[Avertissement : dans cet article, je vais parler de Césarienne, d’interventions médicales (mais non violentes) et du traumatisme lié à la naissance de mon bébé. Si ces sujets sont susceptibles d’éveiller des souvenirs douloureux, n’hésitez pas à arrêter votre lecture ici.]
Voilà un peu plus de 2 ans que notre enfant a vu le jour, dans une clinique de la ville de Freiburg, en Allemagne. Je me souviens encore précisément des jours et des heures qui ont précédé sa naissance, de chacune des sensations qui m’ont traversée le corps et de toutes les émotions que j’ai ressenties durant les 47h00 qui ont succédé à la première contraction.
J’ai vécu cette naissance comme un traumatisme et si je tiens à en parler aujourd’hui, ce n’est pas pour recevoir des messages de sympathie mais plutôt pour éveiller les consciences sur l’importance d’écouter et d’accompagner les personnes pour qui l’accouchement est un souvenir extrêmement douloureux – et ce quelles que soient les circonstances de leur accouchement.
Dans les semaines et les mois qui ont suivi la naissance de mon bébé, alors que je tentais vainement d’extérioriser le traumatisme que fut mon accouchement, d’innombrables personnes m’ont répété cette phrase qui m’est vite devenue insupportable et qui mettait abruptement fin à la discussion : « L’essentiel, c’est que vous alliez bien toutes les deux ». Puisque mon bébé et moi étions en bonne santé physique, je n’avais apparemment aucune raison de revenir sur les difficultés de mon accouchement ni d’en souffrir. Par ailleurs, certaines personnes ressentaient le besoin de me rappeler que mon bébé et moi étions vivantes et que c’était là le plus important. Cette réaction fut la première d’une longue liste d’injonctions m’ayant fait prendre conscience du tabou qui règne autour des souffrances des mères – comme si ressentir des émotions négatives à propos de sa grossesse, de son accouchement ou de son rôle de parent revenait à renier les bonheurs de la parentalité et à priver son enfant d’amour. Heureusement, j’ai aussi été entourée de personnes qui ont entendu ma peine, à commencer par mon conjoint, et qui ont été véritablement à l’écoute. Puis, 16 mois après la naissance de notre bébé, j’ai suivi une thérapie afin d’apprendre à vivre avec ce traumatisme dont j’ai mis du temps à en comprendre les causes. Pourquoi, avais-je été traumatisée alors que tout s’était bien terminé pour moi comme pour mon bébé, alors que j’avais été entourée de personnes bienveillantes tout au long de mon accouchement, alors que mon expérience à la maternité fut extrêmement positive, avant, pendant et après, alors que physiquement, je me suis remise relativement rapidement de cette épreuve ?
Afin de mieux comprendre tout ce qui a pu se jouer pour moi lors de cette naissance, je vous raconterai d’abord pourquoi j’avais choisi d’accoucher à domicile, comment j’ai vécu le dépassement de mon terme (j’ai accouché à – officiellement – J+14) et les 47 heures qui ont suivi ma première contraction. J’expliquerai ensuite comment j’ai réalisé que j’étais traumatisé par mon accouchement, les raisons pour lesquelles c’était et ça restera toujours un souvenir douloureux pour moi et enfin comment la thérapie m’a aidée à mieux vivre avec.
Mon projet d’accouchement à domicile (AAD)
Si le fait d’avoir accouché à la maternité plutôt qu’à domicile n’explique pas les raisons de mon traumatisme, savoir comment j’avais envisagé mon accouchement peut permettre de comprendre les racines de certains de mes ressentis durant mon post-partum.
Avant-même d’avoir un projet de grossesse et donc de tomber enceinte, je m’étais toujours imaginée, si l’opportunité se présentait, accoucher à la maison, entourée de mon conjoint et d’une sage-femme. Cette envie découlait des nombreux récits et témoignages d’AAD que j’avais pu lire et écouter par le passé, de ma compréhension des besoins de l’enfant à la naissance ainsi que de mes besoins personnels. Ayant toujours conçu l’accouchement comme une expérience profondément intime, en plus d’être timide et intravertie, j’aimais l’idée de pouvoir vivre ce moment entourée de personnes proches, qui me connaissaient bien, avec qui j’étais très à l’aise et sur qui je pourrai compter tout au long de mon accouchement. Il me semblait par ailleurs important de me sentir totalement libre à chaque étape du travail : libre de mes mouvements, libre de sortir, libre de changer de pièce et de position, libre de boire et de manger, libre de prendre un bain, libre de demander ce dont j’avais envie et besoin, etc. Même si je n’avais jamais accouché, je savais que ce serait une expérience extrêmement intense qui me demanderait de puiser des forces en moi et autour de moi et il me semblait important que toutes les conditions soient réunies pour cela. De plus, inspirée par ma lecture du livre Pour une naissance sans violence de Frédéric Leboyer (que je vous ai présenté ici), je voulais que mon bébé puisse voir le jour dans des conditions qui lui soient aussi agréables que possibles, dans un cocon de douceur, embaumé d’odeurs et de voix (et de bactéries !) familières, dans la pénombre et le calme. Enfin, il était important pour moi que nous puissions commencer cette nouvelle vie à 3 ensemble, nuit et jour, dans un contexte aussi familier que confortable. Parce qu’accoucher à mon domicile réunissait toutes ces conditions-là, c’était pour moi le lieu idéal où accoucher.
Certain·es se demanderont peut-être si j’avais envisagé que les choses se passent mal, pour moi, comme pour le bébé. Évidemment, j’étais tout à fait consciente des complications pouvant émerger pendant l’accouchement ; nous avions évoqué de nombreux scénarios possibles avec ma sage-femme et je savais que dans tous les cas, mon bébé comme moi pourrions obtenir l’assistance médicale dont nous pourrions avoir besoin suffisamment rapidement. Entourée de 2 sage-femme expérimentées le jour J et située à quelques minutes de plusieurs hôpitaux, je me sentais en sécurité. Je dois également dire que j’étais extrêmement confiante ; j’avais confiance en ma capacité à mettre un bébé au monde, confiance en ma sage-femme, confiance en mon conjoint et l’accouchement était une expérience que je me réjouissais vraiment de vivre.
On demande souvent aux personnes souhaitant accoucher à domicile pourquoi elles ne veulent pas accoucher à la maternité et même si je comprends qu’on puisse se poser cette question dans un contexte socioculturel où l’accouchement en maternité est une norme et où l’AAD souffre de nombreux préjudices, je ne pense pas que soit là la question. Le choix d’un AAD n’est pas forcément un choix contre l’accouchement à la maternité. Dans mon cas, il s’agissait d’un choix éclairé pour et non contre. Un choix pour répondre à mes besoins et priorités personnels et que seul l’AAD pouvait m’offrir dans le contexte où je vis. De la même manière, lorsqu’on choisit une destination de vacances parmi tant d’autres, ce n’est pas parce qu’on a quelque chose contre le reste du monde mais simplement que la destination choisie correspond à nos affinités personnelles et besoins du moment.
J’étais d’ailleurs tout à fait préparée à aller à la maternité, d’un point de vue pratique et émotionnel ; ma valise était prête, les lieux et le personnel m’avaient inspiré confiance et toutes mes amies y ayant accouché étaient entièrement satisfaites de la manière dont elles avaient été accompagnées avant, pendant et après l’accouchement. Je n’avais donc aucune appréhension à me rendre à la maternité choisie mais il n’en reste pas moins que l’AAD me correspondait davantage. J’étais par ailleurs tellement confiante dans le bon déroulé de mon accouchement qu’à chaque fois que je me projetais dans ce moment tant attendu, je m’imaginais chez moi, dans le confort de mon cocon.
Trouver une sage-femme disponible pour m’accompagner dans ce projet d’AAD fut toutefois très compliqué car elles sont peu nombreuses et très sollicitées à Freiburg… Alors après plusieurs semaines de recherches pour trouver une sage-femme qui soit non seulement disponible durant ma grossesse et autour de la date de mon terme mais également bilingue (allemand-anglais ou allemand-français) et après avoir essuyé de nombreux refus, je me suis sentie extrêmement chanceuse d’avoir reçu une réponse positive de Claudia. Je me sentais extrêmement privilégiée et je savais que c’était peut-être la seule fois de ma vie où je pourrai envisager un AAD.
Dépassement du terme
Avant de me plonger dans le récit de mon accouchement, il me semble également important de préciser dans quel état d’esprit j’étais les jours précédents mon accouchement. En Allemagne, le corps médical considère que la grossesse est à terme au bout 40 semaines (contre 41 semaines en France) et ma gynéco s’étant trompée dans son estimation du terme, la date officielle correspondait en réalité à 39 semaines d’aménorrhée (ayant des problèmes d’infertilité, j’avais pour habitude de tout noter et je connais donc la date de conception). Malheureusement, quand je me suis rendu compte de cette erreur, il était trop tard pour modifier quoi que ce soit dans mon carnet de grossesse et comme j’ignorais que j’allais dépasser le terme et que cette semaine de décalage avec la réalité allait avoir des répercussions importantes sur mon suivi en fin de terme, je n’y ai pas prêté attention… jusqu’à ce que j’arrive au terme officiel de ma grossesse.
À partir de ce moment-là, je me suis immédiatement sentie sous pression puisqu’en plus des rendez-vous avec ma sage-femme, je devais me rendre à la maternité régulièrement. Là, on m’a très vite parlé de déclenchement et la pression se faisait grandissante à chaque nouvelle consultation – pourtant, chaque examen confirmait que mon bébé se portait bien et qu’il restait bien assez de liquide amniotique pour poursuivre la grossesse. Quant à moi, j’étais en pleine forme. Ma sage-femme, elle, savait que la date du terme était erronée et elle était donc prête à attendre jusqu’à J+14 (suivant la date officielle du terme, soit 41 semaines d’aménorrhée en réalité) – au-delà elle aurait également envisagé un déclenchement.
De mon côté, j’étais très confiante ; sachant qu’il n’y avait aucune raison de s’inquiéter d’un point de vue médical et n’ayant aucune envie d’être déclenchée sans motif valable, j’ai tenu tête au corps médical et espéré très fort que le travail débuterait dans les 14 jours suivant la date officielle du terme et quand mon bébé serait prêt… et finalement, à J+12, j’ai ressenti la première contraction !
47 heures de travail et une Césarienne plus tard
Il est minuit quinze, dans la nuit du samedi au dimanche, lorsque je ressens, avec joie et soulagement, la toute première contraction. Je sais alors que chaque contraction qui suivra me rapprochera de ma rencontre avec notre bébé. Je me sens confiante et prête à accueillir chaque nouvelle vague, que j’accompagne avec mon souffle, guidée par tout ce que j’ai appris durant mes séances d’hypnonaissance.
00h15 – 1h05 – 1h20 – 2h05 – 2h20 – 2h35 – 2h47 – 3h19 – 3h55 – 4h55
Je note l’heure de chaque nouvelle contraction sur l’application bloc-notes de mon téléphone.
Ma culotte est humide ; cela ne ressemble pas à la perte des eaux telle que je l’avais imaginée, mais je ressens tout de même le besoin de changer de culotte 2-3 fois dans la nuit.
À 7h30, j’appelle Claudia pour lui dire que le travail a commencé. Mes contractions sont alors en pause, rien ne presse. Elle vient me voir dans la matinée. Nous sommes si heureuses que le travail ait débuté, que ce moment que nous préparons ensemble depuis des mois soit enfin là. Après s’être assurée que tout allait bien pour moi comme pour le bébé, elle repart et prévoit de revenir dans l’après-midi.
8h15 – 9h45 – 10h40 – 11h44
Les contractions sont de retour, à des intervalles moins fréquents.
À l’heure du déjeuner, je grignote un peu.
Claudia revient dans l’après-midi et confirme que tout va bien. Elle fait une prise de sang et les résultats, reçus quelques heures plus tard, confirment qu’il n’y a pas d’infection. Elle nous dit de la rappeler dès lors qu’on ressentira le besoin de sa présence.
C’est une journée très ensoleillée aux airs printaniers. J. et moi décidons d’aller marcher le long de la rivière ; il fait si chaud que je finis la balade en débardeur.
Les contractions sont de retours, à des intervalles très espacés.
14h20 – 15h20 – 16h20.
Puis, elles se rapprochent de nouveau.
16h45 – 17h15 – 17h30 – 17h49 – 18h14 – 18h39 – 18h48 – 19h03 – 19h25 – 19h35 – 19h43 – 19h54 – 20h14 – 20h42 – 20h52 – 21h03 – 21h22
L’après-midi se transforme en soirée, au fil des contractions. Je n’ai aucune envie de manger et je n’ai plus la force de noter les heures. Mon mari prend le relai.
21h27 – 21h47 – 22h09 – 22h34 – 22h39 – 23h00.
Il prend aussi ma température régulièrement, comme demandé par ma sage-femme.
Mes forces commencent à faiblir. Cela fait près de 24h que je n’ai quasiment pas dormi et que je n’ai presque rien mangé. Je demande à J. d’appeler notre sage-femme ; même si je n’ai pas l’impression que le travail s’accélère, j’ai besoin d’être rassurée – je sais qu’un accouchement peut être très long mais l’évolution du travail me laisse perplexe.
Le temps d’arriver, elle nous invite à sortir marcher un peu. Il fait nuit noire. J’enfile mon manteau par-dessus mon pyjama, ainsi que mes bottes de pluie (parce que c’est ce qu’il y a de plus simple à mettre !) et nous sortons faire un tour dans le quartier, nous interrompant régulièrement, le temps des contractions. Je hurle dans les rues quasiment désertes du centre-ville, appuyée contre J.
Claudia s’assure de nouveau que tout va bien. Elle me rassure et repart en m’invitant à la rappeler au plus tard à 7h00 le lendemain matin, pour faire le point.
