Happy New Green est l’une de mes plus belles découvertes de la blogsphère en 2015. Pour moi qui m’intéresse de près aux problèmes éthiques, écologique et sanitaires liés à l’industrie textile et qui me pose encore beaucoup de questions, le blog de Manon est une jolie source d’information que j’observe avec intérêt se développer au fil des mois. Elle y partage ses bonnes adresses shopping, ses conseils pour le choix des matières textiles et ses astuces pour une garde-robe à la fois responsable et économique. J’aime particulièrement ses articles dans lesquels elle se concentre sur les problèmes liés à la fabrication d’un article en particulier, comme les jeans ou la lingerie, et présente différentes marques proposant des alternatives plus éthiques et écologiques.
Alors que l’on s’intéresse de plus en plus à l’impact de notre alimentation sur la planète, je trouve que l’on parle encore trop peu des conséquences de l’industrie textile sur l’environnement, les humains et les animaux. Cette industrie fait pourtant partie des plus polluantes à travers le monde ! La petite quinzaine d’articles que j’ai consacré à ce sujet (voir la catégorie Garde-robe) me semble ridicule par rapport à l’ampleur du problème et à la pléthore d’alternatives qui existent. Je suis donc ravie que Manon ait choisi de consacrer son blog à ce sujet et aussi qu’elle ait accepté de partager son expérience et ses conseils avec nous…
Quand et comment as-tu commencé à t’intéresser à la mode responsable ?
Comme pour beaucoup de gens, l’effondrement du Rana Plaza en 2013 a été un électrochoc. J’ai toujours acheté beaucoup de vêtements, sans me rendre compte du problème… Mais au-delà des conditions de fabrication, j’ai pris conscience que je ne portais qu’une petite partie de ma garde-robe. J’ai alors commencé à réfléchir à chacun de mes achats, à regarder les étiquettes, à économiser pour m’acheter un beau pull en laine plutôt que cinq pulls en acrylique de chez Zara… J’ai aussi lu un livre qui m’a beaucoup inspirée, Vers une consommation heureuse, d’Élisabeth Laville. Cet ouvrage montre bien que la surconsommation de biens matériels ne mène pas au bonheur, au contraire, et que cette course effrénée a des conséquences dramatiques.
En quoi ta garde-robe a-t-elle changé depuis que tu t’intéresses à l’impact écologique et aux implications éthiques de l’industrie textile ?
J’ai encore de nombreux vêtements “non éthiques” dans mon placard. Je les garde car ils sont de bonne qualité et que je les mets régulièrement. Ce qui a changé depuis cette prise de conscience, c’est que petit à petit, au fil des mois, j’ai appris à consommer moins, mais mieux. Je n’achète quasiment que des pièces qui répondent à des critères sociaux et/ou environnementaux. Attention, je ne suis pas un modèle : je ne suis pas à l’abri de faire un écart quand je ne trouve vraiment pas ce dont j’ai besoin, quand ça dépasse mon budget ou (c’est quand même rare) quand j’ai un coup de coeur intersidéral. Parfois, on fait comme on peut, et il ne faut pas culpabiliser pour autant. Mais j’essaie vraiment de respecter ces critères. Depuis, je remarque que je prends vraiment en compte mes besoins. Je me dirige vers les marques éthiques mais j’essaie aussi d’acheter vintage ou de seconde-main. La frustration du début a presque disparu (la fille pas accro du tout !). Je pense qu’on a toutes ressenti ça un jour : l’excitation de s’acheter un habit, l’impression que c’était celui qu’il nous manquait. C’est tout juste si on ne pense pas qu’il va changer notre vie ! Sauf que cette joie est souvent passagère, car elle est remplacée par un autre désir. Et tout ce processus recommence inlassablement… Je retrouve ce plaisir en achetant une belle pièce. Sauf que ça dure dans le temps : on va bien la choisir, elle va bien nous aller, on va la mettre souvent, on va s’y attacher…
Il y a tellement de critères à prendre en compte lorsqu’on veut acheter une pièce textile 100% éthique et écologique que cela peut sembler impossible ! Personnellement, j’ai trouvé un compromis en suivant GREEM 21, mon petit guide pour s’habiller responsable. Et toi, y a-t-il des critères auxquels tu donnes priorité et d’autres pour lesquels il t’arrive de faire des concessions ?
Ton guide résume parfaitement les différents choix auxquels on est confronté quand on veut se créer une garde-robe responsable. Le critère numéro un selon moi, ce sont les conditions de fabrication, ce que tu appelles l’impact social. Ce qui vient tout de suite après c’est l’impact écologique. Je choisis aussi des vêtements utiles, qui me vont et que je peux mettre avec ce que j’ai déjà. Du coup je fais souvent le choix des basiques : un pull en laine, un jean brut, des débardeurs en lin unis… J’ai tendance à être un peu moins exigeante sur la facilité d’entretien et le choix des matières (difficile de se passer complètement de coton…).
