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Favoris lecture #3 – guerre du Vietnam, randonnée en solo, service militaire, minimalisme digital et avortement

Pour ce 3e volet de mes livres coups de cœur, je vous présente un roman bouleversant sur la guerre du Vietnam, un récit autobiographique qui nous emmène à l’aventure aux USA, le long du Pacific Crest Trail, une bande-dessinée qui nous plonge dans le quotidien du service militaire d’une israëlienne, un essai/guide pratique qui invite à réfléchir à notre rapport aux écrans et un essai aussi intime que politique sur l’avortement. Des lectures plutôt sérieuses, qui remuent et qui ouvrent de nouveaux horizons…

Em

de Kim Thúy

Résumé : La vérité de cette histoire est morcelée, incomplète, inachevée dans le temps et dans l’espace. Elle passe par les colons implantés en Indochine pour y exploiter les terres et les forêts. Par les hévéas transplantés et incisés afin de produire l’indispensable caoutchouc. Par le sang et les larmes versés par les coolies qui saignaient les troncs. Par la guerre appelée « du Vietnam » par les uns et « américaine » par les autres. Par les enfants métis arrachés à Saigon par un aigle volant avant d’être adoptés sur un autre continent. C’est une histoire d’amour qui débute entre deux êtres que tout sépare et se termine entre deux êtres que tout réunit ; une histoire de solidarité aussi, qui voit des enfants abandonnés dormir dans des cartons et des salons de manucure fleurir dans le monde entier, tenus par d’anciens boat people. Avec ce livre, Kim Thuy nous découvre, au-delà des déchirements, l’inoubliable pays en forme de S qu’elle a quitté en 1975 sur un bateau.

Mon avis : C’est avec beaucoup d’émotions que j’ai lu ce roman dans lequel l’autrice raconte, à travers des histoires vraies, les horreurs de la guerre du Vietnam. Dans les toutes premières pages, Kim Thúy écrit : « Si votre cœur se serre à la lecture de ces histoires de folie prévisible, d’amour inattendu ou d’héroïsme ordinaire, sachez que la vérité entière aurait très probablement provoqué chez vous soit un arrêt respiratoire, soit de l’euphorie. » Cet avertissement en dit long sur l’intensité de ce court roman où chaque mot porte le poids d’amours qui prennent leurs racines au plus profond des cœurs et des ignominies d’une guerre sans merci. J’ai beaucoup aimé le style du récit, très fragmenté – telles les vies que Kim Thúy décrit –, très imagé, assez brut, riche en détails mais sans fioritures. C’est un roman très court et pourtant, en à peine plus de 100 pages, je me suis attachée à différents personnages et j’ai approfondi un peu plus ma compréhension de la guerre du Vietnam et de ses conséquences. Je ne vous cache pas que c’est un roman pénible à lire et en même temps, l’autrice a su y insuffler beaucoup de beauté, aussi bien dans les faits que dans son style. C’est par ailleurs une lecture qui à mon sens s’inscrit bien dans la continuité du roman graphique Nous avons fait de notre mieux (dont je vous avais parlé ici).

Wild

De Cheryl Strayed

Résumé : Lorsque sur un coup de tête, Cheryl Strayed enfile son sac à dos, elle n’a aucune idée de ce qui l’attend. Tout ce qu’elle sait, c’est que sa vie est un désastre. Entre une mère trop aimée, brutalement disparue, un divorce douloureux et un lourd passé de junky, Cheryl vacille. Pour tenir debout et affronter les fantômes de son passé, la jeune Cheryl n’a aucune réponse, mais un point de fuite : tout quitter pour une randonnée sur le « Chemin des crêtes du Pacifique ». Lancée au cœur d’une nature immense et sauvage, seule sous un sac à dos trop lourd, elle doit avancer pour survivre, sur 1700 kilomètres d’épuisement et d’effort, et réussir à atteindre le bout d’elle-même. Une histoire poignante et humaine, où la marche se fait rédemption.  

