Lorsque j’ai commencé à m’intéresser à l’écologie du quotidien, je me suis assez rapidement sentie frustrée de constater qu’il y avait un assez grand décalage entre mon empreinte écologique personnelle et celle de mon lieu de travail. S’il peut être satisfaisant d’aligner ses choix du quotidien avec ses valeurs dans sa vie personnelle, il peut être terriblement contrariant de passer ses journées au sein d’un établissement dont le fonctionnement et le développement ne prennent (presque) aucun critère éthique ou écologique en compte.
Fort de ce constat, Anthony Gachet a décidé de se lancer dans la rédaction d’un guide destiné aux personnes soucieuses de verdir et d’humaniser leur lieu de travail : Être écolo au boulot. À travers cet ouvrage de 128 pages, Anthony nous propose des outils pratiques et des idées d’actions concrètes afin de mettre l’humain et la préservation de l’environnement au cœur du milieu professionnel, ou tout du moins de leur y faire une (plus grande) place. Dans la première partie, Anthony nous explique d’abord l’intérêt de s’inspirer de la permaculture pour créer un environnement de travail agréable et « productif » tout en favorisant l’épanouissement de chacun·e. Dans la seconde partie, il nous livre des solutions concrètes pour mettre l’humain·e et l’environnement au cœur des pratiques de l’entreprise.
Ayant moi-même proposé un éco-défi autour de cette thématique dans mon livre 21 éco-défis pour prendre soin de soi et de la planète, je ne manquais déjà pas d’idées pour aller en ce sens sur mon lieu de travail. Pourtant, cette lecture s’est révélée extrêmement enrichissante en me donnant autant de solutions que d’élan pour poursuivre mes engagements dans le milieu professionnel. En effet, au-delà d’actions écologiques concrètes, Anthony nous permet de réfléchir au rôle de la communication non-violente, du temps, de la solidarité ou encore de la sobriété au sein d’une entreprise. Ainsi, il nous invite à re-considérer celle-ci comme un écosystème à part entière dont la durabilité et l’équilibre dépendent de notre capacité à appliquer les 12 principes clés (conceptualisés par David Holmgren) à prendre en compte dans une démarche permaculturelle. La dizaine de témoignages de salarié·es travaillant dans des contextes très variés sont également très intéressants : ils montrent que quels que soient notre statut et notre contexte professionnels, différentes possibilités peuvent s’offrir à nous pour verdir l’entreprise pour laquelle nous travaillons.
Je vous recommande donc vivement ce petit guide pratique aussi engagé qu’informatif si…
… vous avez envie de semer des graines vertes bien au-delà de votre foyer.
… vous travaillez dans un contexte dont les pratiques manquent d’humanité, d’éthique et d’engagements écologiques.
… vous rêvez de travailler dans un lieu où le bien-être de chacun·e et la préservation de l’environnement font partie des piliers de votre entreprise.
… vous avez envie d’initier des changements durables mais que vous ne savez pas par où commencer.
… vous manquez d’informations d’ordre légal et pratique pour vous lancer.
… vous ne vous sentez pas suffisamment légitime, soutenu·e, disponible, informé·e, etc. pour instaurer des changements là où vous travaillez.
Enfin, pour en savoir plus sur cet ouvrage d’utilité publique et son auteur, je vous propose de découvrir les réponses à mes questions auxquelles Anthony a pris le temps de répondre en détail.
En quoi ton intérêt pour l’écologie a-t-il influencé ta manière de vivre ?
Depuis mon adolescence, les prises de conscience successives liées à l’écologie ont totalement changé mon quotidien. Je suis quelqu’un qui a globalement besoin d’une grande cohérence. Et la meilleure manière de l’atteindre, à mon sens, c’est de modifier peu à peu sa façon de vivre pour mettre en accord son comportement avec sa façon de penser. C’est ainsi que je suis devenu, en quelques années, végétarien puis végane (avec encore quelques exceptions « sociales » au niveau de la nourriture) car la souffrance et l’exploitation animale me préoccupent et je ne supportais plus de participer par mon alimentation à un système qui asservit les animaux non humains. Face aux montagnes et océans de détritus qui ne cessent de grossir, j’ai cheminé vers un mode de vie zéro déchet. L’écologie a donc profondément changé ma vie, jusqu’à d’ailleurs ne plus pouvoir travailler pour une entreprise qui contribue à un système économique que j’évite au maximum dans ma vie privée. C’est ainsi qu’il y a 3 ans, j’ai démissionné d’une enseigne de grande distribution pour travailler dans une entreprise plus vertueuse.
