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Clémentine, son amour pour ses juments et ses questionnements

Au fil de mes échanges avec Clémentine du blog Clémentine La Mandarine, j’ai régulièrement entendu parler de ses juments, ou plutôt de ses « poneys », comme elle aime les appeler. J’ai aussi lu, durant son challenge intitulé « J’suis pas végane mais j’me soigne », ses questionnements au sujet des animaux domestiques et sauvages, et plus récemment, son billet au sujet du spécisme et de l’équitation.

Aujourd’hui Clémentine nous parle de son amour pour Brownie et Eclipse, de son expérience autour du bien-être des chevaux et nous confie où elle en est dans ses réflexions…

Clémentine, comment est née ta passion pour les chevaux ?

Mon Grand-père m’a transmis cette passion. Je ne me souviens pas qu’il n’y ait pas eu de chevaux dans ses prés, derrière chez lui. Aujourd’hui, alors qu’il est trop âgé pour monter à cheval et s’occuper de chevaux lui-même, il prête son terrain à la femme de son cousin… qui y a installé un poney-club !

Je me souviens de la relation entre mon Grand-père et sa jument blanche, La Termoise. Dès qu’il pointait le bout de son nez dans le pré, elle venait, toute heureuse. Je me souviens qu’il me disait « Je lui parle, et elle m’écoute. » Je crois que je commence seulement à comprendre tout ce que cette simple phrase peut vouloir dire. Ils semblaient si bien se connaître, se comprendre ! Je rêvais d’avoir cette relation avec un cheval un jour.

Peux-tu nous parler de ta rencontre et de ta relation avec tes juments ?

J’ai rencontré Brownie… environ 1h après sa naissance ! C’est la fille de ma précédente jument, Kenie, qui est ensuite partie avec une amie très chère. Nous étions partis manger en ville, j’avais oublié mon téléphone portable. En rentrant à la maison, je découvre deux messages de Brigitte, chez qui Kenie était hébergée. Le premier me disait « Si tu veux voir ton poulain naître, c’est maintenant. » et le second, d’une voix tremblante « C’est bon, elles vont bien toutes les deux. ».

Ce jour là, Brigitte, qui n’allait jamais voir les deux poulinières le soir, a eu envie de jeter un oeil. Quand elle est arrivée dans la poupounière (deux box immenses qui étaient réservés aux deux poulinières cette année là), Kenie s’est avancée vers elle. Elle s’est laissé caresser calmement, ce qui ne lui ressemblait pas du tout. Ce fut le moment du premier message. Puis, Kenie s’est tournée, et deux sabots dépassaient. Visiblement, elle n’arrivait pas à donner naissance seule. Brigitte a donc fait naître pour la première fois de sa vie un poulain. Je me dis aujourd’hui « Heureusement que j’avais oublié mon téléphone ce jour-là. J’aurais été tellement paniquée que j’aurais certainement empêcher Brigitte de réagir avec autant de sang froid qu’elle l’a fait ! »

Lorsque nous sommes arrivés, Brownie, petite pouliche toute noire commençait tout juste à se mettre debout.

Lorsque j’ai eu l’envie folle de faire avoir un poulain à Kenie, je rêvais qu’elle aurait une petite pouliche, noire, d’environ 1m45, avec la tête de bébé de sa Maman, le dos puissant de son papa et un caractère à la fois vif et doux. Et là, c’est tout ce dont je rêvais – sauf pour la tête de bébé, mais qu’importe ! J’ai la sensation d’avoir pu bâtir une relation plus forte avec Brownie qu’avec n’importe quel autre des chevaux que j’ai pu côtoyer. Je serai par contre tout à fait incapable de définir cette relation.

Quant à Eclipse, ma seconde jument, j’ai eu un coup de foudre. L’acheter n’était vraiment pas raisonnable ! J’aime tellement son caractère, sa bouille, ses attitudes. Je n’ai jamais pu tisser la relation que j’ai avec Brownie avec elle. C’est différent. Plus distant, mais c’est aussi son caractère qui est ainsi. Brownie est un câlin géant tout noir. Eclipse est plutôt un être mystérieux qui vous accorde ses faveurs les jours où elle en a envie et vous snobe totalement les autres.

J’ai à mon immense regret dû placer Eclipse dans un club où elle travaille contre sa pension, cela pour des raisons financières. Je rêve de pouvoir de nouveau la reprendre avec Brownie. Grâce à toi Natasha, et toutes les autres personnes qui font de mon site et ma boutique ce qu’ils sont en train de devenir, ce sera peut-être possible avant que quelqu’un ne décide de l’acheter.

