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4 ans sans soutien-gorge – mon expérience

Pour info, cet article n’est pas un manifeste anti-soutien-gorge, ni une critique des personnes qui portent des soutiens-gorge, ni de celles qui aiment cela, ni un bilan des problèmes liés au port du soutien-gorge, ni une liste des avantages de la vie sans soutien-gorge. Il s’agit simplement d’un témoignage personnel sur mon expérience, mon ressenti et mes choix, auquel j’ai ajouté les critiques et préjugés au sujet du no bra que j’ai pu lire ailleurs ainsi que ceux dont certain·e·s lecteur·rice·s m’ont fait part. Je vous remercie donc de ne pas déformer mes propos !

Jusqu’à il y a environ 4 ans, j’enfilais systématiquement un soutien-gorge avant de sortir de chez moi. J’avais compris, assez jeune, que je vivais dans une société où dès lors que deux collines commençaient à se dessiner sur notre poitrine, il était préférable de porter un soutien-gorge. J’ignorais toutefois l’intérêt de ce dernier et je le revêtais aussi machinalement que je me chaussais avant de mettre les pieds dehors. C’était un réflexe, une adhérence inconsciente à un code vestimentaire socioculturel sur lequel je ne m’étais jamais posé de question. J’avais néanmoins toujours éprouvé un réel soulagement à l’enlever une fois rentrée à la maison et je n’en mettais pas les jours où je ne comptais pas sortir. Là encore, il s’agissait d’un simple réflexe, une réponse à un malaise à la fois physique, voire moral, sous-jacent : je ne me souviens même pas m’être dit que les soutiens-gorge étaient inconfortables, comprimants ou encore oppressants, tant j’avais internalisé le fait qu’à partir du moment où l’on avait des seins, il était nécessaire d’en porter. Je ne pouvais donc pas reconnaître, en toute conscience, que je me pliais à une injonction sociale allant à l’encontre de mes préférences personnelles.

Mon rapport à la lingerie

La seule chose qui m’avait consciemment gênée jusque-là, c’est l’importance donnée au port de « jolis » sous-vêtements dans notre société ; cela m’avait toujours paru saugrenu de dépenser plusieurs dizaines d’euros pour une si petite pièce textile qui passait le plus clair de la journée cachée sous un autre vêtement (je comprends cependant que certaines personnes puissent éprouver un réel plaisir à investir dans de la très belle lingerie et à en porter ; veuillez donc noter qu’il s’agit là de préférences personnelles et non d’une critique de goût !).

En outre, je n’aimais pas l’importance donnée – dans les publicités et les boutiques spécialisées notamment – à la lingerie de manière générale et à certains types de modèles en particulier pour se sentir et paraître soi-disant séduisante ou encore sexy. La sexualisation de la poitrine dans notre société et la façon dont l’industrie de la lingerie renforce l’objectification de nos seins a commencé à me gêner assez tôt et a sans nul doute contribué à mon désintérêt total pour l’esthétique des sous-vêtements.

Pour moi, ces derniers étaient avant tout des objets pratiques, conçu pour “protéger” mon 80 C et cacher mes parties intimes. Je les ai toujours choisis selon les mêmes critères plutôt sobres : noirs (voire blancs), unis, lisses, discrets, sans perles ni dentelles, confortables et aussi peu onéreux que possible. Il m’est tout de même arrivé de succomber à la pression des publicités, de culpabiliser de ne pas faire l’effort de porter de “jolis” sous-vêtements pour mon compagnon et de finir par investir dans un ou deux ensembles aux matières et aux détails plus recherchés, précieux et valorisants. Je me suis alors retrouvée avec des sous-vêtements qui ne me ressemblaient pas, dans lesquels je ne me sentais absolument pas à l’aise et pour lesquels j’ai toujours regretté d’avoir dépensé tous ces euros.

Le jour où j’ai arrêté de porter un soutien-gorge

J’ai donc, de manière générale, toujours eu un rapport assez détaché aux sous-vêtements mais je ne m’étais malgré tout jamais posé la question de leur utilité, jusqu’à l’été 2014. À ce moment-là, J. et moi venions de quitter l’île de Vancouver pour emménager à Freiburg et je me suis alors retrouvée propulsée dans un nouveau pays dont je ne parlais pas la langue, sans emploi ni loisirs ni ami·e·s proches presque du jour au lendemain. De ce fait, pendant que J. était au travail, je passais le plus clair de mes journées à la maison et je ne portais donc quasiment plus de soutien-gorge.