Comment t’est venue l’idée d’écrire ce livre et qu’espères-tu transmettre à ses lecteur·rices ?
L’idée d’écrire ce livre est venue d’une de mes collègues avec qui je partage mes aspirations à un changement profond en entreprise vers plus d’écologie, de bienveillance et d’engagement. Un midi elle m’a fait part d’une de ses idées : que j’écrive un livre plein de conseils pour être plus écolo au boulot car je suis la personne la plus engagée qu’elle connaisse à ce niveau. J’ai d’abord pris cette idée comme une blague puis elle a fait son chemin. En effet, ces dernières années j’ai passé beaucoup de temps à essayer de développer un esprit plus écolo dans les entreprises pour lesquelles j’ai travaillé. J’ai ainsi fait l’expérience de nombreuses situations, sentiments et solutions pratiques. Comme il n’y a aujourd’hui quasiment aucune publication qui traite de l’écologie en entreprise, en dehors du l’aspect très technique de la gestion d’entreprise, je me suis dit que mon retour d’expérience, accompagné de plusieurs autres témoignages, pourrait peut-être servir de point de départ au désir de changement des lecteur·rices dans leur quotidien professionnel.
Comment t’es-tu intéressé à la permaculture et en quoi les principes permacoles sont-ils applicables au sein d’une entreprise ?
Comme beaucoup de monde, je suis venu à la permaculture par le jardin et l’agriculture. Mais n’ayant pas de jardin à ma disposition, je me suis intéressé à la partie plus philosophique du mouvement, notamment à travers la lecture du livre Permaculture de David Holmgren. Car la permaculture, d’abord centrée sur la culture agricole, s’est peu à peu élargie à une forme de culture systémique qui peut permettre de repenser les organisations, notamment en entreprise. N’étant pas un spécialiste de la permaculture, ce qui m’a intéressé c’est à quel point les principes clés de la permaculture peuvent facilement servir de base de réflexion pour modifier son approche de l’entreprise et la rendre plus respectueuse de l’environnement.
Car finalement être écolo en entreprise ce n’est pas seulement une succession d’habitudes à modifier, c’est plus globalement un nouvel état d’esprit à insuffler. En cela certains principes de la permaculture, comme par exemple l’autorégulation ou l’utilisation de solutions lentes et à petite échelle peuvent transformer la manière d’aborder son quotidien professionnel.
Quels changements tes collègues et toi-même avez-vous réussi à initier et à instaurer dans ton lieu de travail actuel ? Quels sont les prochains changements que tu espères mettre en place ?
Dans l’entreprise où je travaille actuellement nous avons beaucoup axé nos efforts sur le zéro déchet. Nous avons remplacé la machine à café à dosette par une machine qui moud les grains de café. Nous avons acheté des tupperwares pour les repas pris à emporter dans les restaurants à proximité et des savons solides plutôt que liquides pour limiter les emballages. Au niveau des fournitures de bureau, nous privilégions le rechargeable et le durable et le papier recyclé et les encres végétales pour nos supports de communication. Nous essayons également le plus possible d’adopter une attitude plus minimaliste et davantage axée sur le système D et la récup’ plutôt que l’achat systématique. Comme le changement passe aussi par la pratique et le collectif nous essayons régulièrement de faire des petits ateliers écolo. Nous avons ainsi récemment fabriqué des tawashis tous·tes ensemble autour d’une soupe maison préparée par une collègue.
Nous en sommes au stade où nous réfléchissons à des changements plus systémiques. Par exemple, j’aimerais que la culture de la seconde-main s’impose lorsque nous devons acheter du matériel (informatique, ameublement, etc.) mais c’est encore assez mal perçu en entreprise. De même, je rêve d’une entreprise où l’on produise moins mais mieux, c’est à dire se concentrer uniquement sur des projets utiles, qui ont du sens, un impact environnemental le plus faible possible mais qui créeront suffisamment de valeur pour pérenniser l’entreprise et maintenir les emplois.
