommer. Ainsi, il explique habilement pourquoi même consommer de la viande bio ou réduire sa consommation de viande sont de fausses bonnes idées.
Le chapitre à ne pas lire
Enfin, Oppenlandeur a choisi d’aborder la question de la souffrance animale en dernier. Non pas que le sujet soit moins important que les autres à ces yeux, bien au contraire, il fait partie intégrale du problème de l’élevage et de l’abattage d’animaux pour notre consommation. Comme dans les chapitres précédents, il expose les faits et décrit de manière détaillée le traitement des cochons, dindes, poulets et vaches durant leur misérable vie et leur attroce mise à mort. Le chapitre à ne pas lire si l’on ne veut vraiment pas regarder la vérité en face et rester confortablement ignorant…
Postface
La postface à l’édition française permet de replacer certains des chiffres énoncés par Oppenlander dans le contexte européen et français… ainsi, on ne pourra pas dire que tous ces problèmes ne concernent que les Etats-Unis. Non, ils concernent toutes celles et tous ceux qui consomment des produits d’animaux, quelles que soient leur provenance et leurs conditions d’élevage.
Même si j’avais déjà lu 3 livres à ce sujet, j’ai trouvé celui-ci très intéressant car c’est certainement celui dont je retiendrai le plus de faits, de chiffres et d’arguments. Je pense que Confortablement ignorant attirera particulièrement l’attention de celles et ceux qui cherchent à comprendre le pourquoi du comment, qui ont besoin de preuves, de chiffres et de statistiques, et qui veulent des informations claires et succinctes avant de pouvoir regarder la réalité en face… Grâce à la mise en avant de faits irréfutables, Oppenlander réussit à travers cet ouvrage à démontrer que si l’on souhaite continuer à vivre sur cette planète, il est essentiel que nous remettions en question notre consommation de produits d’animaux. Nous ne pouvons plus nous permettre de rester confortablement ignorants…
Pour vous procurer Confortablement ignorant, vous pouvez le réserver dans la librairie la plus proche de chez vous ou le commander via le site de l’éditeur.
Je venais justement de le repérer dans le dernier Ecolomag !! Les grands esprits se rencontrent… très envie d ele lire !
N’hésite pas à revenir partager ton avis quand tu l’auras lu 🙂
Merci, très bonne présentation de ce livre important. Il y a quelques temps, nous aussi en avons dit quelques mots.
On conseille vivement la lecture de ce livre.
Bon week-end.
K&M
Merci pour votre avis 🙂
Une très bonne suggestion de lecture, qui m’aidera certainement à étayer mon discours lorsque j’aborde le sujet avec des tiers omnivores (= à tous mes repas à l’extérieur ou invitations … très difficile d’avoir la paix à table, hélas).
Merci !!
C’est fou que tu te retrouves à devoir faire un discours à chaque repas ! Dans ce livre, tu trouveras un tas d’infos et chiffres simples à retenir qui devraient aider les omni qui te questionnent à comprendre tes choix 🙂
Merci pour cette suggestion qui me semble passionnante. Je suis en train de finir « No steak » d’A. Caron, mon mari m’a offert « l’animal est une personne » que je vais lire ensuite mais je trouve particulièrement intéressant d’avoir un pan environnement de la question animale et pas « seulement » éthique même si c’est la raison qui m’a fait devenir vegan. J’ai eu le même sentiment en regardant certains documentaires où la question éthique était vraiment mise en avant, « Earthling » pour n’en citer qu’un, et après avoir vu très récemment Cowspiracy, j’ai vraiment apprécié avoir des chiffres, des schémas. Dans mon entourage il y a des gens très pragmatiques sur qui les informations comme 1 steak = 9000 litres d’eau a plus d’impact que « les animaux ne sont pas sur Terre pour nous nourrir ». Avoir plusieurs cordes à son arc pour permettre une meilleure compréhension est très bien alors merci pour tous ces articles très bien rédigés!