À ce stade de la nuit, je n’ai plus le courage de noter toutes ces heures aléatoires des contractions. Je décide de dormir sur le canapé-lit et J. aussi – c’est beaucoup plus simple pour moi de me lever depuis cette hauteur-là, plutôt que depuis notre lit très près du sol. Je parviens à m’endormir mais je ne dors quasiment pas ; les contractions m’obligent à me lever très fréquemment, plusieurs fois par heure. Je continue d’accueillir et de laisser chaque contraction me traverser avec sérénité.
Soulagée de voir le jour se lever, j’appelle Claudia vers 7h00 et elle nous rejoint une heure plus tard en ce lundi matin ensoleillé. J’avale 3 cuillères de compote de pommes et 3 amandes en l’attendant.
Cela fait maintenant 32 heures que j’ai des contractions irrégulières mais fréquentes et 2 nuits que je n’ai quasiment pas dormi. Nous sommes également officiellement à J+14 du terme. Mon col est à peine dilaté – 2 cm. La poche des eaux ne s’est toujours pas rompue.
Nous décidons qu’il est temps de la rompre, en espérant que cela favorisera l’accélération du travail.
Je m’allonge sur le canapé recouvert d’un drap, d’alaises et de serviettes épaisses et Claudia rompt délicatement ma poche. Je suis abasourdie par la quantité de liquide amniotique qui s’écoule soudainement ainsi que par la rapidité avec laquelle les contractions s’accélèrent, comme si quelqu’un venait d’appuyer sur le bouton fast forward. Mon col est désormais dilaté à 4 cm.
Au bout d’un moment, je décide d’aller me rincer sous la douche, aidée de J. qui remarque que le liquide qui s’écoule est teinté. Je sais ce que cela veut dire : mon bébé a lâché son méconium, signe potentiel de détresse fœtale. Le monitoring nous confirme cependant que tout va bien. En revanche, je sais que si mon bébé avale ce liquide souillé au moment de son expulsion, il/elle risque de développer une infection respiratoire par la suite. Cela fait partie des nombreux scénarios évoqués par Claudia lors de la préparation à l’accouchement. À ce stade, je sais qu’un accouchement à domicile est encore envisageable puisque le bébé va bien et que Claudia est tout à fait équipée pour aspirer ses voies aériennes supérieures à sa naissance, afin d’éviter le syndrome d’inhalation. Or, je m’étais toujours dit qu’à partir du moment où il se présenterait le moindre risque pour moi comme pour mon bébé, je ferai le choix d’être transférée à la maternité. Même si je suis tiraillée, parce qu’à ce moment-là tout va bien pour nous et que j’ai tout à fait confiance en Claudia (et en la seconde sage-femme qui la rejoindrait à l’approche de l’accouchement), je fais le choix de me rendre à la maternité.
Je pleure. Je pleure parce que je dois faire le deuil d’un accouchement à domicile, dans des conditions qui auraient été idéales pour moi, pour mon bébé, pour notre famille.
Claudia appelle la maternité. On nous confirme qu’il y a de la place, que nous pouvons venir.
Ma valise est prête depuis plusieurs semaines. Je n’ai plus qu’à enfiler mon manteau et mes bottes de pluie et Claudia nous conduit, dans son cabriolet. J. cale ce qu’il peut derrière mon dos afin de m’offrir un maximum de confort alors que je peine à trouver une position indolore sur la banquette étroite à l’arrière. Je hurle tout le long du trajet. Je hurle en sortant de la voiture.
Accompagnée de J., pendant que Claudia va garer sa voiture, je retrouve le chemin familier de l’aile réservé aux salles d’accouchement où je me suis rendue à plusieurs reprises pour des contrôles ces deux dernières semaines.
Je me change et je m’installe dans une pièce spacieuse et lumineuse, sur un lit très large à la forme étrange. Les contractions continuent de me plier en deux et je continue de les accompagner avec mon souffle. Il doit être midi ou 13h.
Je suis entourée de J., de Claudia et d’autres membres du personnel de la maternité ; je me sens très bien entourée et en confiance. Mon col est dilaté à 6 cm.
Mais je me sens faiblir. Je suis fréquemment prise de tremblements ; mon corps entier se secoue, comme traversé par une longue décharge électrique. J’ai aussi très envie de vomir. Je vomis.
Claudia me masse le bas du dos. Ça me fait du bien.
On me propose de prendre un bain. Claudia me demande alors si je souhaite qu’elle reste ou bien si je me sens suffisamment bien entourée et en confiance ; je lui dis qu’elle peut partir, que ça ira, même si j’ai un gros pincement au cœur de savoir que celle qui m’a accompagnée tout au long de ma grossesse, celle à qui j’avais confié la mission de m’accompagner pour accueillir mon bébé, ne sera pas là à sa naissance.
Il doit être environ 15h00 quand je me glisse dans l’eau chaude du bain. Mon bébé reste surveillé de près. Je suis bien. Les contractions me semblent légèrement moins intenses dans l’eau. Au bout d’une heure, une sage-femme m’explique que l’activité du bébé faiblit, que le bain est peut-être trop relaxant.
Je sors du bain. Mon col est alors dilaté à… 4 cm, soit 2 cm de moins qu’avant le bain ! Je ne comprends pas. Personne ne comprend. Je croyais que cela arrivait uniquement dans des situations de stress extrême, lorsque la personne accouchant se sentait en danger, mal entourée… ce qui n’était absolument pas mon cas.
Cela fait maintenant 40 heures que j’ai des contractions, que je n’ai presque pas dormi, presque pas mangé et vomi le peu que j’avais réussi à avaler ce matin-là… et malgré une certaine évolution du côté des contractions, mon col se referme plus qu’il ne se dilate et mon bébé n’est pas davantage engagé.
On m’explique alors qu’une injection d’ocytocine est tout indiquée à ce stade, dans l’espoir que cette hormone de synthèse agisse sur l’efficacité des contractions. Dans les minutes qui suivent l’injection les contractions s’intensifient et s’accélèrent… C’est insupportable.
Si jusqu’à ce moment-là j’avais réussi à accompagner chaque nouvelle vague sereinement, ces nouvelles contractions semblent venir d’ailleurs, elles me frappent sans prévenir. La douleur est indescriptible, incomparable. En quelques minutes à peine, je passe du calme à l’effroi. Mon corps est hors de contrôle, il ne m’appartient plus. Qu’est-ce qu’il m’arrive ?
Je dis à J. que je n’en peux plus, qu’il faut que ça s’arrête… Il continue de me répéter des phrases bienveillantes et encourageantes, celles qui m’avaient apaisées plus tôt mais qui ne font plus aucun sens pour moi. Les entendre m’est insupportable. Je ne me sens pas entendue. Il faut que ça cesse. Je crois que ce n’est qu’à partir du moment où je lâche des injures que J. saisit mon message.
Il discute avec une sage-femme, on me propose alors une péridurale. L’idée de ne plus rien sentir très bientôt me soulage. L’anesthésiste arrive assez vite, mais pas assez vite pour moi. Chaque nouvelle contraction me donne l’impression de mourir et non plus de me rapprocher de ma rencontre avec mon bébé.
Mon bébé… cela fait des heures que je n’y pense même plus. Je me sens vidée, déconnectée de tout, d’elle/lui, de moi, de tout ce qui m’entoure. J’en aurai presque oublié pourquoi je suis là, ce que je fais là.
La péridurale fait rapidement effet. Je suis abasourdie, j’ai l’impression de me réveiller d’un cauchemar.
Alors que tout semble s’apaiser, on m’ausculte de nouveau et l’on constate que l’ocytocine n’a eu aucun autre effet que de me torturer… Mon col n’est pas davantage dilaté, mon bébé pas plus engagé. Toute cette souffrance pour rien.
Il est déjà 21h00. Cela fait 45 heures que j’ai ressenti la première contraction.
La gynécologue s’installe à mes côtés. Avec douceur elle m’explique qu’il est temps d’envisager une Césarienne, mais qu’on peut encore attendre une heure. Une heure pendant laquelle on me préconise de faire des mouvements susceptibles d’aider le bébé à s’engager davantage.
Je m’installe à 4 pattes sur le lit, je m’accroche à une barre transversale et je suis les instructions d’une sage-femme. Sous l’effet de la péridurale, l’une de mes jambes est complètement engourdie, mais pas l’autre. La sage-femme aide ce corps duquel je me sens toujours déconnectée à se positionner correctement. J’effectue chaque exercice avec application. Je suis reconnaissante de cette dernière chance qu’on me laisse pour essayer d’accoucher par voie basse. La gynécologue a dû insister auprès de sa cheffe.
Au bout d’une heure, rien n’a changé.
La gynécologue s’assoit de nouveau à mes côtés et avec toute la douceur du monde, elle me demande comment je me sens. Elle me dit que c’est ok d’être soulagée à l’idée d’avoir une Césarienne. Elle me dit aussi « Je sais que ce n’est pas ce que vous vouliez mais sachez que vous et votre bébé avez fait tout ce qui était en votre pouvoir pour une naissance par voie basse ». Quelques larmes m’échappent. Je ne sais pas si je suis triste ou touchée par ses mots et sa compassion. Je suis aussi déconnectée de mon corps que de mes ressentis.
Elle fait tout pour me rassurer : « C’est une opération que nous avons réalisé de multiples fois, tout ira bien ». Mais je n’ai pas besoin d’être rassurée. Je ne suis pas inquiète. Je me sens bien entourée. Je me laisse porter puisque tout semble m’échapper.
Elle s’excuse du fait que la Césarienne n’offre pas des conditions d’accueil optimales pour le bébé, qu’il y aura beaucoup de lumière notamment. Mais elle m’explique qu’on les tamisera dès que possible, qu’on minimisera les bruits aussi. Elle pense à des choses qui sont si loin de me préoccuper à présent.
Puis, tout va très vite et je me retrouve transférée sur un autre lit pendant que J. enfile une tenue de protection pour pouvoir m’accompagner au bloc opératoire. Alors qu’on pousse mon lit vers le bloc, j’observe avec curiosité les couloirs qu’on traverse. Après toutes ces heures passées en salle d’accouchement, à moitié dans le brouillard, j’en avais presque oublié où j’étais.
Arrivée au bloc opératoire, je suis surprise du nombre de personnes qui nous entourent. Je les compte. Je crois qu’elles sont 8. Huit femmes. L’une d’elle me pose des questions sur mon travail. Une autre me demande de lui dire à partir d’où je ne ressens plus rien, afin de s’assurer que l’anesthésie fonctionne. J. est installé derrière ma tête.
Il est temps de sortir notre bébé de mon utérus. Que c’est étrange de ne rien sentir et puis, soudain, d’entendre ses pleurs. On invite J. à venir prendre notre enfant dans ses bras, puis il me l’apporte en me disant son sexe et la pose sur ma poitrine. Elle pleure. Elle pleure si fort. Je me demande si elle est soulagée, elle aussi, d’être sortie de là, 47 heures après la première contraction.
Ses pleurs ne cessent pas. On se prépare à nous transférer sur un autre lit. On me dit de ne me préoccuper de rien, de bien tenir mon bébé tout simplement. Je réalise alors que mes jambes sont complètement paralysées. Je me sens particulièrement vulnérable.
Notre bébé pleure tout le long du trajet jusqu’à la salle d’accouchement où l’on nous ramène le temps de s’assurer que tout va bien. Alors que nous traversons l’aile des salles d’accouchements, j’entends des cris, d’abord d’une femme, puis quelques secondes après, ceux d’un·e nouveau·elle né·e. Mon cœur se noue instantanément et je me dis « elle, elle a réussi ».
L’une des sage-femme réalise que j’ai du méconium sur la poitrine et un bras. Elle me nettoie. Les pleurs de mon bébé cessent enfin. Elle cherche le sein. Elle tète à peine.
Il doit être environ 1 ou 2 heures du matin. On nous conduit dans une chambre. J. ne peut pas rester. Il me promet qu’il reviendra au plus tôt.
Je me retrouve seule avec mon bébé, dans une chambre avec une inconnue et son nouveau-né, dans la nuit noire. La sage-femme est adorable, elle me dit de l’appeler si besoin, pour changer la couche surtout, pour les tétées aussi.
Alors qu’elle s’apprête à partir, je lui demande « et mon bébé, elle dort où ? ». « Sur vous, me répond-elle ». Assez surprise, je lui demande si elle ne risque pas de tomber. Elle me rassure, pointe du doigt les barreaux et le coussin d’allaitement qui l’entoure. Elle quitte la chambre.
Je repense aux dernières heures. Je sais qu’il faut que je dorme. Mais tant de questions se bousculent dans ma tête. Je finis malgré tout par trouver le sommeil, mon bébé nue sur ma poitrine.
Le jour où j’ai réalisé que j’étais traumatisée par mon accouchement
Dès le lendemain de mon accouchement, je pleurais à chaque fois que j’y pensais, sans savoir vraiment pourquoi. Plusieurs personnes blâmaient mes hormones mais je savais qu’elles n’y étaient pour rien. Le simple fait de penser à mon accouchement me nouait le cœur et me faisait fondre en larmes. Je n’avais pas subi de violences obstétricales, j’avais été entourée du début à la fin de mon mari et de personnes très sensibles, attentionnées et bienveillantes qui n’avaient rien fait contre mon gré ni sans m’en informer. Je n’avais par ailleurs jamais été fermée à l’idée d’accoucher à la maternité, ni même d’avoir une péridurale. Mais quelque chose n’allait pas.
Dans les jours et les semaines qui ont suivi, j’ai ressenti le besoin de raconter mon accouchement en détail à toutes les personnes à l’écoute et bienveillantes de mon entourage. Je me disais qu’à force d’en parler, ça irait mieux, que mes plaies intérieures finiraient par cicatriser, mais à chaque fois ma gorge se nouait et mes larmes coulaient de plus bel. Elles coulaient aussi à chaque fois qu’on m’annonçait une naissance (qu’elles qu’en soient les circonstances) ou que je tombais sur un article/une vidéo au sujet d’un accouchement. Tout ce qui pouvait me renvoyer à mon accouchement me plongeait dans une peine immense.
