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Zoom sur les fibres textiles #2 Le lin

Lorsque j’ai pris conscience des problèmes éthiques et écologiques liés à l’industrie textile, j’ai revu ma manière de consommer et de choisir mes vêtements, chaussures et accessoires de A à Z. Outre mon désir de savoir si mes vêtements avaient été fabriqués dans des conditions ne nuisant ni aux humain·e·s, ni aux animaux, ni à l’environnement, j’ai réalisé que pour avoir une garde-robe véritablement durable, il me faudrait être plus attentive à mes choix de fibres textiles. C’est alors que j’ai découvert l’intérêt du linge en lin. Ainsi, depuis environ 3 ans maintenant, c’est la matière que je privilégie pour mes nouveaux achats vestimentaires et, à terme, je rêve d’avoir du linge de lit, de bain, de cuisine et de table en lin, tant je suis conquise par son aspect écologique, sa durabilité et ses propriétés !

Après vous avoir présenté les avantages du chanvre, je reviens donc (enfin !) avec le deuxième volet de cette série d’articles consacrée aux fibres textiles pour vous parler du lin, de sa culture, de sa transformation et des différentes raisons pour lesquelles nous avons tout intérêt à privilégier le port et l’usage de cette matière textile.

La culture du lin

Pour commencer, il faut savoir qu’il existe des variétés de lin textile, cultivé pour leurs fibres et des variétés de lin oléagineux, cultivés pour leurs graines. Au vu de l’objet de cet article, je parlerai uniquement du lin textile mais si vous voulez en savoir plus sur l’usage des graines de lin en cuisine, je vous recommande vivement ce petit livre de recettes végétales de Clémence Catz. Pour en revenir au lin textile, il s’agit d’une plante originaire d’Europe et de l’une des plus anciennes fibres cultivées sur la planète. En France, elle a connu énormément de succès au 17e siècle en particulier, avant de se voir détrôner par le coton. Malgré les nombreux hauts et bas qu’a connu l’industrie française du lin textile au cours des derniers siècles, l’Hexagone en reste, à ce jour, le plus grand producteur dans le monde.

Pour donner une fibre textile de qualité, à la fois fine et solide, le lin a besoin de terres limoneuses et profondes, d’humidité ainsi que d’une faible amplitude thermique. Le nord de la France ainsi que la Belgique et les Pays Bas offrent donc à cette plante de la famille des Linaceae un sol et un climat idéaux pour se développer. Ces trois pays cultivent d’ailleurs à eux seuls 85 % de la production mondiale de lin textile. Bien que le lin soit cultivé dans d’autres régions du monde, le lin européen semble faire l’unanimité puisque sa culture dans des conditions optimales lui confère des qualités inégalables.

Haut en lin La Révolution Textile

La production de la fibre textile en lin

Dix étapes séparent la graine de la fibre de lin : le semis (la plante atteint 1 mètre en 100 jours), la floraison (qui dure à peine quelques heures), l’arrachage, le rouissage (processus d’élimination de la pectose qui soude les fibres textiles à la partie ligneuse de la plante), le teillage (extraction des fibres de la tige), le peignage (transformation de la fibre en rubans), la filature (transformation des rubans en fil), le tissage (création du tissu), le tricotage et l’ennoblissement (teintures, impression etc.). Chaque étape est réalisée en France ou ailleurs en Europe, ce qui fait du lin une fibre textile locale et facilement traçable. D’ailleurs, à chaque fois que j’ai souhaité acheté un vêtement en lin, j’ai pu obtenir toutes les informations que je souhaitais de la marque et j’ai toujours été agréablement surprise par la rapidité et la précision de la réponse (lieu de culture, de tissage, de teinture, etc.).

