L214-1, c’est d’abord un article du code rural qui stipule que « Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce. »
Comme vous vous en doutez, cette loi est bien loin d’être appliquée…
C’est cet article qui a justement donné son nom à l’association L214 Éthique et Animaux, l’une des plus grandes et influentes associations françaises à défendre la cause animale.
Grâce à ses différentes campagnes, enquêtes, manifestations et pétitions, l’association permet chaque jour d’éveiller les consciences sur la souffrance qui se cache derrière un toast de foie gras, un oeuf à la coque, un civet de lapin, une tranche de jambon, un onglet de boeuf, une escalope de veau, un verre de lait, un steak de cheval ou encore un filet de poisson… L’association lève le voile sur les conditions dans lesquelles sont élevés ou pêchés, puis transportés et abattus les animaux dont la chair ou les sous-produits finissent dans nos assiettes à travers la France.
Le site de L214 est également une source d’information claire et accessible qui permet d’ouvrir les yeux sur la réalité et de comprendre les implications éthiques liées à la consommation de viande et de produits d’animaux issus de l’élevage et de la pêche industriels notamment.
Brigitte, la co-fondatrice de l’association a accepté de répondre à quelques unes de mes questions.
Quand et comment est née l’association L214?
L’association a été fondée en 2008 par des militants végétariens pour les animaux de l’équipe de Stop Gavage, campagne pour l’abolition du foie gras qui se poursuit dorénavant au sein de L214. Cette ONG est née de la volonté de changer nos rapports avec les animaux, partant du constat que les animaux sont des êtres sentients : ils éprouvent des émotions, agréables ou désagréables, ils ont le désir de vivre. La situation actuelle, où les animaux sont considérés comme des choses à notre disposition, est injuste.

Quelles sont les valeurs partagées par les membres de votre association et quels sont vos objectifs?
L’association se bat pour que la sensibilité et l’individualité des animaux soient enfin prises au sérieux, avec les conséquences pratiques que cela entraîne. S’intéresser sincèrement aux animaux, à ce qu’ils vivent, à ce qu’on leur fait vivre, change radicalement notre façon de les considérer. Dès lors, l’élevage, la pêche, l’abattage, l’expérimentation sur les animaux, les zoos, les corridas, la chasse, l’enfermement dans les cirques, prennent une toute autre dimension. Nous nous battons pour que les animaux ne soient plus des esclaves, mais des individus libres aux côtés desquels nous pouvons vivre en bonne entente.

Parmi les nombreuses critiques qui s’en prennent aux personnes engagées pour la protection animale, certaines s’obstinent à dire qu’au lieu de se préoccuper du sort des animaux, on devrait commencer par prendre soin des humains dans le besoin… que répondriez-vous à ce genre de commentaire ?
Il est clair que notre monde a besoin de générosité, d’actions pour venir en aide à ceux qui en ont besoin. Mais pourquoi limiter cet altruisme, cet engagement ? Et doit-on arrêter de venir en aide aux femmes tant que des enfants sont battus ? Doit-on arrêter de soigner les personnes atteintes d’ébola tant qu’on n’aura pas éradiqué la famine ? Quel est l’intérêt de hiérarchiser les luttes contre la souffrance, les injustices ? Se battre pour un monde plus juste est un combat dans l’ouverture aux autres, à tous les autres.
De plus, le geste le plus simple pour les animaux – ne pas les manger – ne prend pas de temps et laisse tout le temps nécessaire pour s’occuper d’autres causes tout aussi préoccupantes en effet. Et on fait même d’une pierre deux coups : en mangeant végétalien, on contribue aussi à préserver les ressources en terre et en eau, on participe donc à la lutte contre la famine. Etre végétalien permet d’agir également sur d’autres plans, comme vous pouvez le voir sur notre site viande.info.

Beaucoup de personnes sont également convaincues que les vidéos que l’on voit et que les récits que l’on lit au sujet des souffrances infligées aux animaux d’élevage durant leur vie et leur mise à mort sont celles et ceux de contextes à l’étranger ou des cas très isolés en France… Est-ce vraiment le cas?
Non. Les vidéos que vous trouvez sur le site de L214 sont récentes et tournées en France, sauf mention contraire. Lorsque les images viennent de l’étranger, c’est précisé et, le cas échéant, le lien est établi avec la France (comme pour les chevaux importés d’Amérique par exemple).
