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Peut-on être végane et locavore ? {Extrait du livre Planète Végane d’Ophélie Véron}

Depuis quelques jours, vous pouvez retrouver un tout nouveau livre au sujet du véganisme en librairie : il s’agit de  Planète Végane d’Ophélie Véron, alias Antigone XXI. À l’heure où j’écris cet article, je n’ai pas encore l’ouvrage entre mes mains, mais connaissant l’autrice, sa plume, ses qualités de chercheuse et son expérience, je sens que ce sera une lecture enrichissante !

En attendant, j’aimerais partager avec vous un tout petit extrait de ce livre et pas n’importe lequel puisque c’est moi qui l’ai écrit ! J’étais vraiment heureuse et touchée qu’Ophélie me propose de contribuer à son chapitre sur l’environnement en partageant ma réponse à la question suivante : « Peut-on être végane et locavore ? ». C’est un thème que j’avais déjà abordé sur le blog l’an dernier tout au long de l’éco-défi « Manger local et végétal » et je sais que c’est une question qui préoccupe nombre d’entre vous. J’espère que ma modeste contribution vous apportera quelques réponses et vous donnera quelques pistes pour allier locavorisme et végétalisme.

Le problème de l’alimentation végétale, c’est que ce n’est pas local !” : voilà l’une des critiques du végétalisme les plus récurrentes que je lis et que j’entends un peu partout. De manière générale, cette affirmation sous-entend que l’alimentation végétalienne dépendrait de la consommation de produits importés et qu’elle ne serait de ce fait pas écologique. Les personnes qui (se) font cette réflexion considèrent donc  que si l’on souhaite vraiment réduire l’empreinte carbone de notre assiette, la meilleure option serait d’avoir une alimentation locale omnivore.

Cette critique me titille pour deux raisons. La première, c’est qu’elle ne tient pas compte du fait que les émissions de gaz à effet de serre liées à la production de produits carnés locaux restent dans certains cas plus importantes que celle liées à la production et au transport d’aliments d’origine végétale (1). La seconde, c’est que cette critique suppose que les aliments d’origine végétale locaux ne sont pas suffisants pour remplir nos besoins nutritionnels.

Or, à moins d’habiter dans une zone géographique complètement inadaptée à la culture d’une diversité de plantes comestibles, telles que les Territoires du Nord-Ouest canadiens ou le continent Antarctique par exemple, nous avons à notre portée la grande majorité des végétaux pouvant nous fournir les nutriments dont nous avons besoin au quotidien. En effet, toutes les catégories d’aliments d’origine végétale nécessaires à une alimentation saine, variée et équilibrée sont cultivées dans nos contrées : des fruits, des légumes, des céréales et pseudo-céréales complètes, des légumes secs, des graines, des fruits à coque, des oléagineux…

En France, par exemple, on trouve différentes sortes de fruits et de légumes sur les étals des producteurs.rices locaux.ales tout au long de l’année. L’on y cultive aussi plusieurs céréales et pseudo-céréales telles que le blé, le maïs, l’orge et le riz principalement, mais aussi l’avoine, le seigle, l’épeautre, le millet, le quinoa et le sarrasin. Du côté des légumes secs, on trouve des haricots secs (flageolets verts, cocos blancs, haricots tarbais…), des lentilles vertes, des pois ronds et des pois cassés, des pois chiches, des fèves et du soja. Pour ce qui est des fruits à coque et des graines, on peut se régaler d’amandes, de noisettes, de noix, de châtaignes, de graines de tournesol, de courge, de chanvre et de lin, dont plusieurs que l’on retrouve sous forme d’huile. Avec tout ces aliments et bien d’autres encore, nous avons la possibilité de nous délecter d’une belle diversité de délices végétaliens réalisés à partir d’ingrédients locaux qui contiennent – hormis la B12 – tous les nutriments dont nous avons besoin pour une santé optimale :  des glucides, des lipides, des protéines, des vitamines et des sels minéraux.