Pour moi, le plus gros casse-tête est celui des chaussures : entre une paire de chaussures en cuir dont la production aura causé d’abominables souffrances en plus de polluer mais qui gardera nos pieds au chaud et au sec des années durant, et une paire en matières synthétiques polluantes et non biodégradables qui durera moins longtemps, la solution éthique et écologique idéale ne semble pas exister ! Comment fais-tu face à cette question complexe ?
Ah ce dilemme : les chaussures en vrai ou faux cuir, je pense que c’est le sujet le plus prise de tête… Comme tu le dis, il y a de gros points faibles des deux côtés. Le mieux serait bien sûr une marque vegan qui ne pollue pas. Mais il semble que ça n’existe pas encore. Par exemple, la marque de sacs vegan Matt & Nat va lancer sa ligne de chaussures en matériaux recyclés en février. Elle essaie de privilégier le polyuréthane sur le PVC autant que possible car c’est moins polluant. Mais on voit bien que ce n’est pas une réponse idéale. En attendant que l’offre et la technologie évoluent, j’ai tendance à privilégier les conditions de fabrication en achetant des chaussures le plus souvent conçues en France, en Italie ou au Portugal. Je ne l’ai pas encore fait mais je pourrais tout autant investir dans des chaussures véganes de chez Good Guys Don’t Wear Leather, marque française qui fait produire au Portugal.
Enfin, quelles sont tes plus belles découvertes de l’année 2015 en terme de mode responsable ?
Oulala, il y en a eu tellement ! Si je dois en choisir quelques unes je dirais Naked and Famous, des jeans fabriqués au Canada avec du denim japonais. J’en ai un et c’est le jean slim le plus confortable du monde, parfaitement coupé et tout doux à l’intérieur ! J’ai aussi eu un énorme coup de coeur pour les coupes et les couleurs d’ISAE, marque made in France. Côté accessoires, j’aime énormément les créations de Lama Demoiselle, les headbands de Tot Paris et les bijoux de Louise Damas, le tout made in Paris. J’ai eu la chance d’aller au salon du prêt-à-porter Who’s Next il y a quelques jours et j’ai eu un coup de coeur pour la marque belge Aymara : des pulls en coton pima, baby alpaga ou laine merinos, fabriqués au Pérou dans une entreprise familiale.
Merci pour cet article ! Ayant fait un énorme tri dans mes vêtements avant de partir en Afrique du Sud avec comme challenge personnel de ne pas en acheter pendant toute la durée de l’expatriation, je commence justement à me renseigner car le retour en France est prévu pour bientôt et que je vais devoir m’équiper un peu ayant atteint les limites de la non-consommation… alors m’habiller oui, mais en suivant des critères éthiques et écologiques qui sont à mes yeux fondamentaux. Je vois donc qu’il y a plein de pistes à suivre qui vont bien m’aider dans ma quête d’une consommation raisonnée et responsable. A bientôt !
J’espère vraiment que le blog pourra t’aider dans ta démarche, merci pour ton message !
Bel interview je vais de ce pas jeter un oeil à son blog, merci pour la découverte 🙂
merci pour cette découverte.
Pour le moment j’avoue être un peu à la ramasse. Je me suis mise à la couture récemment mais je n’ai pas encore suffisamment cousu pour me faire ma garde-robe. J’ai acheté du tout fait récemment et j’ai essayé de privilégier la qualité et les conditions. Mon rêve est d’investir plus dans les tissus bios Français (car oui cela existe 😉 ) et de me coudre vraiment mes propres affaires en en achetant que très rarement et en privilégiant la proximité et les conditions de travail (par exemple il existe une marque de jeans français tissés et cousus en France, par contre je ne sais plus trop si c’est du bio…), sinon ça sera en occasion (Net, brocante etc….)
Je ne te trouve pas « à la ramasse » comme tu dis, au contraire : tu commences à coudre et tu fais attention aux conditions de fabrication de ce que tu achètes, ça me paraît un bon début ! Concernant la marque de jeans, tu parles peut-être de 1083 ? Leurs jeans sont en coton bio 🙂
Merci à toi pour cette belle découverte ! Je vais me plonger un peu plus dans le sujet…
Merci pour cette belle découverte. C’est un sujet qui m’intéresse particulièrement. L’effondrement du Rana Plaza a été également un choc pour, j’ai pris conscience de ma responsabilité dans tout cela en tant que consommatrice. Je n’ai plus acheté aucun vêtement neuf depuis. En priorité j’upcycle mes propres vêtements ou même les vieux vêtements de travail de mon cher et tendre pour m’en créer de nouveaux. J’ai découvert une petite boutique de vêtements d’occasion dans mon centre ville que j’adore. Dernièrement je me suis lancée dans la fabrication de lingerie à partir là aussi de ce que j’avais dans mes placards et je pense d’ailleurs que je ne puis pas prête d’en racheter d’aussi tôt. Dans ma garde robe une grande partie de mes vêtements sont multi saisons.