Fin mars, quelques semaines après mon accouchement, je suis tombée malade et j’avais de la fièvre. Soudainement, une nuit, alors que j’étais dans mon lit, mon corps entier s’est mis à trembler et j’ai éclaté en sanglot. J’ai eu, l’espace de quelques secondes, l’impression de revivre les phases de tremblement de mon accouchement. Ce jour-là, j’ai réalisé que j’étais traumatisée par mon accouchement, sans encore savoir précisément pourquoi.
Au fil du temps et à force d’en parler, j’ai fini par identifier les multiples causes de ce traumatisme :
- 40 heures pour 4 cm de dilatation
Je pense qu’émotionnellement et physiquement, je me sentais encore bien jusqu’à la sortie du bain, soit environ 40 heures après la première contraction. Néanmoins, la réalisation que mon col s’était resserré m’a complètement abattue. Après toutes ces heures d’efforts, de persévérance et de pensées positives je ne comprenais pas pourquoi j’avançais à reculons et je me suis alors sentie aussi vulnérable qu’impuissante.
- Ocytocine, choc physique et émotionnel
L’injection d’ocytocine qui s’en est suivi fut un choc indescriptible pour mon corps comme pour mon mental. À partir de ce moment-là, incapable de tolérer la douleur, je me suis inconsciemment totalement déconnectée de mon corps et de mon bébé… Même avec les effets de la péridurale, je n’ai pas réussi à me recentrer sur cette rencontre tant attendue. À ce stade-là, j’avais l’impression d’être hors de mon corps, je ne pensais plus à mon bébé, je ne pensais plus à rien. J’étais dans un tel état qu’on aurait pu faire ce que l’on voulait de moi, tel un pantin consentant. Alors quand J. a posé notre bébé sur moi, je n’étais pas vraiment là. Un jour, on m’a demandé ce que j’avais ressenti lorsque j’ai croisé le regard de mon bébé pour la première fois. De ce moment, je garde de vagues souvenirs dénués d’émotions.
- Mon corps, cet inconnu
Par la suite, j’ai également compris que ce jour-là, j’avais complètement perdu confiance en ma capacité d’accoucher et en mon corps de manière plus générale. Ce corps que je pensais connaître m’apparaissait comme un inconnu. J’étais vraiment passée d’un extrême à l’autre – alors que tout au long de ma grossesse je m’étais imaginée accoucher dans le confort de mon foyer, j’étais à présent effrayée à l’éventualité de donner la vie de nouveau un jour et je ne comprenais pas comment j’avais pu en arriver là. Je me sentais étrangère dans mon propre corps, je ne me reconnaissais pas.
- Une césarienne pas du tout anticipée
Enfin, même si j’avais envisagé différents scénarios d’accouchements au cours de ma grossesse, je n’avais à aucun moment imaginé devoir accoucher par Césarienne. Cela ne m’avait même pas traversé l’esprit. Après une grossesse des plus sereines, je m’étais projetée dans un accouchement par voie basse pas forcément simple et rapide, mais un accouchement par voie basse quoi qu’il arrive… Alors quand je me suis retrouvée au bloc opératoire, je ne savais pas bien ce qui m’attendait et quand j’en suis sortie non plus. Mentalement, je n’étais absolument pas préparée à accueillir mon bébé en mode post-opératoire, à moitié immobilisée, avec une sonde urinaire, une cicatrice de 12 cm au bas du ventre et tout ce que cela implique par la suite.
On ne sait jamais à quoi s’attendre lorsqu’on va accoucher, et je savais que mon accouchement se déroulerait sans doute très différemment des divers scénarios dans lesquels je m’étais projetée tout au long de ma grossesse. Je m’étais imaginée dans divers pièces de la maison, je m’étais imaginée souffrir, je m’étais imaginée transférée à l’hôpital, je m’étais imaginée sous péridural… Mais je n’avais pas imaginé passer 2 nuits et presque 2 journées entières à avoir des contractions d’une puissance phénoménale et pourtant inefficace, les effets de l’ocytocine, le brouillard mental et la césarienne.
J’ai mis du temps à parler de traumatisme « publiquement » parce qu’il y a toujours quelqu’un·e pour vous rappeler que ça aurait pu être pire et pour vous donner le sentiment que tu exagères… Nous vivons dans un monde où la souffrance est partout, sous diverses formes et où l’on a bien souvent du mal à reconnaître le poids des souffrances invisibles, celles qui n’ont pas laissé de traces de sang, d’odeur de mort ou d’affreuses cicatrices sur leur passage.
Les traumatismes liés à un accouchement ne sont pas toujours le fruit de violences obstétricales, ni d’erreurs médicales, ni de naissances tragiques. Je n’ai pas subi tout ça et pourtant, le moindre mot, la moindre image et le moindre ressenti qui pouvaient me rappeler mon accouchement m’ont pendant longtemps plongée instantanément dans un état d’angoisse et de tristesse profond et incontrôlable. Je me revoyais aussi régulièrement allongée sur le lit de la salle d’accouchement, sous ocytocine, en souffrance, plus vulnérable et impuissante que jamais et ce souvenir intrusif m’était insupportable.
Ma thérapie
Lorsque ma sage-femme a réalisé combien j’étais perturbée par les souvenirs de mon accouchement, elle m’a proposé un dernier rendez-vous, environ 6 semaines après la naissance de mon bébé, afin de retracer ensemble le déroulé de ces 47 heures et de voir ce qu’il en ressortait. Cela m’a permis de mieux comprendre ce qui s’était passé au fil des heures et de me rappeler que chacun·e avait fait de son mieux pour accompagner mon bébé tout au long du travail. À l’issue de cette consultation, elle m’a recommandé de prendre rendez-vous pour un accompagnement thérapeutique avec une spécialiste des accouchements traumatisants, mais à ce moment-là, ma santé mentale était loin d’être ma priorité – entre mon nourrisson et mon manuscrit à terminer, j’arrivais à peine à trouver le temps et l’énergie de me doucher.
J’ai donc laissé traîner les choses… mais j’ai tout de même pris soin d’éviter tous les contenus susceptibles de me heurter sur Internet (ce qui fut très difficile au départ car à force de regarder des vidéos d’accouchements durant ma grossesse, YouTube et Instagram ne cessaient de m’en proposer de nouvelles chaque jour) et j’ai appris à ravaler mes larmes lorsqu’elles surgissaient à des moments incongrus (quand on m’annonçait une naissance par exemple). Et puis j’ai continué d’en parler, d’extérioriser mes ressentis, auprès de personnes de confiance, dès que j’en ressentais le besoin et que j’en avais la possibilité.
Finalement, 16 mois après mon accouchement, entre deux confinements, j’ai pu m’organiser pour consulter une art-thérapeute, spécialisée en éco-thérapie. Nos 4 consultations (d’environ 2-3 heures chacune) m’ont été extrêmement bénéfiques. Elles m’ont permis de revenir sur des petits détails, de mieux comprendre certaines de mes réactions et ressentis et, surtout, de retrouver une certaine confiance en mon corps. J’ignore si je porterai de nouveau la vie un jour. Mais aujourd’hui, j’ai retrouvé confiance en ma capacité de mettre un bébé au monde, je ne me sens plus envahie par la peur à l’idée d’accoucher de nouveau et même si je crois que je ne retrouverai jamais la sérénité de ma première grossesse, c’est déjà beaucoup pour moi.
LA HIÉRARCHISATION DES ACCOUCHEMENTS
J’aimerais profiter de cet article pour revenir sur une notion qui m’a toujours mise mal à l’aise, celle « d’accouchement naturel », faisant généralement référence à un accouchement sans intervention médicale et surtout, sans péridurale. Personnellement, je trouve que cette notion d’accouchement naturel créé une hiérarchie, avec les accouchements sans péridurale en tête et tout le reste en dessous et la Césarienne au plus bas. De par cette hiérarchisation, on ne fait pas que catégoriser les types d’accouchements mais on catégorise aussi et surtout les personnes qui accouchent, avec d’un côté celles qui sont suffisamment fortes, suffisamment connectées à leur corps, etc., pour mettre leur bébé au monde sans aide médicale et, à l’autre extrême, celles qui n’en sont pas capables. Dans une société et à une époque où les accouchements tendent à être surmédicalisés et le plus souvent de manière injustifiée, redonner confiance aux personnes enceintes en leur capacité d’accoucher par voix basse et sans intervention médicale est incontestablement essentiel, surtout lorsqu’on connaît les risques liés à certaines interventions et les bienfaits d’un accouchement dit physiologique. Je pense néanmoins important de ne pas dévaloriser, inconsciemment ou pas, celles qui ne font pas ou n’ont pas ce choix-là. Accoucher est une épreuve pour toustes et chacun·e devrait se sentir libre de faire ses propres choix (éclairés) – avec ou sans péridurale, à domicile, en maison de naissance ou à la maternité, etc. – sans se soucier du poids des injonctions et des étiquettes. Suivant notre histoire, notre santé, notre environnement, nos sensibilités et priorités personnels, nos choix seront forcément différents. L’essentiel est d’être en phase avec ces choix-là et d’avoir véritablement le choix. Et quand on sait combien le post-partum peut être difficile, combien il est source de souffrances pour nombre de mères, il serait bon de ne pas leur rajouter une couche supplémentaire de culpabilité en rappelant à certaines qu’elles ont choisi ou subi la voie artificielle. Chacun·e fait bien comme iel peut. Je pense par ailleurs que l’usage du mot « naturel » fait peu de sens dans une société ou rien ne l’est vraiment de toute façon… Si mettre un·e enfant au monde par voie basse est tout ce qu’il y a de plus naturel, tout ce qui entoure un accouchement est culturel. La manière dont une mère est accompagnée tout au long du travail, le lieu dans lequel elle se trouve et son agencement, le matériel utilisé, etc., rien de cela ne peut être considéré comme « naturel » en soi. Si je souhaitais aborder cette notion dans cet article, c’est parce que même si elle me posait problème avant mon accouchement, elle m’a davantage dérangée par la suite, me rappelant sans cesse que moi, je n’ai pas réussi à enfanter selon les règles de la nature et cela n’a fait que renforcer mon sentiment d’être défaillante. Parlons de nos accouchements. De nos accouchements heureux, de nos accouchements « avec » ou « sans », de nos accouchements orgasmiques, de nos accouchements violents, de nos accouchements traumatisants. Parlons de nos accouchements non pas pour nous situer dans une hiérarchie, mais pour libérer la parole, célébrer le plus beau et accompagner nos peines.
Oh oui que tu as raison : c’est tellement important que la parole se libère, que l’on puisse se faire une idée moins faussée de l’accouchement et de la parentalité en général ! Merci beaucoup d’y participer ! J’essaye aussi de le faire sur mon blog mais je suis frustrée de ne pas arriver à dépasser tous mes biais pour offrir une vision vraiment réaliste de mon expérience.
Je suis contente que tu aies pu trouver les ressources pour arriver à vivre avec ce souvenir.
Merci d’encourager toi aussi la libération de la parole autour de la maternité Sandrine. J’espère que tu parviendras à continuer de partager ce que tu souhaites à ce sujet sur ton blog qui est une précieuse source d’information pour moi (j’ai beaucoup fouillé dans tes archives durant ma grossesse d’ailleurs !). Je t’embrasse.
Bonjour Natasha. Je suis contente de voir que tu as réussi à écrire cet article, je pense qu’il te tenait à coeur. Je crois comme toi que c’est important que chacune puisse exprimer ses difficultés, dans tous les domaines de la vie. On voit trop à mon goût de vies supposées parfaites, alors que nous avons tous et toutes des hauts et des bas. Je déteste ce sentiment d’inadéquation que ça entraine. Dans mon travail, j’entends souvent des personnes me confier qu’elles ne sont « pas comme les autres » (en moins bien, évidemment) Il me semble que personne n’est comme les autres, et qu’il n’y a pas « les autres », et « nous ».
Deux choses résonnent plus particulièrement en moi.
La première, c’est les gens qui n’ont pas réussi à entendre ta souffrance. C’est très fréquent dans nos sociétés, et je le déplore. Quand on annonce un deuil, on nous dit que le parent qui était malade est mieux là où il est, quand on dit que nos enfants étudiants sont déprimés par la situation sanitaire, on nous dit qu’ils ont de la chance parce qu’ils ont de quoi manger…
On a souvent peur d’entendre la souffrance des autres, et on est mal à l’aise parce qu’on ne sait pas quoi en faire. Je pense qu’on gagnerait tous à accueillir la parole des autres par l’écoute active. C’est quelque chose que j’ai appris dans des livres et à travers un stage de communication non violente, et ça a transformé mes relations avec mes enfants, mon entourage amical et professionnel.
Parfois, il n’y a rien à faire d’autre qu’à écouter; nous ne sommes pas tenus de proposer une solution à la détresse de ce lui qui nous la confie.
La deuxième, c’est cette notion de hiérarchisation des accouchements. Je l’ai ressentie aussi, cette sensations de n’être pas assez courageuse et connectée à mon corps parce que j’avais demandé une péridurale. J’ai ressenti la même chose en arrêtant un allaitement plus tôt que je ne l’aurais souhaité.
Un petit retour sur mes accouchements, pour répondre à ta question: Ils ont été classiques, je pense. Les trois fois, la sage femme les a provoqués de façon « naturelle » en décollant les membranes, et les choses se sont enchainées sans avoir besoin d’ocytocine. (J’étais « post terme » les 3 fois, ce qui me fait m’interroger sur la vraie longueur de mes cycles)
J’ai accouché à l’hôpital selon notre souhait, avec une péridurale trop dosée la première fois (ce qui m’a fait perdre l’usage de mes jambes et m’a empêchée de pousser correctement: Je me reconnais dans ce que tu décris). Pour le deuxième accouchement, la dilatation s’est faite trop rapidement pour que je puisse bénéficier de la péri, et même si ça a été très douloureux, ça n’a pas été trop long et ça m’a permis de reprendre confiance dans mon corps et mes capacités à enfanter.
Le troisième accouchement a été parfait: une péridurale juste bien dosée, avec des sensations intactes mais pas de douleur intense, un sentiment de compétence de ma part.
C’était il y a 16 ans.