Concrètement, quelles sont les conditions de vie idéales pour le bien-être physique et émotionnel d’un cheval “domestiqué” ?

Cette question n’a pas, j’en ai peur, de réponse facile. Tout dépend du cheval, de son âge, de ce qu’il fait des ses journées, de sa condition physique, de sa race…

Certains chevaux, à force d’être croisés pour devenir des champions, sont devenus extrêmement fragiles. Impossible de les mettre au pré l’été, ils ne supportent pas les mouches, taons, et autres petites bêtes. Impossible de les mettre au pré l’hiver, il y fait trop froid pour eux… Ces chevaux sont trop éloignés de leur ancêtres sauvages pour vivre en extérieur, et le box, la nourriture granulée et vitaminée et les soins attentifs me semblent leur être indispensable. Bien entendu, des sorties en journée, dans de petits prés individuels sont alors une joie pour eux. Avant qu’il ne fasse trop chaud l’été. Ou aux heures les moins froides en plein hiver… Ces chevaux souvent dressés très jeunes ne semblent pas savoir être autre chose que des travailleurs acharnés. Certains sont extrêmement apeurés en balade dans les bois. D’autres vont réclamer à retourner dans leur box après une courte sortie. Cela me fait penser à ces enfants prodiges que l’on peut croiser dans des séries ou des films qui me semblent parfois ne pas réussir à avoir de vie en dehors de leur don.

D’autres chevaux, des « cocktails de prairie », c’est-à-dire des chevaux aux origines mixtes ou des chevaux de races rustiques sont plus résistants. Ils peuvent vivre dehors toute l’année. Certains d’entre eux apprécieront d’y être, d’autres moins. Ou alors jeunes, ils chériront le pré, et plus âgés, préféreront le box. Brownie vit au pré toute l’année, et clairement, n’aime pas être au box. Il n’y a qu’à voir sa bouille lorsqu’elle doit y rester ! Elle a pour l’instant seulement 4 ans, et lorsqu’elle en aura 25, son avis changera peut-être.

J’ai visionné un reportage sur des chevaux retournés à l’état sauvage dans le Delta du Danube. La première génération née en liberté avait déjà développé une adaptation enzymatique dans leur estomac, leur permettant de digérer l’écorce de bouleau, dans laquelle se trouve une substance leur permettant de se prémunir d’une maladie qui décime les poulains nés en liberté. Le retour a la vie sauvage peut donc certainement se faire plus facilement que nous le pensons pour les chevaux qui ne sont pas trop fragiles. Mais ces nouvelles conditions de vie, rudes, sont-elles plus en accord avec le bien-être physique et émotionnel du cheval ? Ou la liberté a-t-elle un prix ? Je ne sais que me poser la question !

Certains disent qu’il ne faut pas monter les chevaux, d’autres qu’il faut les monter à cru et/ou ne pas ferrer leurs sabots… quel est ton point de vue sur ces questions ?

Cela dépend du cheval et du cavalier.

Monter un cheval à cru, lorsque l’on ne sait bien monter à cheval peut très vite s’apparenter à une séance de trampoline sur le dos de l’équidé. Dans ce cas, à mon avis, une bonne selle permettra au cheval de bien moins souffrir !

Ne pas ferrer un cheval peut sembler une approche respectueuse. On parle beaucoup de parage naturel : le cheval ne porte pas de fer, et un maréchal ferrant lui coupe les sabots lorsqu’ils sont trop longs. Pour ma part, mais cette opinion est très personnelle, je pense que l’on ne peut qualifier de naturel un parage que lorsqu’il est réalisé par le cheval lui-même, en marchant sur des terrains variés, et en usant son sabot. Et non pas, par un humain, aussi doué et pourvu de bonnes intentions soit-il.

Pourquoi ne pas laisser tous les chevaux se parer naturellement eux-mêmes ? Certains ont des problèmes aux sabots, ou aux membres, et les fers vont jouer le rôle de que jouent des semelles orthopédiques pour nous. Pour d’autres, qui sortent beaucoup en extérieur, le ferrage sera indispensable pour ne pas user la corne plus vite qu’elle ne pousse.

Lorsque j’habitais chez mes parents, je ne faisais pas ferrer systématiquement ma jument. Nous parcourions des kilomètres de chemins en terre battue et ses sabots, solides, étaient en excellents états ainsi !