Au bout de quelques semaines, réalisant que je n’en portais plus que très rarement, je me suis pour la première fois demandé quel était le véritable intérêt de cet objet. Après quelques recherches, j’ai pris conscience qu’aucune donnée n’existait sur la nécessité d’en porter un d’un point de vue physiologique (au contraire, il paraît que le port du soutien-gorge pourrait nous faire plus de mal que de bien mais je n’ai pas creusé le sujet car personnellement, à partir du moment où le non-port du soutien-gorge ne cause aucun tort à ma santé, le reste m’importe guère !). C’est ainsi que j’ai, petit à petit, délaissé mes soutiens-gorge et décidé de sortir sans aussi souvent que possible.

Le jour où j’ai acheté une brassière

Au début, j’étais gênée par le fait que l’on pouvait voir la forme de mes mamelons à travers certains vêtements, ce qui était le cas de la plupart de mes hauts et robes d’été. Je me suis alors rappelée que plusieurs années auparavant, j’avais acheté des cache-tétons adhésifs en silicone que je portais sous les hauts/robes que j’avais jugés incompatibles avec le port d’un soutien-gorge (dos nu, hauts sans bretelles, etc.). Cette idée de ne pas laisser apparaître la forme des mamelons était donc bien ancrée en moi depuis longtemps, mais lorsque j’ai ressorti ces autocollants, cela m’a complètement dégoûtée. Il faut dire que mon rapport à mon corps avait beaucoup évolué depuis et je trouvais donc l’idée de mettre des autocollants sur mes mamelons aussi ridicule qu’agressive. Encore une fois, il s’agit là d’un ressenti personnel ; je conçois tout à fait que d’autres puissent utiliser ce genre d’objet sans peine. Nous avons tou·te·s un rapport très différent à notre corps.

M’étant complètement déshabituée au port du soutien-gorge je reconnaissais désormais que je trouvais cela assez inconfortable et ne souhaitais donc plus en porter, même occasionnellement. Restait toutefois ma gêne vis-à-vis de la visibilité de la forme de mes mamelons – puisque c’est finalement de ça et de ça uniquement qu’il s’agit, et non du fait qu’on voit mes mamelons. Deviner la forme d’une partie du corps, ce n’est pour moi pas la même chose que de la voir. Ne souhaitant donc porter ni cache-tétons ni soutien-gorge j’ai décidé d’acheter une brassière toute simple qui ne compresse ni ne rehausse les seins et je l’ai pendant un moment portée sous les vêtements laissant apparaître la forme de mes mamelons.

Le jour où j’ai fait la paix avec mes mamelons

Et puis en discutant avec J., j’ai réalisé que la forme de mes mamelons n’était pas plus taboue que la forme de mes genoux et que je n’avais pas vraiment de raison sensée de vouloir les cacher. Si la visibilité de la forme des mamelons était socialement si problématique que cela, pourquoi se fichait-on de ceux du sexe opposé, visibles sous leurs T-shirts et exposés librement dans bien des contextes ? Pourquoi ne cherchions-nous pas à les cacher lorsqu’ils pointaient sous notre maillot de bain ? Pourquoi se balader les seins complètement dénudés ou à moitié exposés sur la plage/à la piscine sans qu’on nous le reproche ? Qu’ils soient sur des personnes du sexe masculin ou féminin, sous un T-shirt ou un maillot de bain, ici ou ailleurs, des mamelons restent des mamelons ! Je sais bien que le contexte joue énormément sur l’acceptation de la(l’) (in)visibilité de certaines parties du corps, mais pour être tout à fait honnête avec moi-même il m’a bien fallu reconnaître que, objectivement parlant, il n’y avait aucune raison pouvant justifier le tabou régnant autour de cette partie saillante d’à peine quelques millimètres et ce quelle que soit la situation (en tout cas celles auxquelles je suis confrontée au quotidien ou occasionnellement).

Dans le fond, cette conversation avec J. a complètement bouleversé mon rapport à la visibilité de la forme de mes mamelons et cela m’a permis de me libérer de ce tabou social. Désormais, je me fiche éperdument que l’on puisse voir la forme de mes mamelons à travers mes vêtements et je ne porte plus de brassière dans le simple but de les cacher. Les rares fois où j’enfile encore ma brassière sont celles où je porte un haut blanc ou transparent car je ne souhaite pas que l’on puisse littéralement voir ma poitrine. 