Les avantages écologiques

Outre le fait qu’il s’agit d’une fibre locale, les avantages écologiques du lin sont nombreux. Tout d’abord, son système racinaire pivotant lui permet de prélever une quantité importante d’éléments minéraux du sol, assurant ainsi sa croissance et son développement de manière quasi autonome. Peu d’intrants sont donc nécessaires à sa culture et l’eau de pluie suffit à son irrigation. Par ailleurs, le lin est un puits de carbone naturel qui absorbe 3,7 tonnes de CO2 par hectare et c’est une culture de rotation qui améliore la qualité du sol et permet donc d’augmenter le rendement des semis suivants.

Toutes les parties de la plante étant valorisées, la culture du lin textile produit plus de coproduits que de déchets comme l’illustre très bien ce schéma :

Concernant la fibre en elle-même, elle est particulièrement solide, d’où son usage dans les industries nommées précédemment. Le lin repousse également les insectes donc aucun risque de voir ses vêtements se faire dévorer par les mites ! La solidité d’un tissu est essentielle à mes yeux pour en faire une matière véritablement durable, surtout pour des objets que l’on est supposé·e·s pouvoir porter et utiliser quotidiennement. Enfin, si le linge en lin finit par s’user, il a l’avantage d’être biodégradable puisqu’il s’agit d’une fibre 100 % végétale et naturelle normalement dépourvue de substances chimiques.

T-shirt en lin BloemLinen et gilet en lin Ekyog

Les propriétés du lin

Le lin ne se contente pas d’avoir des conditions de cultures idéales et de produire une fibre particulièrement résistante. Très absorbant, il sèche également rapidement, ce qui est idéal lorsqu’on transpire ainsi que pour le linge de maison tels les serviettes de bain, les torchons ou les essuie-mains que l’on mouille plusieurs fois par jour. De plus, étant donné qu’il s’agit d’une fibre thermorégulatrice, le lin est aussi agréable à porter par temps froid, où il joue un rôle isolant, que par temps chaud, où il laisse respirer la peau. Enfin, c’est une fibre naturellement hypoallergénique et antibactérienne notamment recommandée pour les personnes souffrant de problèmes de peau.

Les différents types de tissus en lin

Jusqu’à ce que je découvre les créations de La Révolution Textile, je pensais que les vêtements en lin étaient forcément un peu rigides et très froissables. Il existe toutefois aujourd’hui toutes sortes de fils et de mailles en lin pouvant donner différents aspects au tissu. On peut ainsi porter du jersey, de la dentelle ou encore du denim en lin et la plupart se froissent difficilement.

Personnellement, je possède des vêtements en lin de différentes sortes, souples et peu froissables pour la plupart, mais j’ai également des pièces en lin plus classiques aux plis plus marqués (comme le T-shirt rose de BloemLinen plus haut). Dans tous les cas, je ne repasse rien, non seulement parce que je n’ai pas de fer à repasser (je m’en suis toujours passée) mais aussi parce que le lin est une matière “vivante” que j’aime voir s’assouplir avec le temps, évoluer au fil des aventures et que je pense mieux préserver ainsi. C’est d’ailleurs pourquoi les propos de Not Perfect Linen font particulièrement écho en moi :

The beauty of linen is that it is not perfect. If you keep trying to iron it, you will definitely miss the beauty of it. Linen needs to be used and it gets better with age. Linen pieces can be compared to old English leather shoes or old mechanical Swiss watches – all of these things are not new or perfect but are definitely more valuable than any new.

Traduction : « La beauté du lin, c’est qu’il n’est pas parfait. Si vous continuez d’essayer de le repasser, vous passerez certainement à côté de sa beauté. Le lin a besoin d’être usé et il s’améliore avec l’âge. Les pièces en lin peuvent être comparées à de vieilles chaussures anglaises en cuir ou à une vieille montre mécanique Suisse – toutes ces choses ne sont ni neuves ni parfaites mais elles ont certainement plus de valeur que du neuf ».

Et comme vous le savez si vous me suivez depuis un moment, je me fiche de pas mal de normes et codes sociaux donc je n’ai que faire du fait que certain·e·s personnes puissent critiquer l’allure de mes T-shirts en lin non repassés. C’est un look qui me plaît et je n’ai personnellement pas besoin de repasser mes vêtements pour être bien dedans. C’est avant tout une question d’habitude et de perception.