Quelles sont, d’après ton expérience et les témoignages que tu as inclus dans ton livre, les barrières principales auxquelles un·e employé·e peut faire face pour instaurer des changements écologiques et durables sur son lieu de travail ?
Ce que j’ai pu constater, que ce soit dans les entreprises dans lesquelles j’ai travaillé ou bien à travers tous les témoignages que j’ai pu recueillir, c’est que la hiérarchie, notamment lorsqu’elle est très pyramidale, est souvent un frein. C’est particulièrement vrai dans les grandes entreprises où l’on peut être très éloigné·e des instances de décision. C’est pourquoi il faut essayer de faire entendre sa voix en partageant le plus possible avec ses supérieur·es des informations d’ordre écologique ou des exemples d’entreprises engagées et vertueuses qui ont du succès. Ainsi vous véhiculerez une pensée, une vision du monde différente de celle qui domine le plus souvent en entreprise. Il est aussi possible d’essaimer en reprenant une certaine forme d’autonomie, notamment en agissant à petite échelle. En effet, il est souvent plus facile de changer les habitudes de son groupe de travail, de son service, que de faire bouger directement toute l’entreprise. Si ce que vous mettez en place avec vos collègues proches fonctionne, cela attirera peut-être l’attention des autres services, voire de la direction qui pourra s’en inspirer.
Un autre frein qui revient fréquemment est le temps. L’entreprise, comme l’ensemble de la société d’ailleurs, connaît une forte contraction du temps. Tout s’accélère et le nombre de choses à faire dans une journée augmente fortement. Dans ces conditions-là, difficile de prendre du recul pour tout simplement réfléchir à son quotidien professionnel et le changer. Cela rend également compliqué l’organisation de temps collectifs qui sont les piliers du changement comme des conférences, des ateliers pratiques ou bien tout simplement des moments d’échanges informels entre collègues qui permettent de véhiculer une autre vision du quotidien en entreprise.
Quelles pratiques écologiques te semblent le plus simples à mettre en place, en particulier lorsqu’on travaille dans une entreprise dont l’objectif-même va à l’encontre de la préservation de l’environnement ?
Les pratiques les plus simples à mettre en place sont bien souvent les pratiques individuelles qui ne nécessitent pas l’appui de sa direction. Par exemple venir avec une gourde au travail ou utiliser des tupperwares lavables pour son repas afin de diminuer les déchets. Au niveau numérique on peut envoyer moins de courriels, mieux cibler les destinataires de ceux-ci et réduire la taille des pièces-jointes. On peut également tout simplement être un exemple pour les autres et véhiculer une vision plus écolo du quotidien, notamment pour celles et ceux qui ont déjà beaucoup changé dans leur vie personnelle. En échangeant sur vos sujets de préoccupation environnementaux et en parlant de vos habitudes quotidiennes écologiques (sans essayer de faire la leçon à vos collègues) vous pouvez donner envie aux autres de changer. Évidemment si vous travaillez pour une entreprise dont l’activité nuit à l’environnement tout ce que vous pourrez mettre en place pourra vous sembler fondamentalement inutile mais participer à l’évolution des consciences dans son environnement professionnel n’est jamais vain. Ainsi certaines pratiques s’imposent peu à peu en entreprise comme la suppression des gobelets en plastique à la machine à café. À l’échelle des gaspillages et pollutions générées par les entreprises c’est anecdotique mais on peut néanmoins se réjouir de ce genre d’avancées et faire son maximum pour que certaines pratiques et attitudes plus sobres et écologiques se diffusent plus largement qu’auparavant dans le milieu professionnel.
Très intéressant! Pour nous ce n’est pas facile! Nous avions mis en place le tri papier/carton vs le reste à l’école mais les femmes de ménage n’étaient dotées sur leur chariot que d’une seule poubelle. Donc bien que triés toute la journée les déchets se retrouvaient tous au même endroit au final! Il a fallu aussi un bon moment pour obtenir des nettoyants plus écologiques!