Aujourd’hui, Brownie porte des fers. Lorsque je pars en balade, nous devons marcher sur beaucoup de goudron avant d’atteindre les zones non urbanisées. Ses sabots s’usaient beaucoup trop vite lorsqu’elle n’était pas ferrée ! Et lorsqu’elle ne porte pas de fers, et elle demande à marcher sur l’herbe dès qu’elle en voit… ou refuse tout simplement de partir en balade !

Ainsi, je pense que chaque relation, chaque cheval, chaque environnement est unique. Savoir se remettre en question est sans doute la clé à toutes les situations. Je pense que toute personne présentant une idée figée comme étant la solution valable pour tous les chevaux n’est pas le bon interlocuteur. Encore une fois, c’est un avis personnel ☺

Quant à monter les chevaux… est-ce une exploitation certaine ? Est-elle néfaste ? Lorsque je demande à Petit Lutin de déposer pour moi du linge dans le panier de sale, est-ce que l’exploite ? Lorsque je demande à mon amoureux de me relire, est-ce que je l’exploite ? Lorsque je réponds à tes questions, est-ce que je suis exploitée ? Je ne pense pas, car nous avons l’opportunité de dire non, de négocier. Je pense donc – mais c’est très personnel – qu’un cheval qui accepte, sans y être contraint par la force et les réprimandes, d’être monté n’est pas exploité, utilisé. C’est un accord entre son cavalier et lui.

Pour cela, il faut connaître son cheval, l’écouter, essayer de le comprendre. Cela demande du temps, comme pour toute relation. Cela demande aussi de l’humilité car nous ne sommes pas, en géneral, accompagnés enfant pour considérer qu’il est possible de négocier entre humains. Alors avec les animaux !

Une amie, lorsqu’elle sent que son cheval n’est pas très motivé pour se balader, l’emmène dans le jardin de ses parents. Il y mange tranquillement le gazon pendant qu’elle lit au soleil. Le soir venu, ils rentrent ensembles tranquillement au club. Les jours où la motivation est encore plus faible, elle sort juste de son pré, et le laisse brouter l’herbe devant pendant qu’elle bronze tranquillement.

Comme tu l’as révélé dans ton article intitulé “Spécisme et équitation : mes questions sans réponses”, tu te poses aujourd’hui beaucoup de questions par rapport au fait d’avoir une jument comme compagne de loisirs. Qu’est-ce qui a provoqué cette réflexion ? Où en es-tu aujourd’hui  ?

C’est mon Amoureux, comme je l’explique dans cet article. Mais aussi « Lumiciole » par son commentaire à cet article. Et Laëtitia, une excellente amie vegan. Et Ophélie par sa réflexion au sujet des animaux domestiques. Et mes parents, qui ont toujours refusé d’avoir des animaux car ils refusaient de devoir les laisser pendant les vacances. Et le fait que je pose tout le temps des milliers de questions, et que je veux toujours prendre en compte tous les paramètres – parfois jusqu’à ce que la réflexion ne veuille plus rien dire.

Tout cela s’est doucement mélangé dans ma tête, pour donner naissance à toutes les questions que je me pose. Cela va jusqu’à me demander : comment formuler autrement que ma jument – et aussi mon Amoureux, mon fils… Ces possessifs sont là pour souligner un lien, mais ils sont possessifs, et parfois, cela me gêne. Est-elle ma jument ou est-elle une jument, être vivant qui n’appartient qu’à elle-même ? Comment parler d’elle aux autres personnes sans employer ce terme ?

Aujourd’hui, je cherche simplement à respecter au mieux Brownie et Eclipse. J’espère pouvoir très vite faire revenir Eclipse et lui apporter un cadre plus serein. Je souhaite les écouter au mieux, et apprendre à devenir plus humble dans ma relation avec elles.

Je tiens à te remercier pour ces questions. Y répondre m’a permis d’y voir plus clair, de structurer ma pensée. Je pense grâce à toi pouvoir aller plus loin dans ma réflexion sur ma relation à Brownie et Eclipse. Et aussi dans l’image de l’équitation que je souhaite offrir à Petit Lutin. Merci.

 

Retrouvez Clémentine sur son blog et sur sa page Facebook.

Est-ce que vous vous posez aussi des questions sur votre relation aux animaux domestiques qui vous entourent ?
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