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Parler des protections menstruelles saines et écologiques dans un lycée – mon expérience

Pour la 3e année consécutive j’ai organisé une session d’information intitulée “Pourquoi et comment éviter les protections hygiéniques jetables ?” dans le lycée où j’enseigne. Comme je l’ai déjà expliqué dans cet article (et plus en détail dans ma FAQ Tipeee) où je vous raconte les ateliers “Salle de bains zéro déchet” que j’y ai également organisés, j’enseigne dans un contexte un peu particulier où les professeur·es comme les élèves ont pour mission de réfléchir ensemble à leur rôle pour contribuer au développement d’un monde plus beau et plus juste aussi bien sur le plan social qu’environnemental. Le sujet des protections hygiéniques me tenant particulièrement à cœur, c’est tout naturellement que j’ai voulu en parler avec les élèves (et les collègues) lorsque j’ai commencé à travailler là-bas.

Beaucoup de personnes semblent surprises que j’ose, en tant que prof, aborder un tel sujet au lycée. Ayant moi-même grandi dans une société où le sujet des règles et de tout ce qui touche aux organes sexuels de manière générale est assez tabou, je comprends tout à fait que l’on puisse se demander comme je fais pour parler si librement de sang menstruel et de vagin à mes élèves et à mes collègues. En fait, après avoir pris un peu de recul et m’être demandée pourquoi je pouvais être gênée d’aborder ce sujet “publiquement”, j’ai réalisé que je n’avais aucune raison logique de l’être. Comme pour tout, notre perception des règles est moulée par le contexte socioculturel dans lequel nous avons grandi, par les croyances et mythes véhiculées par la société, et objectivement parlant, il n’y a vraiment aucune raison de faire des règles un tabou : chaque mois, une grande partie de l’endomètre des personnes réglées se desquame et s’écoule à travers le vagin. Il s’agit d’un processus physiologique, complètement naturel et sans lequel les humain·es ne pourraient pas se reproduire car sans endomètre, l’utérus ne pourrait accueillir d’oeufs fécondés ! Et contrairement à de nombreuses idées véhiculées, les règles ne sont ni malodorantes, ni sales, ni impures et je déplore, qu’aujourd’hui encore, ces préjugés soient utilisés dans de nombreuses cultures et sociétés pour discriminer, isoler et oppresser les femmes durant leurs menstruations.

Voilà pourquoi, aujourd’hui, parler librement de sang menstruel et de vagin ne me pose personnellement aucun problème et ce peu importe le contexte. Au contraire, il me semble désormais primordial de briser le tabou qui plane autour des règles et d’en parler ouvertement aux jeunes comme aux moins jeunes afin de comprendre dès nos premières menstruations de quoi il s’agit précisément, de pouvoir échanger librement sur les difficultés que chacun·e peut connaître durant son cycle, d’identifier d’éventuelles maladies ou malformation qui sont la cause de nombreux maux menstruels, de trouver plus facilement des moyens d’y faire face,  et, bien évidemment, de pouvoir faire un choix éclairé en terme de protection.

Alors concrètement, comment s’organisent mes sessions d’information ? Je prévoie généralement 1h30 pour aborder les sujets suivants :

Pour commencer, je demande aux participant·es qui le souhaitent de partager avec moi les raisons pour lesquelles iels sont là et ce qu’iels aimeraient obtenir de cette session. Cela me permet de mieux répondre à leurs attentes. Je prends ensuite le temps de leur raconter comment j’en suis arrivée à m’intéresser à ce sujet et pourquoi il me tient à cœur de leur en parler. Je précise également à ce moment-là, que je suis consciente des nombreux tabous qui touchent aux règles dans différentes sociétés et que mon souhait est de créer un espace, durant cette session, où chacun·e se sent libre de partager, sans gêne, son expérience, ses questionnements, ses appréhensions et ses difficultés.

Je leur demande ensuite quels sont les problèmes de santé et environnementaux liés à l’usage des protections menstruelles jetables dont iels sont consciente·es. Généralement, à part la quantité de déchets, iels ne savent pas grand-chose. Je fais alors le tour de 10 problématiques principales en les décrivant de manière aussi claire et concise que possible, afin de leur faire prendre conscience de l’ampleur du problème, tout en rendant les informations accessibles et faciles à mémoriser. Je leur parle des mauvaises odeurs, des parfums chimiques, du blanchiment au chlore, des fibres de viscose, des gels de polymères, des pesticides, du syndrome du choc toxique, du gaspillage d’eau, du plastique et des déchets. Vous pouvez retrouver tous les détails liés à ces problématiques dans mon article “Pourquoi bannir les protections hygiéniques jetables ?”.