Mes seins et leurs mouvements

Un autre aspect qui m’a pendant un temps empêchée de me passer complètement de brassière, c’était le fait qu’on puisse parfois voir mes seins bouger lorsque j’étais en mouvement. En fin de compte, ce malaise a lui aussi fini par me quitter – il a simplement fallu que je m’habitue moi-même à ces nouvelles sensations et que je ne les remarque plus pour cesser de me soucier du regard des autres.

Par ailleurs, à l’époque où j’ai arrêté de porter un soutien-gorge, j’allais régulièrement courir et j’ai donc essayé de le faire sans brassière de sport. J’ai toutefois trouvé cela assez inconfortable, voire  un peu douloureux et je me suis donc résolue à porter cette dernière pour ce genre d’activité. Je n’ai pas été courir depuis 2-3 ans mais si je devais m’y remettre, je réessayerais sans brassière car j’ai depuis lu plusieurs témoignages de sportives disant s’être graduellement habituées à faire du sport sans – apparemment, au fil du temps, le corps peut s’adapter et les éventuelles douleurs peuvent disparaître. Cela n’est probablement pas le cas pour tout le monde ni pour tous les sports, mais étant donné que j’avais abandonné le no bra lors de la course à pied au bout d’un essai seulement, je me dis que ça vaut peut-être la peine de réessayer. Cela dit, mon objectif n’étant pas de ne porter aucun soutien pour ma poitrine à tout prix – le confort étant ma priorité -, je n’hésiterais pas à mettre une brassière si besoin (que ce soit pour faire du sport ou pour toute autre circonstance).

Enseigner sans soutien-gorge

Pendant longtemps, il m’a aussi semblé important de faire attention à mon “image” au travail – je suis professeure dans un lycée. En même temps, je me sentais un peu ridicule de m’habiller différemment pour le travail, surtout dans un contexte où l’on prône la richesse et l’acceptation de la différence, quelle qu’elle soit. Je me sentais par ailleurs complètement hypocrite d’enseigner l’anthropologie sociale et culturelle à mes élèves – matière dans laquelle on est sans cesse confronté·e·s à d’autres manières de faire, vivre, penser – et en même temps de chercher à me conformer à des normes socioculturelles allant à l’encontre de mon bien-être et de mes croyances personnelles. Et puis un jour, les élèves ont décidé de célébrer le no bra day (la journée sans soutien-gorge), ce qui a fini par me convaincre de me passer de brassière au travail également.

Ce qu’en dit mon mari ?

J. a mis plusieurs semaines à réaliser que je ne portais plus de soutien-gorge. Lorsqu’il m’a dit, “Ah tiens, tu ne portes pas de soutien-gorge aujourd’hui ?”, je lui ai répondu (très sérieusement) que je célébrais la journée mondiale sans soutien-gorge… Il a trouvé ça plutôt cool et j’ai enchaîné en lui disant qu’en fait cela faisait déjà plusieurs semaines que je célébrais ladite journée ! Ça l’a fait sourire et depuis, ce sont les rares fois où je porte une brassière qu’il semble surpris ! Pour le reste, lui et moi sommes bien d’accord sur une chose : chacun·e de nous est libre de s’habiller comme iel le souhaite, que cela plaise ou non à l’autre. Dans tous les cas, comme vous l’aurez compris suite à la conversation que nous avons eue au sujet de la visibilité des mamelons, J. a un avis très pragmatique sur le sujet. Si ça ne sert à rien et ne fait de mal à personne, rien ni personne ne devrait m’obliger à porter de soutien-gorge.

Esthétiquement et physiquement parlant

Et l’esthétique dans tout ça ? Je dois bien reconnaître que les premières fois où je me suis regardée dans le miroir sans soutien-gorge, j’ai trouvé cela bizarre, pour ne pas dire… moche. J’avais l’impression d’être difforme avec ma poitrine plus plate et plus basse que lorsqu’elle était rehaussée et gonflée par un soutien-gorge. Encore une fois, j’avais tellement internalisé notre conception socioculturelle d’une “belle poitrine” que le tombé naturel de mes seins ne m’avait encore jamais paru comme étant intrinsèquement beau. Comme pour le reste, le temps a fait son travail, j’ai appris à apprivoiser ma poitrine au naturel (comme je l’avais fait quelques années auparavant avec mon visage démaquillé et, dans une certaine mesure, mes poils) et j’ai fini par l’aimer – réellement – ainsi.