Si j’accouchais maintenant, je demanderais à le faire dans une maison de naissance et sans péridurale, mais je me dis que nous avons fait ce que nous pensions être le mieux pour nous à ce moment-là, et je suis en paix.
J’espère vivement que tu le seras aussi, avec le temps.
Bonjour Eve,
En effet l’écriture de cet article me tenait vraiment à cœur et ce fut libérateur de partager mon vécu et mes ressentis.
Comme toi, je remarque cette tendance à étouffer tout ressenti négatif sous prétexte qu’il y a pire, dans nombre de situations… Or, ce n’est pas parce qu’on souffre, qu’on a de la peine, qu’on s’estime être les plus malheureux·ses au monde ; être conscient·es qu’il y a toujours pire n’est toutefois pas un remède à nos propres douleurs…
Merci pour le partage de ton expérience personnelle et ce message important que tu transmets à la fin : même si l’on ferait les choses différemment à l’avenir, c’est important de reconnaître que certains de nos choix du passé ont pu être faits suivant ce qui nous semblait le mieux à ce moment-là.
Bonjour Ève et Natasha,
J’allais répondre la même chose que Ève au sujet de l’écoute active des souffrances des autres ! Je trouve cela scandaleux qu’on doit toujours relativiser et/ou la taire ! C’est ce que l’on ressent, on n’y peut rien ! Et même si on sait qu’il y a toujours des situations pires, notre souffrance est là. Et comme dit ma belle-mère, à force de tout relativiser, on accepte tout et même des dérives autoritaires (mais c’est un autre sujet).
Bonjour Natasha
Merci pour ce généreux article dont tu nous parlais depuis longtemps. Il aidera et soulagera certainement bon nombre de personnes ayant vécu un accouchement dont le souvenir est douloureux, même si elles ne laissent pas de commentaires.
Personnellement, je garde de cette période de ma vie (y compris toute la gestation) le souvenir d’un un cauchemar éveillé.
On parle de « cesarienne de confort » mais dans mon cas, cette intervention m’a empêchée pendant plusieurs semaines de m occuper de manière autonome de Pitchou tant j’avais des difficultés à me mobiliser.
Je n’ai rien ressenti au moment où on a posé Pitchou sur moi (pour être honnête, je me suis endormie) et j’ai mis plus d’un an à me sentir contente qu’il soit dans ma vie.
Je ressens beaucoup de colère contre toutes ces injonctions socio-culturelles qui ne sont absolument pas à l’écoute du vécu de la personne enceinte, et qui -personnellement- n’ont fait qu’augmenter ma détresse alors que j étais déjà si fragile.
J’espère que ton article aidera donc aussi à changer les mentalités – pas toutes, mais c’est certainement une graine de plus pour un monde plus respectueux et bienveillant.
Merci encore
Je t embrasse
Delphine
PS: peut-être à la fin de l’article mentionner l’association française Césarine qui accompagne depuis 2005 les personnes souhaitant partager ou recevoir du soutien concernant la césarienne https://www.cesarine.org/ 😉
Merci pour ton témoignage ainsi que pour la recommandation de ce site.
Je comprends et partage entièrement ta colère… et te souhaite de trouver des moyens d’apaiser la douleur liée à ces souvenirs lorsqu’elle survient.
Juste deux mots – merci et bravo de partager ce moment intime pour ouvrir les yeux sur les différentes réalités
Merci d’avoir pris le temps de me lire…
Je suis très touchée de lire ton récit Natasha. J’ai tendance à trouver que le mot « résilience » est trop utilisé à toutes les sauces, mais là c’est ce qui me vient le plus spontanément. Et ton message sur l’idée d’accouchement « naturel » est très important. Il y a vraiment un biais important dans les contenus auxquels on est confrontés, car probablement que les femmes qui ont des souvenirs d’accouchement plus douloureux en ayant tenté un accouchement « naturel » en parleront moins.
J’espère que trouveras de plus en plus d’apaisement, et je suis très heureuse de savoir que tu as été bien accompagnée
Merci pour ton message Irène.
Il est vrai que j’ai personnellement trouvé peu de témoignages publics faisant écho au mien. En revanche, les témoignages de personnes ayant accouché sans péridurale sont nombreux et ce « détail » va d’ailleurs souvent de pair avec l’annonce d’une naissance sur les réseaux sociaux : « Je vous présente bébé X, né·e de manière naturelle »… On lit rarement, « J’ai accouché hier suite à un déclenchement / sous péridurale / par Césarienne / etc. de bébé X ». Or, ces simples annonces d’apparence anodine contribuent à mon sens à la hiérarchisation des accouchements.
Merci beaucoup pour ces mots puissants et qui mettent en lumière un sujet passé sous silence. Je suis contente de savoir que tu aies pu trouver un apaisement face à ce traumatisme et te trouve extrement forte.
Merci d’avoir pris le temps de me lire Zoé.
Bravo pour ton courage !
D’abord pour tout le courage dont tu as fait preuve pendant deux jours d’accouchement. C’est impressionnant d’avoir encaissé plus de 40h de contraction !
Ensuite pour le post-partum difficile suite à l’opération, le manque de sommeil et ton livre.
Et enfin, pour cet article si honnête qui aura un impact sur de nombreux parents en devenir. C’est dur de se projeter dans une césarienne lors de la grossesse quand on ne connait pas quelqu’un dans son cercle proche qui en a eu une. La césarienne n’est pas représentée aussi souvent qu’elle est effectuée. Grâce à ton témoignage plusieurs d’entre nous pouvons envisager ce scénario et anticiper. Merci pour cette aide.
Merci pour ton intérêt pour mon témoignage. J’espère en effet qu’il pourra être utile à d’autres (futur·es) parents…
J’ai eu la chance d’avoir pu puiser la force qu’il me fallait pour surmonter ces diverses épreuves, en moi et autour de moi.
Merci pour ce partage.
Le paragraphe où tu évoques la hiérarchisation des accouchements est particulièrement percutant. Pour moi, ça fait écho à beaucoup d’injonctions qui pèsent sur les femmes. Nous sommes sensées être faites pour accoucher alors on minimise beaucoup les vécus autour de cet événement. Cependant, qu’on le vive bien ou moins bien, qu’il soit un beau moment ou traumatique, c’est un vrai séisme dans nos vies (douleurs, passage identitaire, sensation de mort imminente). Une fois l’enfant né, les personnes passent souvent vite sur l’accouchement qui devient alors de l’ordre de l’anecdotique, pour se focaliser sur l’enfant.
J’ai vécu un accouchement que beaucoup qualifie d’idéal : 4h30 de travail, pas de péridurale (mais parce que pas possible) et un enfant en parfaite santé. Cependant, j’ai eu besoin qu’on reconnaisse le chamboulement et la douleur ressentis.
Il y a encore beaucoup à faire ! Merci donc pour toutes ces pistes de réflexion que tu amènes.
Je suis complètement d’accord avec toi, l’arrivée d’un bébé peut être un véritable séisme à bien des niveaux – c’est en tout cas comme cela que je l’ai vécu et bien au-delà de l’accouchement…
Bonjour Natasha,
Je suis impressionnée par ta capacité d’analyse des situations si fortes émotionnellement et si complexes que tu rencontres dans ta vie et la simplicité et la sincérité de tes articles qui permettent chaque fois de me/nous ouvrir à d’autres points de vue, de me/nous aider à mettre des mots sur ce qui restait à l’état de ressenti, de me faire prendre conscience de certains vécus… merci. Et bravo ! Tout particulièrement pour cet article.
Merci pour tes mots Marie. C’est si agréable d’être lues par des personnes chez qui mes écrits raisonnent et pour qui mes mots comptent…
Merci beaucoup pour ce récit, et merci également de souligner cette injonction à l’accouchement naturel, très présente en ce moment. Personnellement, j’ai très bien vécu mon premier accouchement, pourtant très médicalisé et avec péridurale du fait d’une présentation en siège. En revanche j’ai vécu un réel état de stress post-traumatique sur mon deuxième accouchement pour lequel je n’ai pas pu avoir de péridurale et mon compagnon n’a pu être là qu’au moment de la poussée. J’ai eu des flash-back pendant des semaines…
Merci pour ton témoignage Zoé, qui prouve combien il est important de se sentir libre d’avoir recours à une assistance médicale durant son accouchement, sans pour autant se sentir plus faible. Je suis pour un maximum d’accouchements non médicalisés lorsque cela est possible et pour l’accès à une aide médicale lorsque celle-ci peut répondre à un véritable besoin physiologique et/ou mental.
Merci pour ton partage.
Je trouve que libérer la parole sur ce sujet et très important et nécessaire.
J’avais prévu d’accoucher en maison de naissance pour ma 1ière grossesse et cela s’est terminé en accouchement très médicalisé (déclenchement, ventouse, …) Accouchement que j’ai eu du mal à accepter… même si tout le monde se portait bien. C’est tout un cheminement de reprendre confiance en son corps après cette expérience.
J’espère que tu es parvenue ou que tu parviendras à retrouver cette précieuse confiance, Hélène.
Bjr Natasha,
Merci beaucoup pour ton retour d’expérience d’un moment si particulier et qui aidera sûrement beaucoup de personnes.
Je l’espère ! Dans tous les cas, l’écriture de cet article fut très libératrice pour moi. Je crois que c’était la dernière étape nécessaire à « ma thérapie ».
Merci Natasha pour cet article qui m’a profondément touchée, bien que je ne sois pas particulièrement concernée. J’espère que tu pourras continuer à avancer malgré ces évènements douloureux.
Merci Emilie, je suis toujours heureuse de savoir que même des personnes non concernées lisent mes articles autour de la grossesse et de la maternité. Nous avons toustes dans notre entourage proche ou lointain des (futur·es) parents qui seront certainement reconnaissant·es de croiser le chemin de personnes sensibles à leurs maux et à l’écoute de leurs expériences.
Merci et bravo d’avoir réussi à « pondre » cet article ! Tu as raison, chacune vit son accouchement différemment et c’est important que tu aies su exprimer très clairement tout ce qui t’a traversé l’esprit et le corps pendant ces 47 (!!!) heures. Forcément, quand on lit ça, on comprend que tu aies été traumatisée après une expérience aussi éprouvante. De mettre des mots dessus permet d’éclairer les autres sur ton ressenti et d’expliquer les choses. Et je t’en remercie, car exposer ainsi sa vie intime est méritoire. Tu m’étonnes qu’après avoir bravé tous ces obstacles, alors que ton bébé n’était pas encore né, tu aies été « déconnectée » de ce qui t’entourait, comme tu dis.
Il est une chose qui me frappe à la lecture de cet article, c’est ton sentiment d’échec. Je le comprends complètement (qui ne serait pas désespérée par des contractions longues, douloureuses et « inutiles » en fin de compte). Mais je le trouve difficile à encaisser. Je ne trouve pas que survivre à 47 heures de torture soit un échec, bien au contraire. Se résoudre à une césarienne n’en est pas un non plus, en tout cas de mon point de vue.
Je te souhaite que l’apaisement que tu as trouvé perdure et de continuer à parler des sujets qui fâchent, c’est indispensable !
Merci beaucoup pour ton message Carole. À vrai dire, je ne ressens pas de sentiment d’échec à proprement parler. Je crois qu’il y a surtout eu un regret de ne pas pouvoir accoucher par voie basse et un fort sentiment d’impuissance durant les heures qui ont précédé la Césarienne. En revanche, j’ai ressenti beaucoup d’incompréhension vis à vis de mon corps, considérant qu’il m’avait trahie. Mais tous ces sentiments sont digérés à présent et je me sens de plus en plus apaisée.
Merci pour cet article sans tabou! J’ai eu 3 accouchements très différents… Et ce n’est pas évident d’en parler sans pleurer, sans que j’ai subi des violences obstétricales. Le chemin d’un accouchement est tellement bouleversant.
Je suis peinée de lire que tes accouchements aient été marqués par des violences obstétricales… J’espère que tu parviendras à trouver les ressources nécessaires pour mieux vivre avec ces douloureux souvenirs.
Merci pour ton témoignage Natasha, je l’ai trouvé très touchant et je pense qu’il va sans doute aider beaucoup de personnes.
Merci d’avoir pris le temps de me lire Myriam.
Merci pour ce témoignage très fort et très précis… Tout cela résonne très fort en moi. J’ai vécu 2 accouchements, complètement a l’opposé l’un de l’autre, et ton témoignage me donne envie de les poser sur papier. Est-ce que tu as commencé à écrire ce récit juste après ton accouchement ?
J’ai commencé à écrire tout ça il y a quelques semaines, soit 2 ans après les faits. Mais je me suis si souvent remémoré ces 47 heures depuis, que j’ai l’impression d’avoir commencé à l’écrire il y a longtemps. Ce fut en tout cas un exercice très libérateur et je pense que nos enfants seront peut-être reconnaissant·es de savoir dans quelles conditions iels sont né·es, s’iels se posent la question un jour.
Merci Natasha pour ce témoignage.
3 grossesses, 3 grossesses compliquées et 3 accouchements difficiles.
Pour le premier, j’ai accouché à 38 semaines. Tout est allé très vite. Je n’ai rien ressenti. Dit comme ça, ça peut être merveilleux. Notre bébé est parti très vite avec l’équipe médicale. Toujours à pousser pour la délivrance, j’ai rouvert les yeux et il n’était plus là. Trois mois d’hôpital et trois réanimations. Tous les jours, toute la journée, j’étais à ses côtés. Nous nous sommes pardonnés.
Seconde grossesse et même scénario… mais à 24 semaines.
Rien n’a pu être fait… Une jolie étoile veille maintenant sur nous. Nous sommes fière d’elle et je suis fière d’avoir pu l’accompagner de mon mieux.
Troisième grossesse… à terme, mais à quel prix. Le terme correspondait à l’envol de notre étoile. J’appréhendais cette échéance. J’avais peur d’un double anniversaire comme celui-ci.
Une grossesse hyper médicalisée.
Une grossesse alitée pendant 5 mois.
Finalement, notre fille est née trois jours avant la date du terme. Aujourd’hui, à 5 ans, elle connaît l’histoire, notre histoire.