Le coût du lin

Le lin étant une fibre locale dont les différentes étapes de transformation sont réalisées en France et ailleurs en Europe, les textiles en lin sont forcément plus chers que les vêtements fabriqués à partir de coton ramassé par des enfants et transformés dans des conditions déplorables au bout du monde. Toutefois, comme vous l’aurez compris, le lin européen est une fibre particulièrement solide et à partir du moment où elle est travaillée par des personnes ayant un véritable savoir-faire artisanal et qu’on sait en prendre soin, on peut être certain·e·s de pouvoir utiliser nos textiles en lin pendant de longues années, pour ne pas dire toute une vie ! Par ailleurs, comme je l’expliquais précédemment, le lin se porte aussi bien par temps froid que par temps chaud ce qui permet finalement d’acheter moins de vêtements saisonniers.

S’offrir une pièce en lin européen, c’est donc investir dans la préservation de savoir-faire locaux, dans le développement d’une industrie locale, éthique et écologique ainsi que dans des objets pensés et conçus pour durer. Je suis toutefois et bien évidemment consciente que tout le monde n’a pas les moyens de mettre plus d’une vingtaine d’euros dans une pièce textile et que pour le moment il reste difficile de trouver des pièces en lin dans les magasins de seconde main ou les marchés aux puces. Si vous savez coudre, il est possible d’acheter du tissu en lin pour fabriquer votre linge vous-même, mais il faut reconnaître que même le coût du lin au mètre reste bien plus élevé que pour un mètre de coton ou de matière synthétique (EDIT du 05/06/18 : La confédération du lin et du chanvre m’a recommandé ces deux boutiques pour du lin 100 % européen de qualité : Amandine Cha et Lin de France). Autrement, sachez que les marques comme Näz qui utilisent du tissu en lin de récupération ou comme BloemLinen et Not Perfect Linen qui fabriquent chaque pièce sur commande sont généralement un peu plus abordables que les autres marques de prêt-à-porter.

T-shirt en lin La Révolution Textile

Mon expérience et mon avis

Ma garde-robe comprends actuellement une quinzaine de pièces en lin : un pantalon et une veste en lin et en coton mélangés, un pull, un gilet, trois hauts à manches longues, deux hauts à manches ¾, six T-shirts à manches courtes (dont 2 que je porte pour dormir), un débardeur et un foulard. J’attends également de recevoir une robe et un pantalon de pyjama commandés récemment. Je porte donc du lin presque quotidiennement, même pour dormir !

Avant de découvrir les propriétés du lin, je n’en portais qu’en été, pensant qu’il s’agissait d’une matière trop légère pour les températures hivernales. Jusqu’à l’an dernier, arrivé l’hiver, j’enfilais généralement 3 couches sous mon manteau : un T-shirt ou débardeur isolant en matière synthétique (j’étais adepte de la collection Heateach d’Uniqlo – ni éthique ni écolo – depuis des années) + un T-shirt en coton à manches longues + un pull. Étant donné que je vais au travail à vélo et que je dois grimper une belle côte à l’arrivée, je vous laisse imaginer la désagréable sensation d’humidité (puis de froid) qui me collait à la peau l’heure suivante… Par ailleurs, la transpiration au contact des fibres synthétique provoque de mauvaises odeurs qui imprègnent le tissu donc même en hiver, je devais changer de T-shirt tous les jours. 

Depuis l’hiver dernier, j’ai découvert les joies de pouvoir enfiler un simple haut en lin à manches longues sous mon pull pour rester au chaud et de ne pas sentir mes vêtements me coller à la peau après le moindre effort. Moi qui suis pourtant très frileuse, il m’est même arrivé de mettre un simple pull en coton pas particulièrement épais par-dessus, sans que je ne finisse frigorifiée. J’ai donc été très agréablement surprise par les propriétés isolantes du lin.