Mon avis : Ce n’est autre que l’envie irrépressible – qui m’habite depuis plusieurs mois déjà – de prendre le large, de changer d’air et de rythme qui m’a motivée à me plonger dans ce roman. Faute de pouvoir partir à l’aventure moi-même, c’est avec beaucoup d’émotion que j’ai lu ce récit autobiographique de Cheryl Strayed. J’ai aimé la manière dont elle mêle habilement le passé au présent, la franchise et l’humilité avec laquelle elle confie ses difficultés, la sincérité avec laquelle elle dépeint l’évolution de ses relations familiales, amicales et amoureuses et le détail par lequel elle raconte les hauts et les bas d’une expédition à laquelle elle s’était pitoyablement préparée. Ce récit m’a transportée un peu plus loin que je ne l’avais imaginé. Au-delà de la découverte du Pacific Crest Trail, il m’a fait réfléchir à l’amour et à l’amitié, à la peur et au courage, à la confiance qu’on s’accorde à soi-même ou aux autres et, bien souvent, je me suis demandée : « Et moi, qu’aurais-je fait à sa place ? ». Une lecture qui fut donc pour moi à la fois synonyme d’évasion et d’introspection.

Deux ans dans les rangs

de Aya Talshir

Résumé : Aya vient d’avoir 18 ans et, comme toute citoyenne israélienne, elle doit désormais intégrer l’armée pendant deux ans pour son service militaire. Or, si très peu de témoignages subvertissent la prestigieuse image dont bénéficie l’armée, encore plus rares sont les récits qu’en font les femmes. Quel sens Aya peut-elle donner à ces deux années passées sous les drapeaux ? Sous la forme de courtes saynètes oscillant souvent entre le rire et les larmes, elle nous conte ici les nombreuses anecdotes qui ont émaillé son service militaire. Des saveurs insoupçonnées de la nourriture en boîte aux diverses privations et punitions infligées par une hiérarchie tyrannique, c’est le quotidien de jeunes soldates et soldats qu’Aya nous laisse entr’apercevoir, entre petites mesquineries et expérience de la sororité.

Mon avis : Avant de rencontrer Nufar, une israëlienne scolarisée dans le même lycée que moi, j’ignorais que le service militaire était obligatoire pour la plupart des israëlien·nes âgé·es de 18 à 26 ans pour les femmes et de 18 à 29 ans pour les hommes. Il est bien évidemment possible d’être exempté·es, pour différentes raisons, mais d’après les élèves israëlien·nes que je côtoie actuellement dans le lycée où j’enseigne, cela n’est pas forcément évident. Ainsi, chaque année, une fois le bac international en poche, j’observe des élèves rentrer à contre cœur en Israël pour effectuer leur service militaire (36 mois pour les hommes et 24 pour les femmes). Ignorant tout de ce que peuvent impliquer ces 2 à 3 années au service de l’armée, c’est avec beaucoup d’intérêt que j’ai lu cette BD d’Aya Talshir et avec autant de surprise que j’ai découvert les conditions difficiles dans lesquelles elle a vécu et travaillé pendant 24 mois.  À travers ses saynètes et sans langue de bois, l’autrice relate différents moments de son service militaire marqué par la violence psychologique et physique, la promiscuité et l’isolement, la compétition et les sanctions. Elle raconte aussi ces instants où elle parvient à puiser un peu de joie ou de réconfort dans cette parenthèse de son existence où, assujettie, sa propre vie ne lui appartient plus. Sans surprise, ça m’a donné envie de prendre des nouvelles de mes élèves et de savoir comment iels ont vécu leur service militaire…

Réussir sa vie grâce au minimalisme digital – moins de technologie, plus de concentration

de Cal Newport

Résumé : Médias sociaux, notifications, e-mails… Dans un monde de sursollicitations numériques, difficile de débrancher complètement. Quel est le secret d’un rapport équilibré avec la technologie ? Celle-ci n’est intrinsèquement ni bonne ni mauvaise : l’essentiel est de l’utiliser pour soutenir vos objectifs plutôt que de la laisser vous manipuler ! S’appuyant sur des exemples de réussite, Cal Newport identifie la philosophie et les pratiques des minimalistes digitaux et vous révèle ses stratégies pour rejoindre la Résistance de l’attention, à commencer par un désencombrement numérique de 30 jours. Grâce à cet ouvrage, reprenez le contrôle de votre vie digitale et recentrez-vous sur l’essentiel !