Souvent, on essaie de “se protéger” avec des arguments non fondés, comme dire : “C’est pas en France”, “C’était avant”, etc. On refuse de se poser la question de la logique de ces images. Comment peut-on imaginer la vie d’un lapin enfermé en permanence dans une cage bondée, sur un sol grillagé ? Que dire des porcelets agglutinés autour de leur mère prisonnière des barreaux d’une cage ? Et de ces vaches séparées de leur petit dès sa naissance, meuglant tristement pendant des heures ou des jours ?
En France aussi on mutile à tour de bras : on castre à vif porcelets et chapons, on écorne les veaux, on coupe le bec des poules, les queues des porcelets. Autant d’images effectivement difficilement supportables, et on est souvent mal à l’aise de penser que c’est notre consommation qui encourage cette barbarie…

En France, grâce à l’Article 515-14 du code civil adopté le 28 janvier 2015, les animaux sont maintenant reconnus comme étant des “êtres sensibles”? Concrètement, qu’est-ce que ça va changer?
Concrètement ? Sans doute rien ou si peu. Peut-être que le regard de quelques juges va changer et que des affaires retiendront leur attention au lieu d’être rapidement classées sans suite, comme c’est le cas aujourd’hui pour 4 affaires sur 5.
Mais ça ne change rien aux pratiques courantes, au confinement dans des bâtiments bondés, aux mutilations routinières, aux mises à morts par milliards chaque année. Les corridas sont toujours autorisées, les pires formes de chasse également…
Mais on peut aussi y voir de l’espoir : c’est peut-être la promesse d’un changement bien plus profond de notre société, de notre mentalité.

Enfin, qu’est-ce que chacun-e de nous peut faire dans son quotidien pour contribuer au bien-être des animaux et pour soutenir votre association?
Il y a beaucoup de pistes d’actions heureusement. Dans notre quotidien, on peut arrêter de manger les animaux. C’est un geste simple mais immédiatement efficace ! Ensuite, il y a des actions qu’on peut mener individuellement et des actions collectives : elles sont annoncées dans notre agenda en ligne, on peut également être tenu au courant par notre lettre d’info.
Bien sûr, il est possible d’adhérer à notre association : ce sont nos membres qui nous donnent les moyens de mener nos actions et nos campagnes, de retenir l’attention des médias sur la question animale, d’organiser des manifestations et surtout de réaliser des enquêtes.
Retrouvez L214 sur leur site, leur blog, Facebook et Twitter.
J’ai un profond respect pour l’asso L214 et un profond respect pour toute personne œuvrant pour la cause animale, même s’il arrive, et c’est bien dommage, que toutes les assos ne s’entendent pas…Il faut ouvrir les yeux et le site de L214 est très bien fait pour ça, idem pour celui de l’association végétarienne de France. Sans parler de Sea sheperd qui protège la faune et la flore marines, qui se bat pour que les dauphins et autres baleines ne soient pas massacrés.
Quand je vois cette triste photo d’une truie enfermée et réduite à donner son lait à des porcelets avec lesquels elle ne peut développer aucune tendresse, je me demande vraiment comment on peut encore manger des animaux. Ça me rend profondément triste. Et déterminée à continuer ce que je fais de mon côté, c’est-à-dire vivre en accord avec mes principes selon lesquels les animaux sont mes semblables et je leur dois du respect.
Merci Natasha pour ce billet !
J’ai été élevée dans une famille où l’on ne mangeait pas de porc et cette viande m’a toujours été présentée comme étant malsaine donc je ne me suis jamais intéressée au bien-être des cochons et je n’en ai jamais mangé non plus… Aujourd’hui, le sort des cochons est celui qui m’émeut le plus je crois. Plus j’en apprends sur eux, leur tempérament, leurs intelligence, leurs besoins, plus je réalise combien ces animaux doivent souffrir avant d’être transformés en bacon, lardons, jambon… ce ne sont plus des animaux malsains à mes yeux, mais des animaux vraiment propres et sensibles pour qui j’ai beaucoup de respect.