Ça me donne envie de jeter un coup d’oeil à ce livre ! Je travaille pour une petite association dans le domaine de l’agriculture durable, très engagée, donc c’est vrai qu’on fait déjà pas mal de choses, que ce soit au niveau de l’organisation (utilisation systématique de papier recyclé, achat de meubles d’occasion,…) ou avec les collègues (on a un compost, une machine à café à piston, ect.), mais je trouve qu’on pourrai aller encore plus loin, notamment sur la réduction de notre impact numérique : s’envoyer moins de mails par exemple !
Belle semaine à toi.
Bonjour, merci de nous faire découvrir ce livre !
Je m’interroge sur sa cible : est-il uniquement tourné vers le fonctionnement d’une entreprise privée, ou peut-on également y trouver des pistes si l’on travaille dans le public ? Il y a en effet certaines spécificités à ce secteur, par exemple l’application des règles des marchés publics pour les achats (fournitures, mobiliers) ou les prestations (ménage par exemple), qui empêchent de se tourner vers la récupération/le réemploi/la réparation, ou rendent parfois difficile l’application de certains messages ou méthodes.
Les processus de décision peuvent également varier : place importante de la hiérarchie, décisions relevant de la sphère politique…
J’ai souvent l’impression que cela rajoute un niveau de difficulté, mais il y a peut-être aussi des avantages ?!
Bonjour !
Je pense que ce livre s’adresse aux personnes travaillant dans tout type de contextes, aussi bien dans le privée que dans le public.
Même si les barrières sont différentes et peut-être plus nombreuses, Anthony propose différentes solutions pour en surmonter certaines.
Sujet très intéressant en effet. Je travaille pour une grande entreprise industrielle et le frein principal sont souvent et simplement les coûts. La plupart des gens pense que les produits écologiques sont plus chers (que cela soit justifié ou pas…) La « responsabilité sociale » me semble être encore plus un gag marketing qu’un vrai engagement.
Cependant, je suis d’accord avec la démarche de ce livre. C’est en faisant des changements à son échelle et en « montrant l’exemple » qu’on peut faire changer les choses et les mentalités.
Amicalement
Valérie
De mon côté, c’est assez facile car je suis seule dans les bureaux la plupart du temps ! J’amène mon repas, j’ai une serviette et un torchon pour ma vaisselle (j’avoue que j’ai utilisé pendant des années l’essuie-tout des WC du boulot), finalement il ne me reste plus qu’à remplacer ce fameux essuie-tout par une serviette perso pour les (nombreux) jours où je suis seule 😉
Bonjour Natasha,
Ce livre a l’air très intéressant, merci ! Il y a toujours des choses à améliorer, surtout vu le temps qu’on passe au travail.
Bonjour Natasha, merci pour le retour de ce livre. Perso, j’ai de la chance, dans l’entreprise où je suis la majorité de mes collègues et mon boss sont sensibles à l’écologie (c’est peut-être pour ça que je suis encore dans cette boîte 😉 !). Du coup, il est facile de faire passer les messages. Nous avons abandonné la fontaine à eau avec ses gobelets en plastique. Le papier est recyclé. Ce que j’aimerai maintenant, c’est mettre en place un composteur dans la zone où nous travaillons. Pour l’instant, nous récupérons les déchets végétaux pour les mettre dans nos composteurs personnels. Là, où ça pêche encore, c’est pour éteindre les écrans le soir, mais ça devient bon ! Pour le matériel informatique, là, cependant, ça va coincer de prendre de la récup. car, dans nos métiers, il nous faut des ordinateurs performants. Bref, c’est encore une réflexion intéressante car si on parle beaucoup des gestes individuels, on voit que les entreprises sont énormément génératrices de pollution. Cela s’est vu pendant le confinement en France, malgré le fait que les gens étaient chez eux à travailler, la consommation d’électricité a baissé…
Hello,
Merci pour ce bel article.
Personnellement l’écologie a changé ma manière de percevoir le monde qui m’entoure et mes propres habitudes.
Je me suis rendu compte de mon gaspillage et mon utilisation de plastique.
J’ai donc décider de réduire tout ce qui est aliment tout fait et j’ai opté pour des gourdes isothermes en inox comme celles-ci.
Cela a amélioré ma santé et mes poubelles ne sont plus remplis de bouteilles plastiques.
Voilà ma petite expérience
Bisous et belle journée