{To read the original English version of the interview, click here}
Je n’avais jamais entendu parler de Jo-Anne McArthur, jusqu’à ce que je tombe sur cet article du blog Peuvent-ils souffrir ? … Par chance, je l’ai lu le jour où The Ghosts in our Machine, le documentaire dont je vous parle ici était disponible en ligne gratuitement.
J’ai alors découvert le travail remarquable de cette photographe qui a choisi de dédier sa carrière à l’une des causes qui lui tient le plus à coeur : le bien-être et la protection des animaux. À travers ses clichés, elle expose la tristesse qui pèse sur les animaux exploités par l’homme et les conditions inimaginables dans lesquelles ils sont enfermés, élevés, dressés, transportés ou abattus… Inimaginables puisque ce que ses clichés racontent, peu de personnes en sont témoins : comme en parle si bien Matthieu Ricard dans son livre Plaidoyer pour les animaux, toute personne susceptible de raconter ou de montrer la vérité sur ce qui se passe derrière les façades des fermes, des abattoirs, des zoos, des cirques etc. est interdite d’entrée… surtout si elle est ‘armée’ d’une caméra ou d’un appareil photo !
Comme pour la réalisation de beaucoup de documentaires au sujet de l’exploitation des animaux, c’est après de longs repérages que Jo-Anne McArthur s’aventure clandestinement et généralement de nuit, dans ces lieux de tortures bien cachés du public. Elle prend également beaucoup de photos en plein jour et en toute légalité… et capture alors les aberrations de l’exploitation animale dont le public est témoin sans y être sensible pour autant…
Quelles que soient les conditions dans lesquelles elle travaille, Jo-Anne parvient à réaliser des clichés de grande qualité et incroyablement émouvants. Ses images m’ont tellement marquées que j’ai eu envie d’en savoir plus sur cette talentueuse photographe, cette activiste passionnée et cette femme tout simplement inspirante.
À ma plus grande joie, elle a accepté de répondre à mes questions…
Si vous préférez lire la version originale en anglais, c’est par ici.
Contrairement à vous, tout le monde ne se soucie pas des animaux… qu’est-ce qui dans votre enfance ou quelles expériences ont développé votre sensibilité envers eux et votre envie d’en prendre soin ?
Je pense que beaucoup d’enfants sont sensibles aux animaux et si ce n’est pas le cas, ils sont au moins curieux de savoir qui ils sont et pourquoi ils font ce qu’ils font. Quand j’étais enfant, je remarquais vraiment n’importe quel animal. Les chiens attachés dehors, les chevaux montés par la Police, les adorables animaux de compagnie, les animaux à l’air triste dans les zoos. Mais dans ma famille nous mangions de la viande, ce qui est était la norme comme chez la plupart des gens. On ne me dissuadait pas de prendre soin des animaux et nous en avions toujours des petits autour pour nous tenir compagnie… des oiseaux, des gerbilles, par exemple. Je ne sais pas exactement ce qui m’a distingué des autres enfants… d’autres gens, et pourquoi voir des animaux tristes et la manière dont on les traite a fait de moi une activiste contrairement à d’autres. Je pense que j’ai toujours ressenti de l’empathie pour toutes les personnes oppressées. Je n’ai pas cherché à fuir la douleur qui en découle.



Comment vous êtes-vous décidée à consacrer votre vie à la sensibilisation aux problèmes liés à l’exploitation des animaux à travers la photographie ?
En fin de compte, j’ai réalisé que je pouvais utiliser mes compétences pour rendre le monde meilleur. J’encourage cette démarche pour quiconque essaye de trouver sa voie, pour savoir comment aider. Et nous avons tous besoin d’aider. Vous trouverez la longévité dans votre activisme si vous faites ce que vous aimez et ce en quoi vous êtes doués. Prendre des photos et raconter des histoires, c’est quelque chose que je sais bien faire. Et j’ai vu que peu de photographes documentaient la vie des animaux que nous élevons et tuons pour la nourriture, les expérimentations, les divertissements, les vêtements. On voit beaucoup de mégafaune charismatique et d’animaux domestiques, mais on ne voit pas les animaux invisibles, ceux gardés derrières les murs des fermes. Il était nécessaire de documenter cela et la manière dont nous les traitons. J’ai donc suivi ce chemin.



Ce que l’on voit à travers votre objectif est vraiment bouleversant… Je n’ai vu qu’un petit aperçu des horreurs dont vous avez été témoin mais elles n’ont pas quitté mon esprit depuis. C’est ce que vous voyez de vos propres yeux de manière régulière. Comment cela vous affecte-t-il ? Comment faites-vous face à l’impact que cela peut avoir sur votre propre bien-être ?
Eh bien c’est un combat. Je ne peux pas mentir. C’est très dur pour moi. Mais quand vous êtes en pleine prise de photos… vous avez parcouru un long chemin pour ces photos, et tellement d’organisation, de planification, de repérages, etc., ont été investis dans chaque mission… vous avez un temps limité pour faire un très bon travail, et c’est donc ce sur quoi je dois me concentrer. Je gère les émotions liées à ce que je vois plus tard. Mais cela fait mal. Cela affecte ma foi en l’humanité. C’est décevant. Mais cela doit être fait. Pour que nous puissions savoir, être attentif, se sentir irrité et changer. J’essaie de prendre soin de moi, mais n’importe qui en mission peut témoigner de la difficulté de prendre le temps de prendre soin de soi. Les activistes travaillent beaucoup. Les gens qui sont motivées peuvent avoir une concentration remarquable. Je suis comme ça, et on trouve de la consolation dans le fait de savoir que notre travail a un impact.