Dans ma famille on mange très peu de viande, c’est sans doute pour ça que ça ne me manque pas du tout. J’aime vraiment tous les animaux au risque de paraitre complètement mièvre mais je dois dire qu’en ce qui me concerne c’est les poules qui m’émeuvent le plus pour les mêmes raisons que toi, elles sont intelligentes contrairement à ce qu’on peut penser, et souvent très affectueuses ! Elles souffrent dans l’indifférence générale, personne ne semble voir l’horreur derrière la consommation des œufs…Heureusement la site de L214 est très clair à ce sujet : http://www.l214.com/oeufs-poules-pondeuses
Je crois que pour les animaux d’élevages, tous les cas sont aussi terribles effectivement… que ce soit les poules, les vaches ou les cochons, tous sont sensibles et intelligents à leur manière et aucun n’est épargné de souffrances… J’ai justement mis un lien vers cet article dans mon billet 🙂
Coucou! 🙂 A vrai dire je n’en admire aucune en particulier, pas même celle dans laquelle je suis (LPO). Elles font leur boulot, nécessaire en l’absence de politiques concernés par la cause animale. Mon choix s’est porté à la LPO par sa présence dans mon village et par ricochet vis-à-vis de la passion de mon père pour les oiseaux. Je ne voulais plus être bénévole pour refuge animalier. En revanche, ce que je n’aime pas dans la majorité des associations de protection animale c’est parfois leur extrémisme vis-à-vis des gens et leur manque de délicatesse pour faire passer (en force des fois) leurs opinions tout en culpabilisant volontiers la personne en face. Il n’y a rien de mieux pour les braquer.
Enfin, je terminerai en disant: non. Non, le premier pas qui consiste à arrêter de manger des animaux n’est pas un geste simple. Il l’est encore moins pour quelqu’un qui a mangé de tout toute sa vie et encore moins pour un bon mangeur de viande. Ça ne l’est pas non plus parce que rares sont les végétariens à n’être entourés que de végétariens, ils peuvent témoigner de la difficulté de leur choix dans la vie de tous les jours, la pression sociale est parfois énorme, et ce serait mensonger et inconsidéré de dire qu’il suffit de s’affranchir de la société, une société ou la cuisine tient une part importante en plus. Alors, non, non et non, ce n’est pas simple. Avec la plus grande sagesse, le plus grand dégoût, la plus grande tristesse qui soit, ce n’est pas du tout simple… 😉
Bonne semaine Natasha. 🙂
Je n’ai personnellement jamais fait partie d’une association de protection animale mais quand je vois les échanges qu’il peut y avoir sur le web entre différents défenseurs de cette cause, je peux imaginer combien certains doivent manquer de bienveillance dans leurs échanges ! Je suis entièrement d’accord avec toi sur le fait que ce n’est pas simple dans la pratique et dans certains contextes socio-culturels de ne plus manger de viande. Il faut prendre beaucoup sur soi, il faut quasi-constamment expliquer ses choix et faire face aux critiques et jugements de gens mal informés, il faut apprendre à trouver de la force et du réconfort ailleurs que dans notre entourage car bien souvent on est les seuls à avoir fait ces choix. Je ne suis pas certaine de ce que Brigitte sous-entendait en disant que c’était simple, mais ça reste selon moi plus facile en effet d’arrêter de manger de la viande que de m’investir dans une association, de participer à des campagnes, de trouver des alternatives durables aux textiles en laine ou en cuir etc. Il y a différentes manières d’exprimer ses convictions et en fonction de nos expériences et du contexte dans lequel on évolue, certaines sont plus simples que d’autres- pour moi arrêter de manger de la viande (n’importe où) et des produits d’animaux (chez moi et ailleurs dans la mesure du possible) était mon premier pas pour défendre le bien-être animal parce que c’était l’action la plus évidente à mettre en place dans mon quotidien… cela n’a néanmoins pas été simple pour autant ! Et ça ne l’est toujours pas… On parlera d’ailleurs (je l’espère) de cet aspect durant l’éco-défi du mois prochain. J’ai aussi de plus en plus le sentiment que je vais maintenant devoir passer ma vie à justifier mes choix alors que je n’en demande pas autant à celles et ceux qui consomment tout et n’importe quoi sans se poser de questions, dans se soucier du bien-être des humains, des animaux et des terres exploitées pour répondre à leurs plaisirs superflus… Je dois avouer que je me sens bien triste, seule et frustrée ce mois-ci, face à cet éco-défi et toutes les questions qu’il soulève… Merci donc pour ces échanges et ces partages qui font du bien malgré tout ! À bientôt 🙂
Merci pour ta réponse.