Nous lui avons expliqué que ce n’est pas un bébé de remplacement. Nous l’avons désiré de la même manière, avec le même amour.
Aujourd’hui, la maternité est pour moi un parcours douloureux et difficile. Mon corps garde des stigmates pour me rappeler peut-être que dans ma tête, ce n’est pas encore cicatriceé.
Merci Natasha de m’avoir permis d’écrire ces mots.
Merci à toi d’avoir partagé ton vécu… j’en ai eu des frissons. Certaines douleurs sont indélébiles je pense mais j’espère sincèrement que les tiennes sont moins vives et que tu as les ressources nécessaires en toi et autour de toi pour mieux vivre avec.
Bonsoir,
Ce témoignage me parle beaucoup. J’ai accouché prématurément de mon premier enfant, à 7 mois et demi de grossesse suite à une rupture prématurée de la poche des eaux et à une infection. Du coup, hospitalisation, déclenchement (avec les effets de l’ocytocyne que tu décris très bien), bébé en couveuse. Mais j’allais bien, j’avais été bien accompagnée, mon bébé allait bien et était autonome (il respirait seul). J’ai cru (et on m’a répété) que j’avais tellement de chance qu’il serait malvenu de me plaindre ou d’évoquer cette naissance comme un traumatisme. Ce n’est qu’en préparant la naissance de mon 2e bébé que j’ai réalisé que j’étais traumatisée par la 1e grossesse, par cette impression que j’avais échoué… Échoué à garder mo’ bébé au chaud 9 mois, échoué à accoucher à terme, que j’avais eu l’impression d’être une « mauvaise mère » avant même d’être mère. Mes vannes se sont ouvertes, j’ai beaucoup beaucoup pleuré. Et j’ai finalement accueilli mon 2e bébé dans des conditions parfaites qui m’ont réconcilié avec mon corps.
Si je peux me permettre un conseil également, ou tout au moins une réflexion, c’est que l’histoire d’un accouchement appartient aussi au bébé venu au monde. Je m’en suis rendue compte quelques mois après la naissance de mon 2e enfant. Mon aîné etait jaloux. Et j’ai réalisé que je ne lui avais jamais parlé de sa venue au monde. Que les photos qu’il voyait de lui même nouveau né le montraient habillé, sorti de sa couveuse. Je lui ai alors raconté avec des mots accessibles pour lui, l’arrivée inopinée, la peur, l’angoisse même, la séparation des premières heures, le soulagement ensuite… Et il s’est approprié cette histoire. Il est fier d’indiquer qu’il était « pressé » de rencontrer ses parents. Lui parler de son histoire, de notre histoire, m’a beaucoup aidé aussi !
Merci pour ton témoignage ; c’est rageant de lire que ta peine a elle aussi été étouffée, comme si le fait d’être en vie pouvait effacer la douleur.
Je te rejoins complètement sur l’importance d’expliquer l’histoire de leur naissance à nos enfants ; ce qui est significatif pour nous, l’est forcément pour elleux aussi, surtout lorsqu’il s’agit de leur venue au monde.
Merci de partager tout ça. Merci. Peut-être un épisode dans Bliss ?
Merci d’avoir pris le temps de me lire ! Si on me contacte, pourquoi pas :-).
Merci Natasha, pour ce partage. A l’époque où j’étais enceinte, je me nourrissais de récits d’accouchement qui – la plupart du temps du moins en avais je l’impression, font la part belle aux « belles » histoires. Ou alors peut être qu’enceinte on ne veut pas lire ou voir les récits d’accouchement qui se passent moins bien haha! Je suis désolée pour toi en tout cas, pour ton expérience douloureuse et traumatisante, sans compter le post partum très compliqué qui a suivi. J’espère que cet article, le fait que tu aies pu le mener à bout, est une preuve de ton « je vais mieux ». Je l’espère en tout cas! J’ai également eu un accouchement qui s’est terminé en césarienne d’urgence ; dans mon cas il n’y a jamais eu de travail – pas de douleur me diras-tu. Ah tiens, c’est ce que m’a dit ma mère d’ailleurs: « de quoi peux-tu te plaindre, tu ne sais même pas ce que c’est qu’un vrai accouchement » (et paf dans les dents). Avec mon allaitement qui n’a pas fonctionné par la suite, j’avais l’impression d’être l’incarnation de l’échec, d’autant plus qu’il m’a fallu de longues années de PMA pour tomber enceinte. J’avais l’impression d’être punie à chaque étape. Le post partum a été compliqué. Je n’ai pas de moments heureux liés à l’accouchement ou les semaines qui ont suivi. Je n’ai rien ressenti non plus quand j’ai eu mon bébé la première fois dans les bras. Ou les jours et semaines qui ont suivi d’ailleurs. L’attachement a été long. J’ai encore un serrement de coeur quand j’entends ou vois un récit d’accouchement qui se passe bien. Aujourd’hui ça va mieux mais ton article m’a éclairé sur le fait que ça pourrait être bénéfique d’en parler à quelqu’un. Et merci d’avoir parlé de l’accouchement dit « naturel » et de la hiérarchisation des accouchements. Pour moi c’est au même niveau que l’allaitement versus le biberon ou la DME versus les purées, toujours cette impression qu’il y aurait mieux ou moins bien, c’est insupportable. On est lancé dans cette jungle de la parentalité et on fait tous et toutes comme on peut, et au mieux! Juste de la bienveillance svp…
Bonjour Mélanie,
Merci pour ton témoignage qui fera certainement écho chez nombre de parents pour qui la parentalité peut ressembler à une successions d’échecs et de montagnes à gravir… Bien que ma situation soit différent de la tienne, je comprends complètement ton ressenti d’avoir été « punie à chaque étape »… Infertile, j’ai découvert que j’étais atteinte d’endométriose et c’est finalement suite à une opération que je suis tombée enceinte – j’ai découvert ma grossesse 15 jours avant mon premier RV pour envisager une PMA… Ensuite, les nuits furent un enfer jusqu’à ce que nous nous fassions accompagner par une spécialiste du sommeil des bébés et la diversification n’a jamais bien fonctionné – aujourd’hui encore, les repas sont sources de grosses difficultés chez nous. Devenir mère est le rôle le plus difficile de ma vie et certainement pas le plus épanouissant, comme on avait pu me le faire croire…
Je te souhaite de croiser davantage de bienveillance sur ton chemin de maman désormais.
Bonjour Natasha,
J’ai lu ton récit avec beaucoup d’émotion, et je suis contente que tu ailles mieux aujourd’hui.
Merci beaucoup pour ta mise au point à la fin de ton article sur la hiérarchisation des accouchements ; avec tout ce qu’on lit sur les réseaux sociaux, je m’étais mis martel en tête pour un accouchement sans péridurale, en salle nature, surtout pas en position gynécologique, tout ça pour accoucher sur le dos avec la péridurale ! Je n’ai pas été préparée à la douleur, ni accompagnée pendant les contractions (je n’étais qu’avec mon copain, qui était effrayé par mes cris et ne savait pas non plus comment m’aider à gérer la douleur). Par la suite en lisant ou en entendant des témoignages de femmes ayant accouché sans péridurale, je me sentais moins bien, moins forte, et ça me gâchait le bon souvenir de mon accouchement qui s’est bien déroulé. C’est vraiment terrible d’être toujours dans la compétition plutôt que dans le soutien mutuel et la célébration des différences…
J’espère en tout cas qu’écrire cet article t’aidera dans ta reconstruction, tout comme il peut aider les jeunes mamans avant ou après leur accouchement !
Merci pour ton témoignage Léa. On parle de plus en plus de sororité et j’espère que cela nous encouragera à être davantage à l’écoute des un·es et des autres et à nous soutenir mutuellement, à nous défaire de cet esprit de compétition encouragé par le patriarcat…
Bonjour Natasha,
Lire ton article et les commentaires m’ont fait verser des larmes. N’importe qui traversant une pareille épreuve serait impacté.
J’ai accouché récemment et ça c’est bien passé (avec péridurale car sans je ne suis pas sûre que j’aurais réussi). Pendant ma grossesse, j’ai chercher des témoignages d’accouchement dans mon entourage (pas sur internet car je voulais me protéger un peu) et finalement à part ma meilleure amie tout le monde m’a livré un récit court ne me permettant pas de bien visualiser comment ça se déroule (même si chaque expérience est unique). Au final je ne me suis pas projetée pendant la grossesse à la naissance, j’ai eu du mal à faire la valise et j’avais des interrogations sans réponse. Depuis la naissance de ma fille il y a pile 2 mois, je raconte spontanément mon accouchement à tous ceux qui souhaite l’entendre car c’est un moment important pour moi. Je me suis promis de répondre aux mieux si quelqu’un m’interroge sur le sujet pour répondre à ses questions même si son expérience sera différente de la sienne.
Bonjour Marion,
Comme toi, j’ai ressenti le besoin de « faire le plein » de récits d’accouchements durant ma grossesse et plusieurs de mes amies ont pris le temps de partager avec moi leur vécu et leurs ressentis en détail. J’ai beaucoup appréciés ces partages car quels que furent les récits, chacune m’a conforté dans l’idée que quoi qu’il arrive, nous avions toutes des ressources en nous et autour de nous pour traverser cette épreuve physique et mentale.
Merci d’avoir partagé cette expérience avec nous. Je ne veux pas être mère mais je pense que cet article est nécessaire pour toustes, homme comme femme, futur•e parent•e ou non. Ton témoignage m’a beaucoup bouleversée et réaffirme tout à fait quelque chose qui me tient énormément à coeur, à savoir que les récits personnels sont absolument indispensables à l’évolution vers une meilleure société pour toustes.
Je t’embrasse.
Merci d’avoir pris le temps de me lire Mathilde ; comme toi, j’accorde beaucoup d’importance aux récits personnels et ils m’ont d’ailleurs beaucoup nourrie pendant ma grossesse.
Merci pour ce récit!
Cette histoire de calcul du terme… A ma première consultation de grossesse, quand il s’est agi de faire une estimation, la gynéco m’a écoutée: j’avais fait l’amour une fois, à une date bien précise de mon cycle, j’étais certaine. Mais après la première échographie, celle qu’on appelle justement « de datation », elle a changé d’avis et a repoussé le terme de 5 jours. Quand je lui ai rappelé que c’était tout simplement impossible, elle m’a expliqué qu’on se basait sur la longueur de l’embryon dans tous les cas. Elle m’a raconté que des modifications de date du terme étaient tout à fait possibles même dans le cas de grossesse par insémination, alors même que le personnel médical connaît précisément la date de l’insémination. Apparemment, ce n’est pas tant la date elle-même qui est importante, mais plutôt la taille de l’embryon à telle date (je ne sais plus à combien de semaines de grossesse, mais assez au début). Parce que par la suite, l’embryon/fétus se développera d’une manière individuelle selon son patrimoine génétique – il sera plus ou moins grand – mais cette mesure faite tout au début de la grossesse prédit de manière efficace la date à laquelle il sera « mûr », parce que les embryons mesurent tous telle taille, à peu de chose près, à tel stade de leur développement.
Je ne suis pas complètement sûre de mes explications, par contre, je ne suis ni sage-femme, ni gynécologue.
Bonne continuation avec ta famille, et j’espère que tes nuits deviennent suffisamment réparatrices pour que tu puisses reprendre toutes tes forces!
Merci pour ces précisions Nathalie. Effectivement, ma gynéco m’avait expliqué avoir modifié la date du terme à cause de la taille de l’embryon mais ne m’avez pas fourni toutes ces explications. Cela fait sens et en même temps, quand on voit que la durée officielle de la grossesse varie d’un pays à l’autre, on voit bien que même scientifiquement il y a des désaccords sur le calcul du terme d’une grossesse… et une semaine, ça fait une sacrée différence à la fin quand on est dans un milieu où le déclenchement est envisagé (sans raison apparente) dès le jour J.
Notre enfant dort bien depuis que nous avons suivi un accompagnement personnalisé avec Fée Dodo l’été dernier. Malheureusement, ces 16 mois de nuits hachées et écourtées ont eu un impact terrible sur mon sommeil donc je me fais accompagner par Sleep Angel depuis quelques semaines, en espérant mettre fin aux insomnies et multiples réveils nocturnes qui caractérisent mes nuits désormais… alors que notre enfant dort à poings fermés ! En tout cas, ma dette de sommeil s’éponge petit à petit depuis quelques mois et je ressens une réelle différence physiquement et moralement :-).
Quelle histoire… C’est bouleversant et puissant à la fois. Tu m’impressionnes, je te trouve tellement forte. Merci d’avoir posé ces mots pour nous !
Mes 3 grossesses et accouchements ont été très différents mais de moins en moins insouciants l’un après l’autre.
Mon fils aîné est arrivé « comme dans les livres » après une période d’effacement du col puis de contractions qui a duré une quinzaine d’heures mais dans le calme (bon, les premières poussées ont été atroces, j’avoue). Seul hic: il est né avec une petite fente labiale qui n’avait pas été vue plus tôt mais la sage-femme était tellement zen que ça ne nous a pas inquiété, surtout qu’il prenait bien le sein malgré tout.
3 ans plus tard, c’est au tour de son frère de nous rejoindre. Pas de malformation cette fois, toujours pas de péridurale mais je me demande encore plus que la première fois si c’est une bonne idée tellement les choses vont vite… Et les tranchées après sa sortie sont insupportables et inefficaces, j’ai finalement besoin d’une délivrance artificielle. L’assistante de puériculture était désolée pour moi mais moi, j’étais juste soulagée de savoir que je n’allais plus avoir mal.
On avance encore de 3 ans et là, adieu la sérénité qui avait caractérisé mes grossesses : on a détecté une fente labio palatine au bébé dès la première échographie. J’étais déjà assez triste ou nostalgique à l’idée de cette dernière grossesse mais j’ai eu l’impryde franchir une étape supplémentaire et je n’ai fait que pleurer dans les semaines qui ont suivi ce diagnostic. Je n’ai pas rencontré que du personnel médical fantastique durant ce suivi particulier, j’ai du être déclenchée le jour du terme et je me sentais tellement coupable de cette transmission de mon héritage génétique (mon grand-père paternel était né avec une fente palatine) que je n’ai pas savouré grand chose mais la naissance de Martin s’est quand même faite dans la douceur, ce qui me paraissait indispensable pour pouvoir affronter la gestion de sa malformation ensuite.