Y a-t-il des endroits où vous avez été et qui vous ont bouleversé plus que d’autres ?
La souffrance reste la souffrance, et voir des cochons dans des caisses, des poules dans des cages, des visons dans de si petits confinements, ou des éléphants obligés d’exécuter des ruses humiliantes… tout cela est tellement horrible. Pourtant, je suis bien obligée de dire que les fermes de fourrure sont parmi les endroits les plus extrêmes où j’ai été. Toute cette souffrance pour satisfaire notre désir de luxe et d’excès. C’est honteux.



Du côté de la protection des animaux, quels sont été certains des changements les plus positifs dans le monde l’année dernière ? Quels sont les changements réalistes qu’on peut espérer se voir réaliser prochainement ?
Le cirque Ringling Bros supprime progressivement l’usage des éléphants. Cela aurait dû être fait il y a longtemps et ne se fait pas assez tôt, mais c’est néanmoins une bonne nouvelle ! Un fonctionnaire du Vietnam a annoncé qu’ils allaient graduellement cesser l’usage des animaux dans les divertissements cruels et inutiles. Seaworld continue d’être critiqué par les médias. Je pense que l’usage des animaux pour les divertissements va continuer de diminuer petit à petit. Les zoos sont appelés à être sérieusement réformés pour se rapprocher du modèle des sanctuaires. L’industrie de la fourrure se bat de toutes ses forces et avec beaucoup d’argent pour que la fourrure reste populaire, et pourtant, la vente de fourrure dans certains pays a dégringolé.



Nous devons tous participer à ces changements et tout ce que nous devons faire c’est ne pas participer. Ne pas acheter de fourrure. Ne pas aller dans des endroits où les animaux sont là pour nous divertir. Acheter des produits sans cruauté pour les animaux au lieu de n’importe quel vieux produit ordinaire. C’est facile. Ca donne un sentiment de pouvoir. Cela sauvera des vies. Tout comme nous tenons à notre vie, les animaux tiennent à la leur. Je le vois sur tous leurs visages, à chaque fois que je les rencontre. Un changement de comportement, en leur nom, est attendu depuis fort longtemps.
Pour aller plus loin :
- The ghosts in our machine, documentaire dont je vous parle ici et qui suis les pas de Jo-Anne McArthur
- We Animals, le site du projet de Jo-Anne McArthur et la page Facebook (en anglais)
- We Animals, son livre (en anglais)
A reblogué ceci sur Idées en vrac d'une petite Moineau.
J’admire tellement cette femme! Les photos qu’elles prend dans les refuges sont magnifiques! Je pense que c’est après avoir vu quelques photos qu’elles a prises sur une ferme de fourrure que je me suis décidée à regarder Earthling. 🙂
Je ne connaissais pas cette photographe ce qu’elle fait est très bien pour sensibiliser les gens , ses photos sont tellement touchantes , c’est horrible le regard qu’on ces pauvres bêtes ! Quand est ce qu’on va leur foutre la paix à ces animaux , les laisser vivre leur vie ?
Quelle belle découverte à travers ton défi, vraiment. Ses photos sont magnifiques, et tellement horribles en même temps. Celle des poussins fluo, des lapins et de l’ours m’ont particulièrement touché!
Quelle belle action que d’utiliser son art pour porter un message aussi fort. Arriver à capter l’émotion de ces bêtes en une seule image est un travail excellent!
Merci Natasha, beau travail 😉
Merci pour cette découverte. …
les seuls commentaires que l on doit faire quand on prend connaissance du sort fait aux animaux grace au travail de gens tel queJo Anne, c est: j arrete de manger les animaux!
Quelle découverte! Je suis bluffée par le talent de cette photographe! D’après les photos montrées ici, elle sait capturer les émotions des animaux (et ainsi prouver à ceux qui croient les animaux insensibles que c’est faux! )
J’ai été particulièrement choquée par les photos des lapins vivant à côté des cadavres de leurs congénères et des petites bêtes des fermes de fourrures (il existe réellement des fermes de fourrure?!) dans des cages minicuscules et avec leurs déjections.
Il est grand temps que tout le monde se rende compte que les animaux sont des êtres vivants qui ont des émotions et ressentent comme nous. J’aimerais voir les exploiteurs dans ces mêmes conditions. Sans doute est-ce extrémiste mais comprendraient-ils ainsi qu’ils sont inhumains?
J’ai une reconnaissance particulière pour cette femme qui prend des photos au risque sa liberté et aussi pour vous Natasha qui partagez ces expériences. Merci!