Le confort que cette matière apporte en été est également inégalable. Durant mes 3 semaines en Inde cet hiver, j’ai principalement alterné entre mes deux T-shirts en lin de la marque BloemLinen et je ne les ai lavés qu’une fois chacun. Ce qui m’impressionne toujours avec le lin, c’est son incroyable capacité à “s’auto-aérer” : il a rarement fait moins de 30° pendant mon séjour en Inde et j’ai donc énormément transpiré. S’il pouvait y avoir de légères odeurs de transpiration en fin de journée, elles s’étaient généralement évaporées comme par magie le lendemain ! Le fait de pouvoir porter une même pièce en lin plusieurs jours avant de devoir la laver permet ainsi de réduire le nombre de vêtements dans sa garde-robe et/ou dans sa valise !

Par ailleurs, j’apprécie le fait que mes vêtements en lin sèchent bien plus rapidement que ceux en coton. C’est particulièrement pratique lorsqu’on voyage en mode minimaliste et que l’on souhaite pouvoir laver et sécher nos vêtements en une nuit (suivant la température de l’air évidemment).

J’aime énormément chacune des pièces que je possède et même des années après avoir intégré le lin à ma garde-robe je continue de m’extasier devant le confort qu’il procure, été comme hiver. Si bien qu’il est désormais rare que j’achète du linge fait d’une autre matière textile.

T-shirt en lin La Révolution Textile

Conseils d’entretien

Les vêtements en lin que je possède ne demandent pas d’entretien particulier, mais voici quelques conseils généralement donnés par les marques pour mieux préserver la qualité de la fibre au fil du temps :

Personnellement, je lave mon linge en lin à la machine en même temps et de la même manière que tout le reste, je le fais sécher sur mon étendoir à linge ou sur des cintres et comme je le disais plus haut, je ne le repasse jamais. Les hauts que je porte sur les photos de cet article ont été lavés et portés de nombreuses fois et comme vous pouvez le voir, à part le rose de Bloem Linen, ils ne sont pas du tout froissés.

Les marques éthiques de textiles en lin européen que j’ai testées

De plus en plus de créateur·rice·s éthiques proposent des vêtements en lin. Certains, ne vendent d’ailleurs que cela. Les vêtements en lin que je possède viennent des marques suivantes : BloemLinen (100 % lin), Conouco (100 % lin), Ekyog, La Révolution Textile (100 % lin), Näz (offert par MaeSue, site qui vend également des hauts en lin de la marque Bloi)People Tree et bientôt Not Perfect Linen (100 % lin). J’ai également plus récemment entendu parler de Dao qui est, à ma connaissance, la seule marque française à proposer des jeans en lin et de Son de Flor, marque lithuanienne particulièrement connue pour ses robes. 

Si cela vous intéresse, je pourrai consacrer des articles plus détaillés au sujet des marques et boutiques qui vendent non seulement des vêtements en lin mais aussi du linge de maison car toutes ne se valent évidemment pas en terme d’éthique. Je suis toutefois entièrement satisfaite de la qualité et du style de tous les vêtements en lin que je possède, quelle que soit la marque.

Pour conclure…

Même si de plus en plus de marques proposent des vêtements en lin, j’ai réalisé à travers certaines questions et remarques que cette fibre textile souffre encore de nombreux préjugés et que ses multiples propriétés ainsi que ses nombreux avantages d’un point de vue écologique restent encore méconnus du grand public. C’est pourquoi vous pouvez vous attendre à ce que je vous parle de cette fabuleuse fibre textile dans d’autres articles et c’est aussi la raison pour laquelle j’ai commencé à poster des photos de mes vêtements en lin sur Instagram.

J’espère en tout cas que cet article vous aura donné envie de mettre un peu plus de lin dans votre quotidien !

T-shirt en lin La Révolution Textile et veste en lin et coton mélangé achetée il y a de nombreuses années
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