Mélanie
Comme toi je trouve cela vraiment essentiel d’avoir une diversité d’arguments sous la main afin de permettre à différentes personnes de mieux comprendre et éventuellement accepter nos choix 🙂 J’ai beaucoup aimé Cowspiracy aussi. Ca me rappelle d’ailleurs qu’il faut que je termine un article sur les documentaires au sujet des animaux et de l’industrie alimentaire… un sujet sans fin.
Merci pour cette suggestion de lecture Natasha.
Le titre est bien trouvé, il est tellement plus confortable d’ignorer la question en effet…Pour moi qui suis encore en cheminement quant à mon alimentation, ce livre semble plein de promesses: je peine à croire en effet que l’on ne puisse rien ressentir à l’idée de la souffrance animale…les questions d’ordre éthique me paraissent donc assez évidentes.
En revanche, je suis curieuse de découvrir les questions d’ordre écologique, à l’appui de mon questionnement de plus en plus présent (et de moins en moins supportable) vis à vis de la souffrance animale.
Ce livre est parfait pour comprendre- en détail (et sans passer par 4 chemins)- l’impact écologique de la consommation de produits d’animaux alors je te le conseille vivement 🙂
Merci beaucoup pour cet article. De mon côté j’ai déjà lu, « Faut-il manger des animaux ? » de J. Safran Foer et plus récemment « L’Animal est une personne » de Franz-Olivier Giesbert, qui parle aussi de l’aspect décisionnel, personnel du choix d’être végé. Une amie a lu récemment « Profession: Animal de laboratoire » et me le conseille. J’avoue être toujours intéressée par des lectures anti-spécistes et prônant un mode de vie végé, moi-même étant vegan mais faire le choix de passer à une consommation végétarienne est selon moi un très bon début. Et ces lectures permettent aussi d’être accessibles sans culpabiliser et d’expliquer pourquoi nos comportements actuels ne peuvent plus durer.
Bonne continuation 🙂
Profession: Animal de laboratoire, dont Gala avait interviewé l’auteure, m’intéresse aussi… j’étais loin de m’imaginer ce que les animaux de laboratoire subissaient, jusqu’à ce que je lise Plaidoyer pour les animaux de M. Ricard ; même si je suis consciente de la violence dont peuvent faire preuve les humains, je ne savais pas jusqu’où ils pouvaient aller… pour rien !
Merci !
Oui, parfois je me sens « confortablement ignorante »…. Mon chemin vers le végétarisme est commencée. Et je me sens plus en accord avec moi-même. Cette dissonance cognitive commençait à me ronger de l’intérieur. Merci pour ce conseil de lecture.
« Faut-il manger les animaux » de Safran Foer avait fait un déclic chez moi.
Et merci de promouvoir les librairies indépendantes. C’est assez rare sur le net de voir ce genre de conseil alors MERCI !
Depuis l’éco-défi « Verdir sa bibliothèque » et surtout suite au témoignage de Lysiane, je tiens à soutenir autant que possible les éditeurs indépendants 🙂 Je te souhaite un cheminement vers le végétarisme aussi aisé que possible 🙂
Ce livre m’inspire.Il fera l’objet d’un prochain achat.
J’ai ouvert un blog depuis peu, je le lis, et je posterai un article là dessus.
Merci
Bonne lecture alors 🙂
Bonjour Natasha,
Ce livre traite donc de faits, de chiffres et d’informations véritables?
Il faut absolument que je le lise alors ! De cette manière, il me sera plus facile de discuter avec les personnes réfractaires à une moindre consommation (même si je ne suis moi même pas végétarienne – mais j’y pense de plus en plus !).
Leur expliquer pourquoi je mange de la viande une fois par semaine est un vrai parcours du combattant (et j’avoue qu’il est dur de résister à la tentation de leur sauter dessus – au risque passer pour une hystérique-) alors si des chiffres peuvent rendre plus scientifique ce combat, pourquoi ne pas lire ce livre ! 😉
Maélys
PS : est-il moins dur à lire que Steak machine?
Bonjour Maélys,
D’après mes souvenirs, les faits et chiffres ne concernent pas la France directement, mais permettent tout de même de se faire une bonne idée du problème dans son ensemble
Comme il ne s’agit pas d’un descriptif des conditions d’abattage, ça se lit moins douloureusement que « Steak Machine ».