Pour aborder la deuxième partie de cette session, je leur demande s’iels ont déjà essayé des protections menstruelles plus saines et écologiques ou bien desquelles iels ont déjà entendu parler. La coupe menstruelle est la seule qu’iels connaissent généralement mais rares sont celleux qui l’ont déjà essayée. Je leur raconte ensuite comment j’en suis venue à tester les serviettes lavables, la coupe menstruelle, le flux instinctif libre et enfin les culottes menstruelles et pour chaque option, je leur présente les avantages et les inconvénients d’après ma propre expérience ainsi que ce que j’ai pu lire ailleurs. Je leur laisse également la possibilité de poser leurs questions au fur et à mesure et, pour les personnes concernées, de partager leur propre expérience avec telle ou telle protection. Enfin, il faut savoir que j’emmène avec moi une coupe menstruelle ainsi qu’une serviette hygiénique – neuves – afin de permettre aux participant·es de se faire une meilleure idée de la taille, de la texture et des matériaux des objets dont on parle. Je remercie d’ailleurs Les tendances d’Emma et Dans ma culotte qui m’ont gracieusement envoyé une coupe et une serviette respectivement afin de faciliter mes sessions d’information. 

Leurs questions des élèves sont généralement d’ordre pratique :

Arrivé·es à la fin de chaque session, je sens toujours une sacrée différence dans l’aisance des participant·es à partager leur expérience, à poser leurs questions et à employer le mot vagin tout simplement ! Comme quoi, il en faut parfois peu pour briser certains tabous…

Pour conclure, j’aime leur rappeler que parmi toutes les options présentées durant la session, il n’y en a pas une qui soit meilleure qu’une autre mais que chacun·e doit se sentir libre de choisir la protection qui lui semble la plus adaptée à ses priorités et sensibilités. Je leur dis également que rien ne les oblige à changer de protection aujourd’hui ou le mois prochain, qu’il est important qu’iels digèrent tout cela et qu’iels se lancent au moment où iels se sentiront prêtes. Enfin, je leur précise que chaque nouvelle protection peut demander un certain temps d’adaptation et que s’iels trouvent cela difficile au début, cela vaut le coup de persévérer, voire de revenir à leurs anciennes protections et de réessayer quelques mois plus tard, l’essentiel étant de faire cette transition dans la bienveillance envers soi et son corps afin d’y trouver un véritable confort et intérêt sur le long terme.

Généralement, les participant·es sont motivé·es pour tester la coupe menstruelle dès leur cycle suivant et jusque-là, j’ai pu organiser une commande groupée annuelle auprès des Tendances d’Emma et j’espère en faire de même cette année. Je ne vous cache pas que c’est une vraie satisfaction pour moi de savoir que suite à cette session d’information, plusieurs élèves et collègues finissent par laisser tomber les tampons et les serviettes jetables. Certain·es en parlent même autour d’elleux, si bien que je me retrouve à commander des coupes menstruelles non seulement pour des élèves / collègues qui n’étaient pas présent·es lors de la session d’information mais aussi pour certain·es de leurs ami·es et proches en dehors du lycée ! L’an dernier, une élève m’a même demandé conseil car elle voulait offrir une coupe menstruelle à sa maman pour Noël !

Je me réjouis particulièrement à l’idée de me dire que si un jour ces lycéen·nes ont des enfants, il y a des chances pour qu’iels leur propose des protections saines et écologiques dès leurs premières menstruations… Voilà pourquoi, pour moi qui ai la chance d’interagir avec des jeunes au quotidien, il me semble important de créer des opportunités et de saisir celles qui me sont données pour parler ouvertement de sang menstruel, de protections hygiéniques et de vagin…

Pour en savoir plus sur les protections menstruelles, je vous invite à (re)découvrir tous mes articles sur le sujet :

Je n’ai pas encore consacré d’article aux culottes menstruelles, mais ça viendra !

Marques des produits sur les photos : Coupe menstruelle Les Tendances d’Emma / Serviette lavable Dans ma culotte (lien affilié) / Culotte menstruelle Fempo.
Parlez-vous des règles et des protections menstruelles avec les jeunes de votre entourage ? Aimeriez-vous que ce sujet soit abordé dans le collège / le lycée de vos enfants ?
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