En fait, comment te dire, déjà la démarche de devenir végétarien / végétalien (ou tout autre démarche encore un peu « marginale » pourrait-on dire, je repense notamment à Pauline des Cheveux de Mini et l’épilation) demande une certaine dose de courage ou de force de caractère ou d’indifférence de l’opinion d’autrui. Pour ma part, petite anecdote, ça a été durant une période ces phrases: « mais t’as pas d’enfant? vous en voulez pas toi et on mari? alors, vous le faites quand ce môme? etc »: et de longues explications alambiquées (il y a une quantité astronomiques de raisons ne pas faire d’enfants et même des bonnes pour la planète!) c’est devenu plus court et puis pratiquement plus de questions du tout depuis que j’ai eu des soucis de santé. Les rares fois où on l’évoque, je ne prends même pas la peine de donner une explication, c’est « on en veut pas » et puis c’est tout. Je force l’interlocuteur à passer à autre chose et s’il veut pas et bien il peut continuer à parler tout seul, ça me passe totalement par dessus. Je pense que c’est dans des cas pareils qu’il faut parvenir à se détacher de son hypersensibilité et imposer son choix, sans forcément donner une explication. Les gens doivent comprendre que tout un chacun existe et a le droit à la différence d’opinion, de choix, bref de vie. Autre cas: j’ai beau ne pas être un exemple en matière d’alimentation éthique, j’ai quand même un minimum de principes (oui bon je sais, toujours l’incohérence mais je bosse dessus 😉 ), sur le foie gras par exemple. Depuis quelques années je refuse d’en manger, la famille l’accepte, on ne me demande plus si je veux en manger et pourquoi pas. Et si c’est le cas, c’est « j’en mange pas » ou « j’aime pas ça », même si au goût en réalité je n’ai aucun souci avec le plat. Mais hélas commencer à donner ne serait-ce qu’un once d’explication sur les raisons éthiques du geste c’est ne plus s’en sortir et je refuse de débattre, surtout si en face les gens ne sont pas ouverts, car j’estime que mon énergie est précieuse et les gens sont suffisamment grands pour faire des démarches eux-mêmes et décider ensuite en connaissance de cause.
J’espère sincèrement que tu vas reprendre du poil de la bête et dépasser un peu ce besoin, créé par les autres, de donner des explications. C’est TON choix et tu n’as aucune obligation de fournir ces explications, sauf si tu veux sensibiliser les gens mais ça c’est une tout autre chose. Et je terminerai en disant que, bien qu’on n’ait pas la même approche alimentaire (ou autre) ça ne veut pas dire que tu es seule… On a tous-toutes nos luttes pour parvenir à notre idéal écologique ou éthique et on apprend à gérer petit à petit avec parfois la même tristesse et la même frustration. Mais il n’y pas de raison qu’on ne parvienne pas à trouver le bon équilibre entre nos choix et les opinions des autres. 😉
Belle journée et à+
Comme toi, je n’ai pas envie de participer à des échanges qui tournent au débat, d’où ma réticence à vouloir donner des explications. Soit on est réellement respectueux des choix de l’autre et on cherche simplement à les comprendre, soit on est mal à l’aise vis à vis des choix des autres alors on cherche la petite bête… Je trouve ça admirable que tu arrives à passer outre ce ‘besoin’ de donner des explications. Je vais essayer de travailler dessus. Quand je dis que je me sens seule c’est que dans mon entourage personne ne s’intéresse autant à toutes ces questions-là ou alors ne sait absolument pas de quoi je parle donc dans ces cas-là il est difficile d’avoir un simple dialogue. Merci à toi pour ta réponse et tes encouragements 🙂
L214, la crème en matière de protection des animaux en France selon moi. J’admire leur combat! Merci pour cet article, c’est chouette d’en savoir plus sur cette asso et notamment j’ai beaucoup aimé la réponse à ta question sur la priorisation des malheurs dans le monde. Cela me fait des arguments en plus!
Une autre asso moins connue mais que je soutiens, c’est Kalaweit. Un français expatrié à Bornéo en Indonésie qui lutte contre le trafic illégal d’espèces et la déforestation. Son animal fétiche c’est le Gibbon, mais tu dois sans doute déjà connaître!
J’ai découvert Kalaweit grâce à Emilie du blog Nous sommes tous des graines. Elle en parle dans l’interview que je lui avais consacrée ici. J’avoue que je ne connaissais pas avant qu’elle ne m’en parle : mais il faut dire que je ne m’intéressais pas de près à la cause animale jusque-là… d’où cet éco-défi 😉
Oui j’avais vu l’article d’Emilie 🙂 C’est vraiment chouette ce qu’il fait!