Et puis, il y a aussi le post-partum et le deuil de son corps, les grands-parents qui s’intéressent plus au bébé qu’à toi, le mari qui veut continuer ses activités sportives comme avant alors qu’il y a un bébé de 3 mois qui a besoin de ses deux parents… Je m’arrête là car la liste est longue mais je crois qu’il y a des histoires similaires dans chaque famille…
Merci encore Natasha, tu me fais prendre conscience à chaque lecture de l’importance de la sororité.
Merci beaucoup pour ton témoignage Vanessa qui montre bien qu’une même personne peut vivre chaque grossesse et chaque accouchement très différemment et qu’on ne peut finalement jamais savoir comment les choses vont se dérouler, ni comment on les vivra… Et en effet, le post partum est loin d’être plus simple et on n’a même pas l’espace pour « digérer » les maux de notre grossesse et/ou de notre accouchement que d’autres viennent s’ajouter… pendant que tout le monde ou presque se préoccupe essentiellement du bien-être de notre bébé.
Je viens de terminer la lecture de « Ceci est notre post partum » d’Illana Weizman et il m’a vraiment aidée à comprendre comment la société dans laquelle nous vivons avait fait du post partum une période caractérisée par de nombreux mythes et tabous. Ça m’a aidée à prendre du recul, à prendre conscience que ce n’est pas moi qui avait mal fait/vécu les choses mais les structures et institutions sociales qui avaient causé/ettouffé/exarcerbé mon mal-être…
La sororité entre mères est vraiment précieuse, mais encore trop rare à mon sens.
Bonjour Natasha, et bravo pour cet article important.
Je pense comme toi qu’il est temps de partager sans tabous sur nos joies mais aussi nos peines concernant l’accouchement et la parentalité plus largement.
Personnellement, je me souviens avec amertume de la fierté de mon père qui évoquait la facilité avec laquelle sa mère et moi avons accouché, ce qui sous-entendait que nous étions des « femmes accomplies » face à ma mère qui a accouché deux fois sous césarienne et qui, je le sais, souffre de ne pas avoir connu l’expérience d’un accouchement par voie basse et a vécu ses expériences – à tort – comme une sorte d’échec. Je n’en veux pas particulièrement à mon père car je sais que ses mots sont pétris de siècles d’essentialisation de la femme en tant que mère. Mais cela me conforte dans l’idée qu’il est tant d’en finir avec cette hiérarchisation des femmes selon leur facilité à enfanter.
Par ailleurs, je voulais te présenter toute ma gratitude pour tes publications concernant les difficultés de la parentalité et l’évocation de ta prise en charge thérapeutique car, comme beaucoup, cela me concerne. Sans surprise, je sens que certaines personnes ne sont pas prêtes à entendre qu’être mère est loin d’être une source de joie au quotidien et que cela peut impacter sérieusement la santé mentale. Pour parler de moi, quand mon père a su que je suivais un traitement et une thérapie pour dépression, il m’a fait comprendre à demi-mot que j’avais quand même de la chance d’avoir un mari et une fille formidables (oui, mais en quoi cela concerne-t-il mon bien-être ici et maintenant ?) et il n’a de cesse de me parler de sa mère, une femme exemplaire qui a mis au monde et a élevé six enfants sans broncher. Il oublie de dire que ma grand-mère a fini par être internée tellement elle endurait de souffrances psychiques et ses six maternités pas toujours désirées n’y sont pas pour rien à mon grand avis.
Tout cela pour dire que nos histoires de parents, qu’elles soient positives ou négatives (elles sont souvent les deux à la fois) sont loin d’être anodines et il est indispensable de les partager pour sortir de ce carcan qu’est l’idée qu’une femme accomplie est une mère épanouie. Ceci n’est qu’un élément de la mythologie du patriarcat. Alors encore merci de faire partie de ces voix dissonantes qui nous font entendre que nous ne sommes pas anormales, que nous ne sommes pas des femmes de seconde zone.
Merci beaucoup pour ton témoignage Elsa.
Les souffrances de la parentalité sont tellement tabous que même quand elles touchent nos proches, certaines personnes les dénigrent ou ne les conscientisent pas et cela perpétue le mythe de la maternité comme étant une source de joie infinie.
Avoir un mari et une fille formidables ne suffisent malheureusement pas à garantir notre bien-être, je le confirme. Il s’agit-là de problèmes structurels, bien plus complexes et profonds.
Merci beaucoup pour ce fort et important témoignage! Merci de te livrer comme tu le fait, pour faire bouger les choses, avec ta belle écriture.
Merci beaucoup Cécile et merci d’avoir pris le temps de me lire.
Merci Natasha 🙏
Merci d’avoir pris le temps de me lire Clémentine.
Merci Natasha pour ce texte très émouvant. Même en n’ayant pas d’enfant, j’ai eu l’impression de ressentir ta douleur à travers ce texte. Ça me semble très important d’en parler pour sortir de cette idéalisation de l’accouchement « naturel », dont tu parles si bien.
Merci de m’avoir lue Salima.
Coucou Natasha !
Merci et bravo pour cet article magnifique et poignant, pour ton partage qui raisonnera chez nombres d’entre nous. Avant d’accoucher, j’avais particulièrement ressenti cette hiérarchisation des accouchements et surtout comment de nombreuses femmes ayant pu accoucher « naturellement » s’en vantaient inconsciemment et, sans forcément le vouloir, affichait un côté « supérieur » qui me mettait mal à l’aise. Aujourd’hui, j’ai arrêté de lire les récits qui me font parfois culpabiliser d’avoir pris la péridurale et n’avoir pas su « résister ».
Je me souviens de la première fois qu’a été envisagée la césarienne pour mon bébé car il était en siège. En attendant de savoir si mon bassin permettait un accouchement par voie basse, je me sentais diminuée, comme si je mon corps n’était pas capable de donner la vie, comme si on me volait cette naissance tellement attendue. L’idée que la date, l’heure de la naissance soit décidées pour nous, de ne pas vivre le travail, ressentir des contractions, surtout en ne sachant pas si cette grossesse serait peut-être mon unique occasion d’accoucher, cela m’était insupportable, comme si on me volait cette naissance.
Finalement, bassin et poids de bébé étant ok, j’étais autorisée à tenter la voie basse. Mon accouchement fut loin d’être celui de mes rêves et pourtant je n’ai pas de regret de l’accouchement en lui-même mais plus de la phase de travail. Après une journée de contractions à J+1 assez irrégulières et « douces », j’ai finalement été hospitalisée le soir (minuit) car j’avais de petits saignements. Conditions sanitaires obligeant, Julien ne peut rester dans le service la nuit. 30 mn après son départ, perte de la poche des eaux et » l’enfer » qui commence : les contractions sont terriblement douloureuses, situées dans les reins. J’ai l’impression qu’on attaque mon système nerveux à coup de pic à glace. A chaque contraction, je passe péniblement du lit sur le ballon. J’essaye de visualiser la vague mais la douleur reste intense après chaque pic, m’épuise et me donne envie de m’écrouler par terre. Moi qui rêvait d’un travail dans le cocon de ma maison, avec Julien, en appliquant les exercices d’haptonomie, avec mes jolies lumières et me playlist de musique sougneusement sélectionnée, je vais vivre 3h30 de souffrance, seule dans une chambre d’hôpital.
Heureusement, 4h plus tard, je suis dilatée à 6, départ pour la salle d’accouchement où Julien peut me rejoindre. Je ne voulais ni péridurale, ni ocytocine de synthèse, je vais avoir les 2 mais sans regrets pour la péri car la souffrance était trop intense et m’aurait gâché mon accouchement. La dose est suffisamment faible pour me laisser mes sensations tout en atténuant la douleur.
1h plus tard, dilatée à 10, on découvre que bébé a une jambe déjà engagée (Julien peut voir les orteils dépasser). Encore une heure et il est temps de pousser. Je pousse de toutes mes forces mais rien ne sort. Bébé est dos postérieur et s’est coincé (ma crainte). Episiotomie et je sens les mains d’y gynécologue en moi aller chercher bébé et le tourner. A ce moment-là, j’étais très heureuse d’avoir la péri. On pose mon petit bonhomme sur moi, c’est tellement surréaliste ! La douleur est oubliée.
Aujourd’hui, je garde néanmoins un bon souvenir de mon accouchement car ayant pu tout de même accoucher par voie base et que ce soit bébé qui décide de sa venue. Je suis maintenant ce que sont des contractions. Si j’ai la chance de vivre une autre grossesse, j’espère pouvoir vivre un travail plus agréable, dans de meilleures conditions.
Merci beaucoup pour ton témoignage Camille-Hélène, j’en ai eu des frissons !
Le fait de t’imaginer seule, en souffrance, pendant 3h30 m’a fait énormément de peine pour toi… Quand bien même les personnes qui m’entouraient ne pouvaient pas apaiser ma douleur, le fait de ne pas être seule m’a beaucoup aidée moralement.
La pandémie ajoute malheureusement des difficultés supplémentaires pour traverser une épreuve déjà suffisamment difficile dans des conditions « normales »…
Merci pour cet article et pour avoir partagé ton expérience personnelle si intime. J’ai eu aussi le sentiment de syndrome post-traumatique suite à mon premier accouchement (déclenchement + travail et dilatation complète + césarienne où mon artère a été sectionnée, oups!), malgré le sentiment d’avoir été très bien entourée par le personnel médical de ma maternité. Comme toi, je n’avais jamais imaginé pouvoir finir en césarienne, même si j’ai eu l’impression que les suites de couches n’en étaient pas plus dures pour moi après, j’ai eu de la chance je pense. Et surtout je ne voulais pas allaiter.
De mon côté aussi, j’ai eu le besoin d’en parler énormément après, mais j’ai eu la chance d’arriver à le digérer au bout de quelques semaines. Je pense que notre société n’avertit pas assez les femmes de ce que toute naissance peut être traumatisante, quel que soit le contexte. Ma grand mère m’a d’ailleurs raconté après coup qu’elle aussi avait revécu chacun de ses 5 accouchements en détail pendant plusieurs semaines…
Peut-être que les réflexions de tes proches visaient aussi à te rassurer, plutôt qu’à minimiser ton traumatisme, même si c’était maladroit car tu n’étais visiblement pas assez entendue sur ta souffrance sous-jacente. Pour ma part, je me suis énormément accrochée justement au fait que 100 ans plus tôt ou dans un autre pays, ma fille et moi serions probablement mortes en couche. C’était une idée fixe chez moi, une véritable obsession!
Je suis complètement d’accord avec toi sur le terme d’accouchement naturel, j’ai le sentiment d’une hiérarchie entre les femmes à ce niveau. J’ai d’ailleurs constaté que les professionnels faisaient très attention à leur vocabulaire (en parlant bien d’accouchement, même pour une césarienne) ou en me demandant de pousser pour sortir ma fille, ce qui m’a extrêmement surprise!
Je trouve d’ailleurs qu’actuellement on utilise à tort et à travers l’argument « c’est naturel », à mauvais escient. Je réponds toujours « le cancer c’est naturel » 😉 Un de mes amis m’a d’ailleurs rappelé que la sélection naturelle se fait beaucoup à la naissance, ça m’a donné matière à réfléchir!
J’ai beaucoup mieux vécu mon second accouchement, qui s’est déroulé de manière identique à mon premier. Et au final je garde un très beau souvenir des deux, j’espère qu’avec le temps tu trouveras des moments positifs au tien.
Merci beaucoup pour ton témoignage Estelle.
Je me dis également régulièrement que sans Césarienne, ni mon bébé ni moi ne serions là… vive les progrès de la médecine !
Le positif pour moi, c’est d’avoir bien vécu la grande majeure partie du travail, d’avoir été bien entourée et d’avoir été en accord avec les choix qui ont été faits tout au long du travail.
C’est avec grande émotion que j’ai lu ton article que je trouve très important.
Je suis impressionnée par ta force, avant, pendant mais aussi après ton accouchement. Ton courage aussi de témoigner aujourd’hui sur ce sujet.
C’est tout simplement scandaleux que les pères/mères/parent au sens large/accompagnateur.rice ne puissent pas rester sur place la nuit, d’autant plus quand l’accouchement vient d’avoir lieu ! Certes, c’est une contrainte pour le personnel hospitalier (et encore…).
Il y en a tant à dire et à faire sur le plan de la santé mentale. Je crois que c’est parce que cela reste tabou et peu connu que pour beaucoup écouter sans répondre quelque chose/donner une « solution » n’est pas approprié et met mal à l’aise. Or, ce n’est pas parler qui fait du bien, c’est d’être écouté avec bienveillance et sans jugement.
Merci pour cet article qui aidera sûrement beaucoup 💜
Merci pour ton intérêt pour mon article Aurore.
Il y a peu de chambres individuelles (dans la maternité où j’étais en tout cas) et on peut en obtenir une moyennant un supplément, non pris en charge par la sécurité sociale. C’est navrant en effet pour les couples qui voudraient passer ces premiers jours/nuits ensemble. En même temps, vu que je ne pouvais quitter la maternité avant un certain nombre de jours et qu’on n’a pas de famille aux alentours, J. devait faire plusieurs aller-retour entre la maternité et chez nous, notamment pour m’apporter de quoi petit déjeuner/dîner alors finalement, le fait qu’il ne puisse pas rester sur place n’a pas fait de grande différence.
Merci Natasha pour ce magnifique partage <3
Merci d’avoir pris le temps de me lire.
Merci Natasha pour ce partage.