Malgré la richesse du terroir local, il faut toutefois admettre qu’il reste généralement difficile de trouver certains de ces aliments dans les commerces du coin, en particulier les légumes secs qui constituent la source de protéines principale d’une alimentation végétalienne. Comme on le sait désormais, ce n’est pourtant pas faute de pouvoir les cultiver. Malheureusement, à l’heure actuelle, la culture des légumes secs représente seulement 2% des grandes cultures en France et leur consommation moyenne par habitant ne dépasse pas les 2 kilos par an (2). Ce manque d’intérêt pour les légumes secs dans nos assiettes, traditionnellement appelés “la viande du pauvre”, s’est accru peu après la seconde guerre mondiale, lorsqu’on a commencé à les associer à l’alimentation animale. En outre, ils sont bien souvent très peu valorisés et plutôt mal placés dans la pyramide alimentaire classique qui suggère que la viande, le poisson et les oeufs constituent notre seule source de protéines et que les légumes secs sont équivalents aux céréales. Cela n’encourage donc pas l’intégration des légumes secs dans les foyers peu habitués à les cuisiner et préférant les céréales, plus populaires et déjà intégrées à nos moeurs culinaires.

La difficulté de trouver des sources de protéines végétales locales n’est donc pas dû à l’impossibilité de les cultiver, mais il s’agit-là plutôt d’un exemple classique de notre modèle économique où l’offre s’adapte en fonction de la demande. Étant donné l’intérêt grandissant pour l’alimentation végétale, on peut donc imaginer que les cultures de légumes secs dans les régions françaises où ils ont été délaissés pourraient reprendre et se développer dans les années à venir. En attendant, il nous faudra continuer de faire des efforts supplémentaires pour trouver les légumes secs cultivés en France. Pour cela, on peut se rapprocher de producteurs.rices, de revendeurs.euses, de coopératives et de maraîchers.ères privilégiant la vente de produits locaux et leur faire entendre notre désir de pouvoir nous nourrir de légumes secs du coin.

N’oublions pas non plus que l’alimentation “locale” peut tout à fait inclure la consommation de produits venant des pays voisins. Après tout, il ne tient qu’à nous de déterminer les limites de notre périmètre locavore et bien souvent, il est plus écologique de consommer les aliments produits à 100 kilomètres mais de l’autre côté de la frontière que ceux cultivés dans notre pays mais à 500 kilomètres de chez soi. C’est pourquoi, faute de pouvoir trouver des légumes secs cultivés dans ma région, j’ai fait le choix d’acheter ceux cultivés en Italie que je trouve facilement en magasin bio (haricots rouges, haricots borlotti, haricots cannellini…).

Quant aux autres catégories d’aliments essentiels à une alimentation végétalienne, nous pouvons les trouver bien plus facilement parmi les produits locaux. Il suffit de faire un tour au marché, dans les magasins bio, les magasins locavores, les coopératives alimentaires, les AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne), La Ruche Qui dit Oui ! et même dans les rayons “produits de nos régions” de certains supermarchés pour s’en rendre compte !

On peut donc tout à fait avoir une alimentation locale et végétalienne saine, variée et équilibrée si l’on prend le temps de découvrir les produits de nos contrées et si l’on prend la peine de promouvoir leur développement afin de les rendre plus accessibles. Il s’agit donc avant tout d’une question de motivation et de volonté de notre part mais aussi de celle des producteurs.rices !

Sources

(1) Christopher L. Weber, H. Scott Matthews, “Food-Miles and the Relative Climate Impacts of Food Choices in the United States”, Environ. Sci. Technol., 2008, 42 (10), pp 3508–3513

(2) Marie-Benoit Magrini, “Can we bring the benefits of pulse crops into the light ? Insights from the French agricultural sector.

Extrait du livre Planète Végane par Ophélie Véron, Éditions Marabout.
Parvenez-vous à manger principalement local et végétal ? Quelles sont vos produits locaux et végétaliens préférés ? Quels sont les types d’aliments que vous avez du mal à trouver ?
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