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Le jour où j’ai arrêté de manger des animaux

À l’aube de la trentaine j’ai décidé de ne plus manger d’animaux. Même si j’ai mis de longues années à le réaliser, c’était ce que mon corps et ma conscience me réclamaient depuis fort longtemps… Aujourd’hui j’aimerais partager avec vous ce cheminement : pas pour vous donner les innombrables raisons pour lesquelles manger de la viande me semble personnellement désormais inconcevable, ni pour faire l’apologie du végétari*me, mais simplement pour ouvrir la porte à de nouvelles réflexions sur nos habitudes alimentaires, la manière dont elles se forgent et évoluent au fil des expériences et des prises de conscience…

Mes habitudes alimentaires dans l’enfance

Mes parents viennent tous deux de l’Inde, pays dont les traditions culinaires ont toujours influencé nos repas. La cuisine indienne faisant la part belle au riz, aux légumes et aux lentilles, j’ai grandi dans une famille où la consommation de viande était assez modérée et les plats végétariens dominants. Nous ne mangions pas de poissons ni de fruits de mer (ma mère n’en cuisinait pas par goût) ni de porc (par tradition) et la viande était au menu 2-3 fois par semaine. J’en mangeais sans me poser de questions, mais seulement s’il n’y avait ni trace de gras, de nerfs, de peau ou d’os car ces derniers me dégoutaient !

Étant donné que je n’avais pas développé le goût pour les fruits de mer et le poisson, je n’aimais pas particulièrement cela. J’ai eu des périodes avec et des périodes sans et s’il m’arrivait d’en manger il fallait que le poisson soit en filet, sans arêtes, ni peau, ni queue, ni yeux, ni tête- comme pour la viande, cela me perturbait de voir le lien entre le corps et la chair de l’animal que j’avalais. Pour les fruits de mer, je mangeais parfois des moules et des crevettes, à condition que ces dernières soient décortiquées et qu’il n’y ait bien évidemment ni trace d’antennes, de pattes, d’yeux ou de queue…

J’ai donc toujours eu un rapport très sélectif à la viande…

Le jour où je me suis retrouvée avec des animaux ‘exotiques’ dans mon assiette

Lors de mon voyage à bord du voilier Fleur de Lampaul, nous avons fait escale dans différents pays où l’on consommait des animaux que je n’avais pas l’habitude de manger : des rongeurs, des cétacés, des tortues, des vers, du singe… Je dois avouer que j’ai mangé les 3 premiers sans broncher car j’ignorais ce qui se trouvait dans mon assiette ! Néanmoins, quand j’ai su de quoi il s’agissait, j’ai ressenti un profond malaise : dans mes repères, les rongeurs étaient considérés comme des espèces insalubres et les cétacés et les tortues comme de beaux animaux à protéger… Pour la première fois je réalisais donc à quel point la perception des animaux qu’on mange est influencée par notre contexte culturel.

J’ai malgré tout bel et bien mangé du singe et en toute connaissance de cause : je n’ai cependant pas pu en avaler plus d’une bouchée. C’était en Guyane Française où le père de la famille chez qui je séjournais est revenu de chasse un jour avec un singe mort sur son dos : j’ai ensuite assisté aux différentes étapes de la préparation- dépouillement, cuisson, dépecage… Une fois dans mon assiette, je ne pouvais penser à autre chose qu’à ce petit singe qui se baladait encore librement dans la forêt quelques heures auparavant et qui se trouvait désormais réduit à des morceaux de chair grillée… Une seconde graine de réflexion fut plantée : pourquoi cela me dérangeait-il de manger certains animaux et pas d’autres ?

Quant aux vers, c’est en Nouvelle Calédonie que j’ai bien failli en croquer : des vers de Bancoule qui se dégustent crus après les avoir fait dégorger dans de la noix de coco pendant plusieurs jours. Qui dit vers crus, dit vers vivants ! L’idée de tuer des vers en les croquant – tête la 1ère – me répugnait au plus haut point et rien que d’y penser me donnait envie de vomir… À mon plus grand soulagement, j’ai pu échapper à la dégustation de ce met local ! Cette situation a semé une 3ème graine de réflexion en moi : pourquoi l’idée de tuer des animaux me dérangeait-elle alors que je mangeais déjà des animaux morts sans me poser de questions ?