La naissance de mon premier enfant approche et j’ai choisi d’accoucher en maison de naissance. Je trouve que ce n’est pas évident de se préparer à la fois dans une projection confiante de cette naissance, de son corps, avec la conviction que tout ira bien, et en même temps la nécessité que je ressens d’envisager que les choses pourraient se dérouler autrement. Je ressens notamment la nécessité de me projeter dans la naissance par Césarienne, comment cela se passerait, comment je l’imagine etc.
Je pense qu’au fond ma plus grande crainte c’est la rencontre entre cette naissance fantasmée et celle réelle…
Je te souhaite une fin de grossesse aussi sereine que possible et d’être, quoi qu’il arrive par la suite, bien entourée, de personnes bienveillantes, à l’écoute et disponibles.
Merci pour cet article très personnel mais tellement important !
Je suis actuellement en process PMA et je trouve qu’il y a un véritable fossé entre les personnes qui l’ont également vécu et celles qui ont eu « la chance » de pouvoir concevoir naturellement. Ces dernières n’hésitent pas lancer des injonctions complètement déconnectées de ce qu’on peut ressentir.
Bref ton article fait vraiment écho à ce que je ressens actuellement, même si nos situations sont bien différentes.
Merci pour ta remarque Sophie qui montre que les décalages sont nombreux autour de la conception, la grossesse, la maternité et qu’il est parfois difficile de faire preuve d’écoute et d’empathie face à des expériences et ressentis différents des nôtres. Je souhaite en tout cas que ton parcours PMA se déroule aussi sereinement que possible et te souhaite bien du courage pour la suite.
Bonjour Natasha, bravo pour cet article et merci de partager ça avec nous.
Il résonne beaucoup pour moi, pour qui ça n’a pas été l’accouchement mais l’allaitement qui a été très compliqué. Je ne m’attendais pas à souffrir autant et j’ai vécu, au départ, l’arrêt de mon allaitement comme un échec en ayant l’impression de ne pas réussir à être mère et de ne pas réussir à donner le meilleur à ma fille.
Heureusement j’ai été rapidement voir une psychologue à la pmi avec ma fille (qui avait 3 semaines) et mon mari et ça m’a permis d’exprimer mon ressenti de le comprendre et de l’accepter.
Avec le recul j’aime me dire que ça a été ma première leçon de maman. On n’est plus la seule à décider ce qui se passe, on remet en cause ses certitudes (finalement le biberon à très bien convenu à ma fille, son papa était très content de participer à l’allaitement au biberon et moi j’étais à nouveau sereine car je ne souffrais plus). Ce qui était le plus « naturel » n’était pas ce qui nous convenait avec nos circonstances.
Je suis complètement en phase avec toi sur les injonctions au « naturel ». Je pense qu’un peu plus de tolérance et se dire qu’on fait tous de notre mieux et avec amour en tant que parents c’est le plus important !
Il y a des choses qui se voient « accoucher sans péridurale », « allaiter » et d’autres qui sont plus indicibles comme l’attention apportée à l’enfant, les câlins. Et c’est ça au final qui fait le relation, mais ça ne se met pas en photo sur Instagram !
Alors encore merci pour ton partage. Belle journée !
Merci beaucoup pour ton témoignage Anne-Flore ; je trouve cela formidable que tu aies réalisé ton besoin de consulter une psychologue dans les semaines qui ont suivi la naissance de ton enfant et que tu aies pu le faire également. Les injonctions autour de l’allaitement sont également nombreuses effectivement et comme toi, je pense que beaucoup – pour ne pas dire l’essentiel – de ce que nous apportons à nos enfants ne peut être capturé dans un cliché, ni même décrit par des mots…
Bonjour Natasha, un grand merci pour ton témoignage et surtout pour ton paragraphe sur la hiérarchisation des accouchements. Lors de mon premier accouchement, le rythme cardiaque de mon enfant a soudain chuté et n’a pas réussi à revenir à la normale. La gynécologue présente a pris le temps de nous expliquer et à également laissé du temps à notre enfant pour rétablir son rythme cardiaque. Néanmoins elle a dû procéder à une césarienne en urgence. Si tout s’est globalement bien terminé (tout le monde était en bonne santé), j’ai mis du temps à me rendre compte que j’ai mal vécu cet accouchement dont je garde peu de souvenirs précis. Tout s’est passé très vite et l’effet de l’anesthésie doit y être pour quelque chose.
Et j’ai dû moi-même intérioriser cette hiérarchie car j’ai eu (et j’ai encore parfois) l’impression de ne pas avoir eu un « vrai » accouchement. J’ai d’ailleurs beaucoup mis les difficultés rencontrées ensuite sur le compte de la césarienne (début d’allaitement difficile notamment). Je me sentais inférieure à celles qui avaient eu un accouchement physiologique, par voie basse et sans péridurale de surcroît.
Deux ans plus tard, une autre gynécologue a regardé le monitoring de cet accouchement et m’a indiqué que les décisions prises lui semblaient justifiées et avoir été réfléchies. Ce second avis m’a fait beaucoup de bien. Je pense que c’est à ce moment là que je me suis rendue compte que je n’avais toujours pas complètement accepté le déroulé des événements.
Merci beaucoup pour ton témoignage Crystal. Ce sentiment d’infériorité peut être très pesant et il est inconsciemment renforcé par le langage utilisé pour parler de différents accouchements. C’est important je trouve de pouvoir revenir sur notre (nos) accouchement(s), même « longtemps » après car il se joue tant de choses durant ces heures-là qu’il peut y avoir, même des années après beaucoup de choses à évacuer, de questions en suspend et le simple besoin d’être rassurée…
Chère Natasha,
Merci 1000 fois de cet article et bravo. J’imagine le travail et l’effort que cela représente et suis aussi admirative que reconnaissante. J’avais lu que les articles de journaux devaient être courts car le temps d’attention est réduit à peau de chagrin mais j’apprécie énormément les articles de fond. De même j’aime le recul et ai toujours un peu de mal (je parle de moi en tant que lectrice et consommatrice de médias, pas des rédacteurs) avec les témoignages et actualités à chaud. Dans ce sens ton article est incroyable, bravo! Je n’ai pas de témoignage à faire, juste quelques (longues ;-)) remarques .
Pour ce qui est de la hiérarchisation je te suis complètement. Les sages-femmes de l’hôpital ou je travaille luttent pour changer la taxonomie employée et remplacer « naturel » par « physiologique avec complication(s) », « physiologique sans complication », « physiologique assisté médicalement ». Toutes disent qu’en hôpital un accouchement ne peut plus être « naturel » et que beaucoup de mère se sentent diminuées d’avoir eu une péridurale (cela me choque tellement d’écrire cela). Je suis choquée d’écrire cela mais j’ai eu longtemps admiré ma grand mère qui accouché de ses 4 enfants en siège par voie basse, sans péridurale à l’époque. Jusqu’au jour ou elle me disait qu’évidemment elle aurait choisi la péridurale, si elle avait pu, qu’il n’y a pas de grandeur à la souffrance. Je pense que le contexte judéo-chrétien dans lequel on vit et les hôpitaux dans lesquels on accouche de façon très médicalisée jouent un rôle dans cette hiérarchisation.
J’ai été frappée par la justesse de cette phrase: « Mon bébé… cela fait des heures que je n’y pense même plus. Je me sens vidée, déconnectée de tout, d’elle/lui, de moi, de tout ce qui m’entoure. J’en aurai presque oublié pourquoi je suis là, ce que je fais là ». C’est exactement ce que me disent beaucoup de mères après des accouchements longs et difficiles. Je n’ose imaginer la souffrance et lorsque je t’ai lue et à ce moment même j’aurais juste envie de te faire une accolade (j’ai bien conscience de l’incongruité de la situation et la platitude du propos).
Pour ce qui est de la souffrance après et des réactions de l’entourage, c’est quelque chose que j’ai observé lors de mon cancer. Mes proches n’osaient plus me dire quand ils avaient un rhume, se faisaient mal etc. Mais comme je l’ai toujours dit: ce n’est pas parce que j’ai un cancer que ton orteil tapé dans la porte est moins douloureux. Il n’y a pas de hiérarchie dans la douleur. Et il n’y pas de hiérarchie dans la résilience. J’ai souvent entendu des parents qui n’osaient pas parler à leur proches de leurs difficulté à être parents, de leur malaise, parce qu’ils avaient eu du mal à tomber enceinte et/ou que leur enfant avait survécu à une grande prématurité et un long séjour en néo. Ce n’est pas constructif, très culpabilisant, et méconnaître les mécanismes en jeu chez la personne touchée.
Enfin, excuse le roman, je pense comme toi qu’il est nécessaire de lever les tabous sur les souffrances des mères, des femmes, des gens en général, cela va de soi. Mais j’ai remarqué chez moi (je parle en mon nom seul) que ce n’est ni volontaire, ni actif, de ne pas voir ou entendre cette souffrance. Ce n’est qu’enceinte et en postpartum que j’ai pris conscience de ce que cela signifie et que je me suis informée, remis en perspective et contextualisé les expériences de ma mère et mes grand-mères. Ce n’est que face au cancer et maintenant que je réalise que pour les institutions bancaires et autres assurances je serai toujours malade. Ce n’est que ménopausée très jeune (suite au cancer) que j’ai commencé à m’intéresser à ce que cela signifie et à prendre la mesure de la femme biologiquement « âgée » dans la société. Ce n’est que mère et active que j’ai saisi la mesure de l’injustice dans le monde du travail faite à toutes les femmes quel que soit leur âge, parce qu’elles pourraient un jour être mère. Ce n’est pas une excuse, ou une justification, c’est peut-être une explication qui me fait un peu honte. C’est surtout un grand remerciement que toi et d’autre aident avec des contenus de grande qualité à augmenter la prise de conscience. Bon week-end!
Bonjour Magali,
Merci beaucoup pour tes remarques si intéressantes et pertinentes. C’est bon de savoir que des sages-femmes sont conscientes du poids du langage et s’évertuent à employer des termes plus neutres et aussi plus justes à mon sens pour décrire différents types d’accouchement.
Je te rejoins complètement concernant la hiérarchisation des douleurs et de la résilience… ça me fait penser au fait qu’on dise « Ce n’est pas grave » à un·e enfant peiné·e, comme si la non-gravité de la situation suffisait à ôter tout chagrin… L’empathie est une qualité vraiment sous-développée je trouve de manière générale (et j’ai certainement moi-même dû manquer d’empathie dans certaines situations).
Enfin, je suis ravie qu’à l’ère où l’on « scroll » sans fin et où on veut tout « en direct », les longs articles écrits avec de recul soient encore appréciés par beaucoup – personnellement, j’ai toujours besoin d’un certain recul sur mes expériences avant de pouvoir en parler de manière constructive et approfondie 🙂
Merci pour ce témoignage. Bravo à toi d’avoir le courage d’en parler et de le mettre en mots, c’est très important je pense – pour toi bien sûr, mais pour tous aussi car je pense que plus les témoignages variés et et ouverts autour de l’accouchement se diffuseront, plus nous seront armé.es pour arriver aux accouchements le mieux possible.
De mon côté, j’avais essayé de pas mal travailler le côté « tout peut arriver » car je suis médecin et quand, étudiante, j’ai fait mon stage en maternité, j’avais constaté ce côté « imprévu à tout moment » que j’avais pu constater (la maman qui ne veut surtout pas de césarienne et finalement doit en avoir une, celle qui veut à tout prix une péridurale mais finalement n’a pas le temps d’en avoir une… pas facile!).
Côté césarienne, je n’avais pas envie d’y penser – et j’ai eu la chance de ne pas en avoir besoin mais 3 amies proches en avaient eu une dans les 6 mois précédents donc ça m’avait rappelé à quel point l’éventualité était présente…
C’est un peu à cause de tout ça que je n’avais pas réussi à faire de projet de naissance. Je trouvais l’idée bonne mais en même temps la possibilité d’un énorme « changement de programme » me paraissait tellement probable…!
Bref, pas facile de se préparer sinon en profitant de témoignages multiples je crois. Pour cela, je conseille beaucoup les podcasts Mères, et Bliss, et aussi certains épisodes de la Matrescence (le dernier est d’ailleurs à ce sujet).
Et enfin, une autre réflexion que je me fais beaucoup depuis : pour les papas, ce serait bénéfique aussi. Mon compagnon est resté très marqué par l’accouchement, pour le stress et l’angoisse de ce moment surtout (car notre bébé a dû avoir des soins immédiats et qu’on nous a annoncé de « petits » problèmes juste après , de manière assez inappropriée… Il a mis des mois à digérer ce moment éprouvant (contrairement à moi qui finalement était restée assez boostée par la situation, par chance). Et clairement, personne ne se préoccupe du vécu des pères. Encore du pain sur la planche…
La question des pères est aussi très importante, suite à ta story sur instagram Natasha, je n’ai pas abordé ce thème dans mon commentaire. Néanmoins eux aussi peuvent être traumatisés. A Lausanne il existe une consultation postnatale pour mère et père, séparée.
Très intéressant la consultation post-natale pour les pères ! J’espère qu’un jour ce sera possible en France!
J’ai appris aussi qu’en Angleterre les « birth debriefs » semblent quelque chose de possible pour tous les couples, avec la maternité où a eu lieu la naissance. Je ne sais pas si ça se fait dans d’autres pays mais cela fait partie des pistes intéressantes aussi…
Merci pour ton témoignage Eva.
Je viens justement d’enregistrer un podcast avec Mon Post Partum qui partage également tout genre de récits autour de l’accouchement et du post partum. Je ne connais ni Mères ni Bliss, mais La Matrescence est un podcast extrêmement riche je trouve.
Effectivement, les personnes qui nous entourent tout au long de l’accouchement vivent aussi une expérience très intense et devraient pouvoir être écoutées et accompagnées si besoin est.
J’en ai eu les larmes aux yeux ! Et pourtant je n’ai pas d’enfants et ne suis pas du tout sûre d’en vouloir. C’est très émouvant. Merci beaucoup pour ce partage, c’est la première fois que je lis un tel récit et je pense que cela fera beaucoup de bien pour effectivement casser les tabous.
Que des articles intéressants ici !!