Mon avis : C’est en me baladant sur le blog Kairos que j’ai découvert le travail de Cal Newport l’été dernier et j’ai tout de suite été interpellée par les idées qu’il défend autour du travail et des nouvelles technologies. J’ai commencé par lire son livre Deep Work – retrouver sa concentration dans un monde de distractions qui, malgré son fond élitiste et son manque de nuance par rapport à la notion de productivité, m’a permis de réfléchir à mon approche du travail et donné de nombreuses clés pour être plus créative, plus efficace et plus productive… et ainsi me libérer du temps de qualité, au quotidien, pour faire d’autres choses, pour ma famille et moi-même.

Les nouvelles technologies pouvant être l’une de mes distractions principales depuis quelques années, c’est tout naturellement que j’ai voulu enchaîner avec la lecture de Réussir sa vie grâce au minimalisme digital. Cet ouvrage m’a apporté l’impulsion qu’il me manquait pour retrouver un usage raisonné des nouvelles technologies. Le minimalisme digital n’est pas un sujet nouveau pour moi – j’y ai consacré près d’une dizaine d’articles depuis 2013, un chapitre entier dans mon livre 21 éco-défis et j’ai même participé à une table ronde intitulé « Une rentrée sans écran, c’est possible ? » à la Recyclerie (Paris), en 2018. Pourtant, ces dernières années, j’ai eu beaucoup de mal à appliquer les idées que j’ai pu moi-même prôner.

Avant la naissance de notre enfant, j’avais trouvé un certain équilibre dans mon rapport aux nouvelles technologies mais les difficultés que j’ai traversées tout au long de mon post-partum ont complètement chamboulé mon usage d’Internet et des écrans de manière générale – ces derniers étaient devenus pour moi une échappatoire pas toujours salutaire. Lorsque j’ai commencé à remonter la pente l’an dernier, j’ai voulu retrouver un usage modéré des nouvelles technologies mais j’ai eu du mal à me défaire de certaines habitudes. Néanmoins, en rappelant tout l’intérêt des moments déconnectés et l’absence de valeur de nombre d’actions effectuées sur nos écrans, cet ouvrage de Cal Newport m’a profondément motivée à revoir à la baisse le temps, l’énergie et l’espace mental consacré aux activités en ligne. Bien qu’il me reste encore quelques ajustements à faire, je pense être désormais sur la bonne voie pour faire une place minimale, utile et réfléchie aux écrans et à internet dans mon quotidien.

Pour aller plus loin :

Avortée – une histoire intime de l’IVG

De Pauline Harmange

Résumé : Pour l’avortement, comme pour tant d’autres sujets, le patriarcat nous interdit la complexité.Il faudrait toujours aller bien, ou toujours regretter. Mais où est la parole de celles qui ne regrettent pas, mais qui vivent dans leur corps et dans leurs émotions une expérience rendue d’autant plus difficile par la loi du silence qui règne toujours autour de ce sujet – trop personnel, trop intime, trop tabou ? Pauline Harmange nous livre dans Avortée un essai intime et documenté autour de son propre IVG. Alors que le droit à l’avortement est remis régulièrement en cause en France, comme ailleurs, elle présente ici les émotions, les réflexions et les contradictions que l’on peut avoir quand on est féministe et confrontée dans sa chair par l’avortement. C’est une vision résolument politique que l’autrice porte : redonner du pouvoir à nos vécus, tous nos vécus, pour mieux transformer la société.

Mon avis : Ce récit à la fois intime et politique a complètement changé mon regard sur l’avortement – ou pour être plus exacte, il m’a incité à ouvrir les yeux sur une intervention, une expérience à laquelle je ne m’étais jamais réellement intéressée ou posé de questions. Bien que je suive l’évolution du droit à l’avortement dans différents états à travers le monde depuis des années (ça fait d’ailleurs partie des sujets d’actualité que l’on décortique avec mes élèves d’anthropologie) et que je connaisse deux personnes ayant avorté, je n’avais jamais pris conscience de ce pouvait impliquer l’avortement, physiologiquement et émotionnellement, avant, pendant et après, ni réalisé combien ce sujet était tabou. Quelles que soient les raisons pour lesquelles une personne choisit d’avorter, le récit de Pauline montre bien que ce n’est jamais anodin et met en lumière l’importance, pour les personnes ayant avorté, de pouvoir parler librement de leur vécu, de leur douleur, de leur deuil et d’être accompagnées, avec bienveillance, sororité et professionnalisme, dans cette épreuve.

Pour aller plus loin :

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