Bises. Laurie
Merci pour ton message Laurie ! J’avoue que je suis très admirative du fait que tu n’aies plus acheté aucun vêtement neuf depuis la catastrophe du Rana Plaza, et que tu aies une démarche aussi aboutie.
Coucou Natasha! Merci de nous faire découvrir blog et bloggeuse. J’ai déjà effectué un tri dans ma garde-robe il y a plusieurs semaines (don, vente) et ça permet réellement d’y voir plus clair et de sortir des pièces qu’on ne porte pour ainsi dire jamais car elles disparaissent sous les autres. Cette année je sors donc tout et je referai un tri dans ce qui est mettable, combinable, etc. J’espère ne pas avoir à remplacer de pièce. J’ai fait le choix pour mes prochaines acquisitions (sauf en sport car actuellement c’est un secteur horriblement compliqué niveau éthique et environnement et je ne peux pas faire l’impasse sur certains équipements) de rester sur des textiles naturels, le plus possible, qu’ils proviennent de végétal ou d’animal. A ce propos, il faut vraiment que les marques de chaussures revoient l’expression « cuir végétal » qui sert très souvent à masquer qu’il s’agit bien de peau animale et dont seul le traitement de ce cuir est à partir de sources végétales (par opposition aux traitements minéraux). Ça induit énormément de clients en erreur: c’est du cuir ou ça n’en est pas, c’est un tannage végétal ou c’est un tannage minéral, mais « cuir végétal » c’est un abus de langage 😉
Je note aussi autre chose, c’est qu’on reste dans le domaine de la « mode » donc l’existence de tendances. Qui dit tendance dit normes, lassitudes, variations, créations d’envies et donc toujours l’apport de nouveautés alors qu’on est pourtant dans un marché déjà saturé d’objets (de piètre qualité pour la majorité certes mais pourtant bien là). On reste malgré tout dans un commerce qui incite à l’achat, à la consommation. Il me semble que si on réglait déjà la question de l’abondance en parallèle avec celle d’une qualité abordable à la majorité ce serait le premier pas pour réduire et souffrance animale (j’inclus les êtres humains dedans puisque nous sommes après tout des primates) et problèmes environnementaux…
Belle journée à toi. 🙂
Merci pour ton commentaire, plein de bon sens, comme toujours 🙂 Tu soulèves des points très importants je trouve. Je n’avais jamais prêté attention à l’appellation cuir végétal mais je vois tout à fait ce que tu veux dire… Quand au mot « mode », je te rejoins à 100% ! Si j’ai utilisé ce mot dans le titre c’est que Manon elle-même décrit Happy New Green comme étant un « Fashion and Lifestyle Conscious Blog », d’où ce choix. Pour moi aussi, ces mots « fashion » et « mode » sont synonymes de consommation et de tout ce qui va avec, dont les inégalités sociales… Je suppose néanmoins que beaucoup de personnes qui parlent de mode veulent en fait tout simplement parler de garde-robe sans forcément vouloir parler de tendances. Belle journée à toi également 🙂
Merci pour ton commentaire ! J’approuve totalement ce que tu dis concernant l’expression « cuir végétal », la plupart du temps il ne désigne que le tannage… C’est trompeur, certaines marques en jouent, bref, ça m’énerve !
Au sujet du mot « mode », je comprends tout à fait ta remarque. Dans mon cas, comme l’a bien compris Natasha, je l’ai utilisé non pas pour parler de tendances mais de garde-robe en général. Mais j’ai conscience que certains produits que je mets en valeur sur le blog suivent des tendances, qui ne seront plus les mêmes l’année prochaine. Personnellement, je ne vais jamais acheter quelque chose juste parce que c’est à la mode et ne pas le reporter l’année prochaine parce que c’est fini. J’ai même plutôt tendance à me focaliser sur les basiques. Mais nos choix sont peut-être parfois influencés par la « Mode », inconsciemment ou pas. Quant à l’incitation à la consommation, je t’avoue que c’est une question à laquelle je réfléchis beaucoup, parce que je présente beaucoup de marques, de produits sur le blog. L’idée c’est de se créer une garde-robe intemporelle, mais de pouvoir aussi craquer sur un truc à la mode (tant que c’est éthique, bien sûr 😉 ) Chacun doit trouver son équilibre, je pense.
A ce propos il y a cet article très intéressant ici https://mrmondialisation.org/voici-dou-provient-vraiment-notre-empreinte-carbone/
Quelle belle découverte! Je vais courir voir ton blog tout de suite! Le sujet du textile éthique est très compliqué et c’est vrai qu’on s’en retrouve souvent frustré. Même si je ne suis pas hyper portée mode, je me retrouve souvent bloquée dès que j’ai besoin d’un vêtement. Merci pour toutes ces infos 🙂