Merci beaucoup d’avoir pris le temps de me lire Marianne. Je crois qu’on n’a pas forcément besoin d’être directement concerné·e pour se montrer sensible aux récits et aux expériences d’autres personnes ; cette ouverture d’esprit et cette empathie sont d’ailleurs la base d’une société et de relations plus saines à mon sens :-).
Merci pour ce texte magnifique, j’étais en larme du début à la fin! La hiérarchisation de l’accouchement me parle beaucoup… après mon second accouchement je me sentais comme après un match de boxe que j’avais perdu, j’étais terrassée.
J’ai eu 2 grossesses et 2 accouchements par césarienne. La première car ma fille était en siège et mon bassin trop étroit. Avec mon conjoint, nous nous sommes battus tout mon dernier trimestre pour que l’équipe médicale nous laisse avoir un début de travail spontané et non une césarienne programmée. Grâce à une sage femme formidable, qui nous a soutenu, notre demande a été accepté et j’ai finalement très bien vécu cet accouchement. Mais j’étais épuisée d’avoir dû me battre pour dé programmer cette césarienne, qui finalement arrangeait surtout le confort de l’équipe médicale.
Pour mon second accouchement tout semblait être au top, j’avais confiance en ma capacité d’accouché, j’étais à la maternité accompagnée de ma sage femme libérale. Quand je lis tes ligne je revis cet accouchement, même scénario, même longueur, même incompréhension. Quand on m’a annoncé la césarienne, je m’en fichais, je n’en pouvais plus, je voulais qu’on me libère de ce bébé qui ne pouvait pas sortir. Merci pour tes mots, sur ce moment terrible ou on ne peut plus être connecté à nous, à ce bébé, je me suis sentie tellement vide! J’ai été très mal durant cette césarienne, mal de tout, je n’ai pas vu mon bébé car j’ai fait un malaise. Quand plus tard la sage femme m’a dit que mon bébé avait deux tours de cordon autour du cou, je me suis sentie en colère, en colère contre tout cette souffrance ressenti par mon bébé et moi même.
J’ai eu besoin de parler de cet accouchement, et je me suis retrouvé face à le même incompréhension, il y a même une sage femme qui m’a dit que je n’avais pas eu de vrai travail car mes contractions étaient désordonnées et que je devais être bien douillette.
Bonjour Anaïs,
Le confort de l’équipe médical est effectivement prioritisé dans biens des cas – ça ressort régulièrement dans mes lectures ethnographiques sur le thème de la santé et de l’accouchement en particulier. D’ailleurs, au Brésil, les césariennes sont la norme, les personnes enceintes sont encouragées à prévoir une césarienne programmée… autant je suis reconnaissante qu’on puisse aujourd’hui sauver des vies ou tout simplement soulager des personnes grâce à cette intervention chirurgicale, autant je trouve cela perturbant que la Césarienne soit présenté comme la meilleure option, au point qu’elle devienne normalisée, banalisée.
Ce que ta dit cette sage-femme me fend le cœur ; je trouve ses propos extrêmement injustes et insensibles… j’espère que tu as pu trouver des personnes plus empathiques et bienveillantes.
Bonjour Natasha,
J’ai eu des frissons et les larmes aux yeux tout au long de la lecture de ton article. Merci pour ce témoignage si détaillé. Je suis contente de lire que tu avances vers un mieux.
J’ai accouché en juillet dernier et j’étais terrorisée, sans vraiment de raisons « valables » : Ma grossesse se passait bien, aucun signe d’alarme.
Je refusais en bloc d’entendre des récit d’accouchement avant le mien. Je suis d’ailleurs certaine que je n’aurai pas lu ton article. Une peur viscérale de ce qui se passe à l’intérieur du corps humain (j’ai fait un malaise en voyant l’aiguille dans mon bras un jour en donnant du sang). A cela s’ajoutait une peur terrible que mon bébé ne tienne pas le coup pendant l’accouchement. Ma maman travaille dans un service de néonatalogie et je suis donc habituée depuis toute petite à entendre parler de bébé qui ne vont pas bien à la naissance. Mais surtout, j’ai fait l’année précédente une fausse couche à 11 semaines et, bien entendu, elle a jeté un stress sur toute ma grossesse. Stress « dédramatiser » par tout le monde puisque tout allait bien mais qui n’est pourtant jamais parti.
Mon accouchement, bien qu’un peu long (enfin, je le trouvais long avec ses 21h jusqu’à la lecture de ton article…) s’est déroulé sans problème. Mon compagnon parle même avoir passé un super moment pendant que je poussais…
Entrée à la maternité le dimanche matin très tôt, bébé est finalement sorti à 1h30 le lundi. Ma gynécologue était en vacances et devait reprendre le travail le lundi matin. Elle est arrivée à minuit dans la nuit de dimanche à lundi juste pour moi et a été merveilleuse, à mon écoute quant à la position à adopter, soutenante, bref, une merveilleuse personne ! Je lui dois beaucoup pour cette phase d’expulsion que je redoutais tant.
Après mon accouchement, je ressentais un grand besoin de le raconter (ce que je n’ai pas forcément fait dans les détails). Je voulais pouvoir aider des personnes qui, comme moi je l’étais, sont terrorisées à l’idée d’accoucher. Je voulais aussi ne pas taire tout ce qui se trouve autour de l’accouchement et que personne ne dit. Tout ce que j’ai découvert et que j’aurai aimer savoir. Par exemple, je savais que le périnée souffrait très fort à l’accouchement et qu’il fallait le rééduquer. Je ne savais par contre pas que c’était au point de pouvoir faire pipi sur le chemin des toilettes sans pouvoir l’empêcher car je ne sentais plus rien… !
Enfin, la hiérarchisation des accouchements me parle beaucoup à moi aussi. Hésitante sur la péridurale car « pas naturelle », je n’ai pas hésité une seconde à l’accepter lorsqu’on à enfin pu me la proposer après 13h de contractions. Et je n’ai aucun regrets ! Mon hésitation était due à cette hiérarchisation vide de sens. Il y a autant d’accouchement qu’il y a de bébé qui naissent et, tout comme il n’y a aucun sens à comparer et hiérarchiser les bébés (et les humains (et tout être vivant, poussons le raisonnement plus loin)), il n’y aucun sens à le faire avec les accouchements non plus.
Je t’envoie plein de soutient.
Merci pour votre témoignage. C’est très touchant et j’en ai eu les larmes aux yeux :,)
J’ai passé un super moment en lisant cet article.
Un immense merci pour votre partage, comprendre à travers vous c’est aussi comprendre pour nous et se sentir comprise par d’autres. Merci.
Bonjour Natasha, merci pour votre article, et merci à vos lectrices pour leurs retours. Vous me permettez de mettre un vrai mot sur mon ressenti suite à mon accouchement, il y a 16 mois.
Pendant longtemps (environ 1 an), j’ai dit « en rigolant » que j’étais traumatisée par cet accouchement ; aujourd’hui, grâce à cet article, je me rends compte que j’ai vraiment été traumatisée ; je me rends compte aussi que j’ai le droit d’avoir mal vécu ce moment, de ne pas avoir vécu la naissance de ma fille comme « le plus beau jour de ma vie » ; d’avoir peur de passer ma prochaine grossesse (que j’espère) à angoisser à l’idée de l’accouchement.
Les différents témoignages nous ont donné envie, à mon conjoint et moi, de demander un rendez-vous à notre sage-femme (une perle !) pour faire un debrief de l’accouchement. Merci pour cette idée !
Bon courage pour la suite,
Bonjour Natasha, merci pour ton témoignage. J’ai vécu presque la même histoire que toi pour la naissance de mon premier enfant en 2013. Sauf que je n’accouchais pas à domicile au départ. Je souhaitais un accouchement sans péridurale, et ne doutais pas qu’une fille comme moi, solide et tenace ;), ne puisse pas aller au bout d’un accouchement. Cela a beaucoup ressemblé à ton scénario, mais 36 heures. Et j’ai ressenti exactement les mêmes sentiments que toi. On m’a dit aussi que « je ne savais pas ce qu’était un accouchement ni sa dureté » (belle-mère quand tu nous tiens!). J’ai ensuite eu un autre enfant 2 ans plus tard. Je n’ai pas du tout abordé sa naissance de la même manière. J’étais plutôt blessée et cynique. Je partais du principe que ça allait plutôt mal se passer et j’ai essayé de ne pas trop en savoir d’avance sur le déroulé de mon accouchement. Je me suis dit que pour la première j’avais trop « programmé » peut-être. Pour cette seconde fois je ne voulais pas savoir le sexe du bébé, je voulais être plus au jour le jour, mais j’étais comme ça uniquement parce que j’avais vécu cette première fois traumatisante. et finalement… tout s’est très bien passé : pas de péridurale, seulement 8 heures, j’ai mieux géré les contractions et mes craintes, j’étais prête à tout affronter. Quand on m’a dit qu’on voyait sa tête et que c’était imminent je n’avais tellement pas envisagé ça, j’étais si surprise que j’ai presque eu une crise de fou rire, j’étais euphorique. Bref, j’ai accouché en rigolant, les sages-femmes n’en revenaient pas ! Par contre cela peut sembler étrange mais je n’ai pas développé les mêmes sensations pour les 2 accouchements. Pour le premier j’étais très consciente, j’essayais finalement trop de contrôler puis je me suis retrouvée dans une détresse et un lâcher prise que je n’avais jamais eu dans ma vie, comme si je m’effondrai. Pour le deuxième, j’ai moins de souvenirs de l’arrivée de mon fils, ça me paraissait normal d’accueillir petit inconnu.
Bonjour Natasha,
merci pour cet article précis et qui a dû être difficile à écrire. J’ai bien aimé de voir que t’as souffert alors que pourtant, tu étais bien entourée. Cela montre que même quand il n’y a pas de violences « physiques » à proprement parler, il peut y avoir d’autres types de souffrances. Ta réflexion sur la hiérarchie des accouchements est également intéressante car je n’y avais jamais pensé ! Bref, il y a tellement de quoi dire sur la prise en charge de l’accouchement dans notre société.
Sinon, je n’avais pas eu le temps d’aller sur ton blog depuis un moment, prépare-toi à des commentaires dans la journée 🙂 !
Bonjour, merci pour ce partage. Il y a une petite erreur dans votre texte: « Claudia me demande alors si elle souhaite que je reste » 😉
Bonjour ! Merci de m’avoir signalé cette erreur, c’est corrigé 🙂
Bonjour ! Oh comme je peux imaginer ton traumatisme, cela a dû être très dur effectivement.
En Allemagne on a la chance de pouvoir accoucher très naturellement sans péridurale, à la maison, debout, en bougeant… mais ça ne fonctionne pas toujours. J’ai eu beaucoup de chance pour mes 2 accouchements sans PDA même si le 1er a faillit finir comme toi car le bain arrêtait tout le travail et endormait mon BB (quel chanceux lui!). Heureusement une amie avait eu une injection d’occitocine 4mois avant et m’avait déconseillé car contractions insupportables et il a fallu aller chercher BB aux forceps! Du coup j’ai résisté et je pense que j’ai bien fait. Pour mon 2e accouchement la SF m’a mis en gaRde contre d’autres déclencheurs qui pouvaient provoquer des contractions à la limi De la tolérance et qui finissaient en péridurale ou césarienne 9/10…
Je pense que beaucoup de femmes sont traumatisées de leur 1e accouchement à partir du moment où il faut déclencher avec des médicaments car la douleur devient trop grande.
Bravo pour le travail pour surpasser cette souffrance même autant de temps après.
Merci pour votre bel article qui vient mettre des mots si juste Sur une réalité qui est si connue mais en fait si mal connue…
La parentalité et l’accouchement sont des représentations sociologiques tellement puissantes ancrées dans l’imaginaire collectif que nous prenons pas la peine de les questionner Et de chercher à les comprendre….
Le parentalité et l’accouchement sont de tels bouleversements pour les femmes quil parrait naïf rétrospectivement de se dire qu’une parentalité heureusement et épanouie est possible dès l’accouchement..
J’ai découvert votre travail à travers votre article lié au problème de sommeil de votre enfant car je traverse aujourd’hui ce désert de brouillard et d’épuisement depuis bientôt 1 mois.
Voir une témoignage m’a bouleversée et m’a réellement fait me sentir comprise… car toutes les personnes de mon entourage minimisent ou pire ris de ce manque de sommeil et de cette détresse pourtant bien réelle…
La parentalité Peut être impactée à n’importe quel moment et partant de choses depuis autre accouchement jusqu’à la majorité de notre enfant…
Merci de témoigner avec on the justesse de cette souffrance de ses traumatismes bien réel que peut engendrer l’arrivée d’un enfants dans une vie…
Merci pour votre témoignage Anna. J’espère que vous êtes bien entourée et que vous pourrez bientôt retrouver un sommeil apaisé… Plein de courage à vous en attendant, je compatis pleinement.
Il est long et courageux ton récit. Un accouchement même quand il se passe plutôt comme on se l’est imaginé est une très rude épreuve. Moi j’ai l’impression d’avoir progressé dans son appréciation à chaque fois et j’ai bien le sentiment d’avoir été « la plus présente » la dernière fois. Je comprends bien ce dont tu parles quand finalement tu as le sentiment d’être dans le flou au moment de la rencontre avec le bébé. Mais en même temps, ça fait probablement partie un peu du process de mourir à soi-même pour libérer une nouvelle vie.
Le sentiment d’avoir l’impression de mourir à chaque contraction, c’est bien comme ça que je l’ai décrit pendant des années… je dirais que la dernière fois, j’avais suffisamment progressé dans ma gestion de la douleur et la capacité à trouver des solutions pour que ça reste une douleur infernale, mais soutenable… et je fais partie de celles dont le col met aussi entre 15 et 24h à s’ouvrir… rien à côté de toi, mais c’est long, c’est immensément long. Je trouve qu’accoucher en souffrant pas trop demande énormément d’abnégation.
Merci pour ton témoignage Yanna.
Cette phrase fait beaucoup de sens pour moi : « Mais en même temps, ça fait probablement partie un peu du process de mourir à soi-même pour libérer une nouvelle vie »…