Et physiquement alors, comment se portent mes seins après toutes ces années sans soutien-gorge ? Eh bien ils se portent très bien… tout seuls. Ils ne sont pas plus bas, plus flasques, plus mous qu’avant. Certain·e·s adeptes du no bra témoignent du fait que leurs seins se sont raffermis, ont grossi et sont même remontés de quelques millimètres ; c’est peut-être également mon cas, mais je n’en sais absolument rien puisque je n’ai jamais vraiment fait attention ni à la fermeté ni à la hauteur naturelle de mes seins. Quant à leur taille, elle n’a pas bougé : j’ai réessayé l’un de mes anciens soutiens-gorge pour vérifier ! Dans tous les cas, ils n’ont rien perdu. Par contre, moi j’ai gagné en liberté et en cohérence avec moi-même. Et c’est bien là le plus important à mes yeux…

Et le regard des autres ?

Comment faire face au regard des autres ? Voilà une question qui revient souvent… Un regard que je n’ai en 4 ans senti qu’une seule fois (et encore, je ne suis pas certaine que la personne regardait vraiment ma poitrine en se disant “oh la la, elle ne porte pas de soutien-gorge !”). Cela ne veut pas dire que les gens ne remarquent pas que je ma balade sans soutien-gorge ; cela doit sans nul doute arriver, mais personnellement, je ne perçois pas ces regards.

Il faut dire que les gens se regardent dans la rue tout le temps et pour 1001 raisons ! Ma couleur de peau, mon visage, mes cheveux, ma silhouette, mon style vestimentaire, etc., sont autant de raisons pour lesquelles il arrive probablement que les gens posent leur regard sur moi… J’ignore alors ce qui leur traverse l’esprit, mais que leurs pensées soient négatives ou pas, je me fiche totalement de ce qu’ils pensent. À partir du moment où je suis à l’aise avec mon reflet dans le miroir, mes sensations physiques ainsi que mes émotions, je ne cherche ni l’approbation ni l’avis des autres et je ne prête donc pas attention au regard d’autrui. J’ai remarqué que c’était dans les moments où je doutais de moi/de mes choix, quelle que soit la raison, que je regardais attentivement les réactions des autres dans la rue/au travail/dans mon entourage, pour confirmer ou mettre fin à mes doutes. C’est donc certainement parce que le fait de m’habiller sans soutien-gorge est un choix que j’assume parfaitement que je ne remarque ni ne crains le regard des autres là-dessus.

Zéro soutien-gorge : critiques et préjugés

J’ai toutefois lu, sous des articles traitant du même sujet, des réactions assez négatives vis-à-vis de personnes osant sortir sans soutien-gorge ainsi que de nombreux préjugés. Nombre d’entre vous m’avez également fait part, via Instagram, des remarques parfois blessantes et souvent infondées que des proches ou bien des inconnu·e·s vous avaient faites à propos du no bra. J’ai été outrée par le sexisme voire même l’âgisme ou le racisme de certains de ces propos et vous propose d’en faire le tour pour vous faire part de mon avis sur ce genre de réaction.

“C’est provocateur / aguicheur / indécent / honteux / tu cherches le regard des hommes” – ce style de remarque me fait penser à l’avis que peuvent avoir certaines personnes sur les femmes en mini-jupe, arborant un décolleté, ou portant du rouge à lèvres bien rouge. Ce genre de propos montre combien la société dans laquelle nous vivons a objectifié et sexualisé des parties précises du corps de la femme et à quel point nombre d’individus ont internalisé cela. C’est la manière dont notre société a moulé notre regard sur ces parties-là qui fait que l’on sexualise plusieurs de nos choix vestimentaires ou esthétiques. Bien que dans la plupart des sociétés on considère qu’il est plus convenable de cacher son sexe et ses seins, n’oublions pas que dans certaines communautés, se balader sexe et seins découverts est tout à fait normalisé. Cela ne veut pas dire que ces parties du corps ne jouent pas un rôle érotique mais apparemment tout le monde n’est pas en mesure de faire la part des choses : la visibilité d’une partie du corps n’est pas forcément un appel aux regards ni synonyme de désir sexuel.

“Ça me gêne” – s’il est important de reconnaître que nos choix dans la vie peuvent parfois déranger, il me paraît là aussi nécessaire de faire la part des choses afin de ne pas se sentir entièrement responsable du malaise des autres. Je pense que le fait d’être gêné·e par le non-port du soutien-gorge est lié à tout ce que je viens de développer dans le paragraphe précédent. Si une personne me faisait ce genre de remarque, je chercherais à savoir ce qui la dérange précisément et l’inviterais à réfléchir à la source de cette gêne. Car dans le fond, le fait que je ne porte pas de soutien-gorge n’est pas un mal en soi et j’irai même jusqu’à dire que si cela perturbe certaines personnes, c’est essentiellement leur problème.

