Depuis près de 4 ans, Lysiane partage son intérêt pour les lectures engagées sur son blog Bibliolingus. Elle y présente tous genres d’ouvrages des 4 coins du monde ayant pour point commun de donner à « réfléchir sur la société, son fonctionnement et ses alternatives » et d’être publiés par des éditeurs indépendants « qui s’efforcent de s’affranchir des codes capitalistes ».
Éditrice de métier, cette jeune femme de 26 ans investit également beaucoup de son temps libre à promouvoir ces lectures qui l’inspirent et ces éditeurs dont elle partage les valeurs non seulement à travers son blog mais aussi via l’Association Alterlibris dont elle est la coordinatrice.
Étant donné mon désir de lire de manière plus responsable, j’ai voulu en savoir plus sur l’expérience et la vision de cette grande défenseuse de la lecture engagée !
D’où te vient ton intérêt pour le monde de l’édition ?
C’est mon père qui m’a transmis la passion et l’amour des livres ! J’ai toujours beaucoup lu, mais après le bac j’ai commencé un diplôme de gestion (alors que je suis mauvaise en chiffres u_u). Cette formation a été un déclic, car en fait je ne conçevais pas de travailler pendant 40 ans (ou plus ?!) pour une chose à laquelle je ne crois pas. J’ai donc continué mes études dans l’édition et depuis deux ans je suis éditrice en freelance pour des maisons d’édition et des associations.
Sur ton blog, tu dis vouloir “défendre une lecture engagée”… qu’est-ce que c’est pour toi une lecture engagée ?
L’engagement est probablement mon mot préféré, mais il est aussi difficile à définir. Pour moi, la lecture engagée est celle qui donne à réfléchir sur la société, sur ses fondements, sur ses valeurs et sur les alternatives. Pour ceux qui connaissent Bibliolingus.fr, des thèmes forts animent le blog : le politique, le travail, les médias, l’économie, l’écologie, les luttes sociales, les institutions comme la prison, l’État, l’école.
Ce n’est pas tant une question de forme que de contenu, même si je suis peu sensible aux belles phrases et au lyrisme. Un livre engagé, ce peut être un roman, un essai, une BD, un livre pour la jeunesse. La question est plutôt : en quoi ce livre apporte une vision moins biaisée de la réalité (à rebours du langage omniprésent des dominants) ; quels travers de la société nous montre-t-il ? quel savoir nous transmet-il ?
Le livre engagé est celui qui donne des clés pour comprendre le monde et agir concrètement. Dans ce sens, la lecture engagée est fondamentale pour se construire, prendre position et faire des choix au quotidien. Pour moi, tout acte ‒ ou non-acte ‒ est politique.
Il y a toutefois un abus de langage sur le terme d’engagement, car ces dernières années les acteurs dominants récupèrent les mouvements alternatifs et révolutionnaires pour leur propre compte, parce que c’est vachement à la mode d’être rebelle^^.
Tu es coordinatrice de l’association AlterLibris. Peux-tu nous en dire un peu plus sur le travail et les objectifs de cette association ?
Ça y est, tes lecteurs ont deviné que j’étais monomaniaque sur les bords ! Je coordonne effectivement l’association AlterLibris, créée en novembre 2014, qui aide à la promotion et à la diffusion des livres associatifs par le biais de la vente en ligne et de ventes en salon. Les livres que nous défendons sont édités par des associations militantes ou des maisons d’édition ayant choisi le statut associatif par conviction. Les genres sont variés : des essais, de la jeunesse, mais aussi de la fiction et bientôt de l’illustré ; et le point commun de tous ces livres est d’avoir une démarche alternative et… engagée.
Tu es également très investie auprès de librairies et éditeurs indépendants… quelle place tiennent-ils en France aujourd’hui et quelle est leur importance à tes yeux ?
Question cruciale ! La France est l’un des pays qui protègent le mieux sa culture. Elle est encore assez préservée, mais le combat est difficile pour les acteurs indépendants. La concentration économique est un véritable danger dans le milieu de la culture et des idées !
Je soutiens les acteurs indépendants à plusieurs titres : tout d’abord les éditeurs, parce qu’ils sont les premiers à prendre des risques éditoriaux, à publier des textes étranges, oubliés ou très spécifiques, sans chercher à tout prix à être rentable. Cela correspond à la manière dont je souhaite travailler avec le livre et à la manière dont j’aime être considérée en tant que lectrice : qu’on ne me serve pas un énième roman avec la même histoire cousue de fil blanc !
Ensuite parce qu’à travers l’édition et la librairie indé, je défends un modèle économique local (mais pas seulement dans le livre). C’est un acte politique de dire non aux chaînes culturelles et aux sites de vente en ligne que je ne nommerai pas (Amazon pour ne citer que lui^^).
C’est à nous, lecteurs et citoyens conscientisés, de défendre notre culture au quotidien.
Il y a quelques jours j’ai publié un article intitulé “Pourquoi je préfère les livres aux liseuses”, qui a suscité beaucoup de réactions ! Et toi, as-tu une préférence pour l’un ou l’autre ?
J’ai vu qu’il y avait une polémique sur ton article !
Je préfèrerai toujours le papier, d’abord parce que j’adore son odeur, qu’il soit neuf ou ancien. J’adore toucher les couvertures, observer la maquette et les typos (déformation professionnelle) et le sentir exister auprès de moi le temps de ma lecture ‒ car j’emprunte la plupart de mes livres. J’aime avoir toujours mon livre dans mon sac ou près de moi, même si je sais que je n’aurai pas le temps de le lire dans la journée. Comme mon père, j’ai un grand amour du livre et une grande soif de comprendre le monde, et probablement une grande dépendance à la lecture qui ne me quittera jamais^^.
Merci pour cet entretien qui m’honore ! Merci pour tout ce que tu fais 🙂
Pour aller plus loin :
- Bibliolingus, le blog de Lysiane
- Alterlibris, l’association dont Lysiane est la coordinatrice
Quelle interview passionnante ! c’est un plaisir de découvrir Lysiane et sa passion engagée 🙂
Au final, lire est un des premiers actes d’engagement qu’on puisse faire, puisque ça nous permet de nous informer et nous pousse à réfléchir, à questionner.
Merci pour cette découverte et longue vie aux éditeurs et auteurs passionnés !
PS: je trouve le logo d’Alterlibris superbe, l’idée de l’arbre à livres offre un très beau rendu.
Ravie de savoir que cette découverte te plaît tant ! Moi aussi j’aime beaucoup ce logo 🙂
J’ai lu avec plaisir et intérêt ton interview. Moi qui dévore les livres j’essaye d’avoir une attitude plus responsable depuis quelques temps, notamment en achetant d’occasion, ou en échangeant les livres. Je te remercie pour cette découverte, les éditeurs indépendants sont un sujet qui m’intéresse. J’irai sûrement faire un tour sur le site et le blog.
Samia
Merci pour ton commentaire Samia. On parle encore trop peu de la lecture responsable et des éditeurs indépendants alors le blog de Lysiane et le site d’Alterlibris sont d’autant plus intéressants 🙂
Merci 🙂