De retour de voyage, j’ai malgré tout continué de manger de la viande sans y penser.

Le jour où j’ai commencé à éviter la viande

En seconde, je suis tombée malade suite à la consommation d’un steak haché mal cuit à la cantine. J’ai alors pris conscience des saletés que pouvait contenir la viande et à partir de ce jour-là j’ai consciemment et autant que possible pris le parti d’éviter d’en manger en dehors de chez mes parents. Ainsi, j’ai aussi réalisé que je préférais largement les options sans viande et quand je suis partie faire ma 1ère et ma Terminale à l’étranger, je me suis inscrite sur la liste des végétariens à la cantine. Je ne mangeais donc plus de viande en dehors des fois où je rentrais dans ma famille ou celles où j’étais invitée chez des amis. Quand je mangeais à l’extérieur et que cela était possible, mon choix se portait toujours sur une option végétarienne : non seulement par souci de santé mais aussi et surtout par goût.

Le jour où j’ai ré-intégré la viande

Lorsque j’ai commencé l’université où, pour la 1ère fois, j’étais en charge de cuisiner mes repas, j’ai naturellement continué d’éviter la viande : non seulement je préférais manger végétarien pour une question de goût et de coût, mais en plus l’idée de manipuler de la chair froide me dégoutait.

Néanmoins, quand je me suis installée dans une vraie maison, en collocation, et que j’ai pu commencer à inviter des amis pour dîner je me suis résolue à cuisiner des plats carnés car j’avais dans l’idée que pour recevoir en bonne et due forme, il fallait absolument servir de la viande ! J’ai donc appris à cuisiner celles qui me demanderaient le moins de manipulation possible : le blanc de volaille, la viande de boeuf haché et le filet de saumon.

Par la suite, j’ai commencé à me soucier de mon bien-être physique et mes lectures m’ont laissé croire que pour être en bonne santé, il fallait consommer de la viande. Je me suis donc mise à en acheter plus régulièrement et j’ai fini par intégrer la viande à mes repas 1 à 2 fois par semaine. C’était généralement sous la forme de fines tranches de blanc de dinde rôties : ça ne demandait aucune préparation ni manipulation et pour moi c’était le meilleur de la viande ! Puis, quand je me suis installée avec J. qui aimait cuisiner le poisson et différents plats carnés, j’ai commencé à en consommer une plus grande diversité et un peu plus souvent : 2-3 fois par semaine.

Je continuais néanmoins de cuisiner végétarien régulièrement et de choisir des options sans viande quand cela était possible– j’étais d’ailleurs inscrite comme végétarienne à la cantine de mon lieu de travail. Je restais tout de même persuadée que la viande était nécessaire à une alimentation équilibrée…

Le jour où j’ai arrêté de cuisiner des animaux marins

Il y a environ 2 ans, j’ai commencé à m’intéresser aux différents moyens par lesquels je pouvais réduire mon impact écologique dans le quotidien et j’ai très vite réalisé que je pouvais faire une réelle différence en changeant le contenu de mon assiette.

Mes 1ères lectures m’ont amenée à découvrir l’impact écologique d’une part, mais aussi l’impact sanitaire et les implications éthiques de la consommation d’animaux marins d’autre part. La contamination au mercure, les prises accessoires, les étiquetages frauduleux, le chalutage profond…  plus j’en apprenais sur l’industrie des produits de la mer, plus j’étais dégoutée et dépitée d’en avoir consommé les yeux fermés pendant tant d’années ! (Pour en savoir plus à ce sujet, je vous recommande le site de l’association Bloom).

Comme je n’ai jamais particulièrement aimé le poisson et les fruits de mer, je n’ai pas beaucoup hésité avant de décider de ne plus en acheter. Je continuais néanmoins d’en manger si l’on m’en servait quand j’étais invitée chez quelqu’un.