“C’est du mauvais goût / une faute de style / moche / vulgaire” – on nous a tellement exposé·e·s a des images de poitrines rehaussées et arrondies que forcément, dès lors qu’elles sont plus basses et moins rondes, cela peut paraître étrange. Comme je le disais plus haut, j’ai moi-même pensé que c’était moche la première fois… Mais il s’agissait-là d’un avis sur ma propre apparence, sur mon propre reflet. Le fait que cela puisse déplaire, esthétiquement parlant, à d’autres personnes est normal et, à mon sens, cela n’est pas un problème en soi. Nous avons tou·te·s des goûts différents ; peu d’entre nous serions prêt·e·s à échanger notre garde-robe avec n’importe qui. Tous les jours nous côtoyons des gens dont les chaussures, la coupe de cheveux ou la veste nous déplaît. Nous arrêtons-nous pour autant sur ce genre de détail ? Habituellement, non : on se fait généralement une réflexion que l’on garde pour soi et puis l’on passe à autre chose. Si les formes de la poitrine d’une personne nous déplaît, on peut également passer outre. Car il s’agit là d’une question – totalement subjective – de goût.

“C’est sale” – s’il existe de multiples raisons justifiant le port du soutien-gorge, à ma connaissance, l’hygiène n’en est pas une. Le fait qu’il y ait une couche en plus entre les seins et nos vêtements n’est pas un gage de propreté, de même que le fait de ne pas porter de soutien-gorge n’accroît pas l’accumulation de saletés sur notre peau. Si toutefois vous avez trouvé des études démontrant le contraire, faites-moi signe.

“Ce n’est pas pour les grosses poitrines” – du haut de mon 80C, je ne peux évidemment ni infirmer ni confirmer ce genre de réaction. Je pense toutefois que la possibilité de pratiquer le no bra ne dépend pas uniquement de la taille de la poitrine, mais d’un tas d’autres paramètres : confiance en soi, notions de beauté, notions de confort, situation, préférences et priorités personnelles… J’ai lu plusieurs témoignages de personnes ayant une forte poitrine et étant à l’aise sans soutien-gorge – cela ne veut bien évidemment pas dire que toutes les personnes ayant des bonnets généreux peuvent facilement se passer de soutien, mais simplement qu’on ne devrait pas mettre toutes les “grosses poitrines” dans le même panier. À chacun·e d’essayer, si iel le souhaite, et de se faire sa propre idée. J’ai néanmoins cru comprendre que l’adaptation au no bra pouvait être plus longue pour les personnes ayant un gros bonnet.

“Tu ne sais pas choisir un bon soutien-gorge” – voilà un commentaire bien réducteur, basé sur une simple supposition. Personnellement, je me suis fait conseiller à plusieurs reprises par les vendeuses des magasins de lingerie pour m’assurer de choisir le soutien-gorge le plus confortable possible et à la bonne taille évidemment. J’ai essayé plusieurs marques, plusieurs styles, plusieurs budgets, avec ou sans armatures, avec ou sans rembourrage… et si bien évidemment certains modèles étaient plus confortables que d’autres, ils ne l’étaient jamais suffisamment pour moi. Mais si l’on vous fait ce genre de remarque, le mieux serait d’inviter la personne à une séance de soutif shopping afin qu’elle vous fasse part de son expertise et vous prouve qu’il existe des soutiens-gorge tellement confortables que mêmes celleux qui ne supportent pas ça y succomberont !

“C’est mauvais pour la santé / c’est mauvais pour le maintien / ça abîme la poitrine” – bien que le port du soutien-gorge puisse être un véritable soulagement pour certain·e·s, aucune étude n’a prouvé, à ma connaissance, que passer sa vie sans soutien-gorge pouvait être néfaste pour la santé. Mais je parie que d’ici quelques années, les grandes marques de lingerie se seront côtisées pour financer ce genre d’étude… En attendant, rien n’empêche les personnes qui souhaitent continuer de porter un soutien-gorge par souci pour leur santé de le faire, mais pourquoi aller dire à d’autres qu’iels mettent leur santé en danger alors que ce n’est pas justifié ?

“Tes seins vont finir par tomber/ ressembler à des gants de toilette” – j’aurais envie de dire : et alors ? Si cela ne me dérange pas que mes seins vivent leur vie, en quoi cela devrait poser problème à autrui ? Dans tous les cas, soutien-gorge ou pas, le temps fait que nos seins finissent forcément par s’affaisser. Parfois, la taille du bonnet, la prise/perte de poids, une grossesse, etc., peuvent également contribuer à un affaissement accéléré des seins. Mais encore une fois, il s’agit là d’un processus naturel que même un soutien-gorge porté 24h/24 ne pourra empêcher. Encore une fois, il est grand temps de se détacher de l’image des seins rehaussés et bien bombés qui nous est présentée comme un idéal permanent. Cette illustration montre d’ailleurs avec justesse combien cet idéal est irréaliste…

“Ça ne te met pas en valeur” – encore une fois, je dirais : et alors ? Chacun·e est libre de mettre certaines parties de son corps “en valeur” ou pas. Et puis cette notion de mise “en valeur” est tellement subjective de toute façon…

“Ce n’est pas féminin” – une fois de plus, je ne pourrais m’empêcher de rétorquer un simple “et alors ?” à cette réaction qui reflète la pression sociale imposée aux personnes du sexe féminin au sujet de leur apparence. Tout comme le fait d’être “mis·e en valeur”, être “féminin·e” est une expression pleine de subjectivité et donc sans véritable définition universelle. Par ailleurs, il serait temps qu’une femme puisse se sentir bien comme telle sans avoir besoin de le prouver aux autres via les apparences.

“Ce n’est plus de ton âge (femme de 60 ans)” – j’avoue que j’ignorais que même passé un certain âge on pouvait être victime de discriminations liées à l’apparence (mais j’aurais dû m’en douter !). J’avoue être un peu sans voix face à cette remarque qui montre bien que les injonctions sociales sont sans limites et sans merci.

“Déjà que t’as pas de seins, alors si en plus tu ne mets rien, c’est plat et moche” – voilà une autre remarque reçue par l’une d’entre vous et que j’ai trouvée particulièrement blessante. C’est l’exemple type d’une personne qui a tellement internalisé l’idéal “belle poitrine = poitrine bombée” qu’elle ne peut concevoir qu’on puisse volontairement limiter ses chances d’atteindre cet idéal ! Que l’on ne puisse se détacher de cet idéal personnellement est une chose, mais qu’on juge ainsi les autres sur un fait purement physique en est une autre…

“Tu vas finir par ressembler aux femmes de tribus africaines” – et voici l’une des pires, selon moi, pour la fin. Vous êtes nombreuses à avoir été témoin de cette réaction purement raciste. Je suppose que les personnes faisant ce type de remarque se basent sur des photos qu’elles ont vu circuler sur le net où l’on voit des femmes de tribus africaines à la poitrine découverte – si l’on regarde attentivement ce genre de photo, on remarque que les jeunes ont généralement des poitrines qui se tiennent très bien et qu’effectivement, celles qui sont plus âgées, ont une poitrine qui s’affaisse. Comme je le disais plus haut, même si l’on porte un soutien-gorge toute notre vie, quelle que soit notre origine ethnique, il est fort probable que notre poitrine finira elle aussi par s’affaisser !

Pour conclure

À travers cet article, j’espère que vous l’aurez compris : je ne suis ni pour l’universalisation du no bra, ni contre le soutien-gorge. Je suis pour la reconnaissance et l’acceptation sociale que le port du soutien-gorge n’est ni nécessaire ni obligatoire pour toutes les poitrines, que la visibilité de la forme des seins et des mamelons en particulier n’est pas un mal en soi et que chacun·e devrait être libre de porter ou non un soutien-gorge, quelles que soient ses motivations… 

Pour aller plus loin

Un site très complet, riche en informations, conseils et astuces pour se passer de soutien-gorge :

Voici d’autres témoignages au sujet du no bra ou du slow bra :

Je remercie mon amie L. pour les photos. Pour la petite anecdote, elle ne peut pas se passer de soutien-gorge, même la nuit (on fait la même taille). Cela ne nous empêche de pouvoir discuter de tout cela librement, sans critique ni jugement, dans le respect des choix et besoins de chacune (et de nous éclater à faire des photos pour illustrer mon article sur le no bra !) .
Je porte : Haut La Révolution Textile / Ceinture Reev / Jean Kings of Indigo
Vous sentez-vous mieux avec ou sans soutien-gorge ?
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