Le jour où j’ai réduit ma consommation d’animaux terrestres

Dans la foulée, j’en ai appris plus sur l’impact écologique et sanitaire ainsi que l’implication éthique de la consommation d’animaux terrestres : les ressources nécessaires à la production de viande, l’horreur des élevages intensifs, la pollution engendrée par ce système, les conditions d’abattage etc. (pour plus de détail sur ces différents aspects je vous conseille de consulter le site de l’association L214 Ethique et Animaux).

Plus j’en apprenais, plus il me semblait abominable de continuer de consommer de la viande issue de l’élevage industriel. J’ai donc rapidement décidé de ne plus acheter de viande au supermarché ou chez le boucher et de me fournir directement auprès d’un éleveur bio situé à quelques kilomètres à peine de chez nous. Étant donné qu’il y avait moins de choix et que c’était plus cher, nous avons fortement réduit notre consommation de viande et les repas végétariens ont gagné du terrain dans notre quotidien.

Le jour où j’ai arrêté de manger des animaux

Plus j’avançais dans mes recherches et mes lectures, plus je réalisais que même manger de la viande bio d’animaux élevés localement et dans de bonnes conditions, me posait un véritable cas de conscience… car je savais désormais que les nutriments qu’on considère communément comme étant propres à la viande sont également présents dans une diversité d’aliments d’origine végétale. Je savais donc que je pouvais manger de manière saine et équilibrée en me nourrissant d’aliments à l’empreinte écologique bien moins importante que celle de la viande et dont la production ne nécessitait pas d’envoyer les animaux à l’abattoir…

En outre, j’ai repensé à mes habitudes très sélectives face à la viande ainsi qu’aux questions que je me suis posées lors de mon voyage à bord de Fleur de Lampaul et petit à petit j’avais le sentiment de trouver des explications à mes préférences alimentaires bien particulières et des réponses aux questions laissées si longtemps en suspend. Je réalisai enfin que j’avais jusque-là mangé de la viande parce que j’avais grandi dans un contexte socio-culturel qui m’y avait habitué alors qu’inconsciemment manger des animaux me dérangeait.

L’idée de ne plus manger d’animaux a trotté dans ma tête pendant quelques mois avant que je n’ose exprimer ma décision. J’ai beaucoup hésité car je sais combien le fait de manger différemment peut être contraignant socialement parlant- je n’ai jamais mangé de porc et cela faisait une dizaine d’année que je ne mangeais plus de blé pour des raisons de santé. J’avais donc l’habitude de devoir expliquer ce que je ne mangeais pas et pourquoi, ce qui me mettait toujours mal à l’aise. L’idée d’ajouter une catégorie entière d’aliments à “la liste des choses que Natasha ne mange pas” me dérangeait donc d’autant plus. En outre, personne dans mon entourage ne s’intéresse aux questions éthiques et environnementales qui me préoccupent tant donc je savais que justifier mes choix serait compliqué.

Et puis, la période des fêtes de fin d’année 2013 est arrivée : après avoir enchaîné d’innombrables repas festifs où il y avait plus de viande que de raison, j’ai réalisé combien faire des efforts pour les autres me pesait non seulement moralement mais aussi physiquement– étant donné que je consommais peu de viande habituellement, je pouvais sentir la différence quand j’en mangeais en plus grosse quantité et en plus de mauvaise qualité.

La veille de notre retour chez nous, après 3 semaines de vacances passées à torturer ma conscience, j’ai donc annoncé à J. qu’une fois rentrée je ne mangerai plus d’animaux… et j’ai en même temps arrêté de cuisiner avec des produits d’animaux (produits laitiers, oeufs, miel).

C’était il y a plus d’un an maintenant et même si être végé en société est parfois compliqué, cette nouvelle étape de franchie dans ma vie m’a à la fois soulagée et aussi apporté bien plus que je ne l’imaginais… Mais tout ça, je vous en reparlerai une autre fois !

Vous souvenez-vous du jour où vous avez décidé de ne plus manger d’animaux ? Avez-vous déjà réfléchi à l’idée de ne plus en manger ?
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