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Pourquoi La révolution textile est-elle devenue végane ?

Il y a 2 ans, je vous proposais de relever un éco-défi de taille pour cheminer vers une garde-robe écologique, éthique et minimaliste. J’ai alors consacré plusieurs articles à ce thème en partageant mes astuces, mes réflexions et aussi mes bonnes adresses. Parmi les créateurs.rices et boutiques engagé.e.s que je vous avais présentés à ce moment-là, se trouvait Juste, la révolution textile, une marque française fondée par Myriam en 2013.

Ce qui m’avait tout de suite plu chez Myriam, c’était son désir profond et sincère de proposer des produits vestimentaires écologiques de qualité, fabriqués dans des conditions éthiques en France principalement et en Italie pour la filature du lin- seule étape impossible à réaliser en France à cause de l’absence d’infrastructures. En dehors du fait que chaque étape de la fabrication de ses vêtements et accessoires soit traçable, Myriam a mis un point d’honneur à présenter le détail du coût de revient de ses produits, une transparence qui permet de réaliser que sa démarche se veut juste- envers ses fournisseurs et ses client.e.s- jusqu’au bout. Chez La Révolution Textile, il n’y a donc pas de soldes, car les prix sont justes toute l’année. 

À ce moment-là, Myriam proposait une collection en lin et une autre en laine. Personnellement, j’amorçais à peine ma réflexion au sujet des textiles réalisés à partir de fibres animales et je n’avais pas vraiment d’idée arrêtée sur la question, par manque d’information. Dans mon article collaboratif “Pour être éthique et écologique, une garde-robe doit-elle être végane ?”, Myriam avait d’ailleurs partagé son point de vue sur le sujet. Depuis, son discours a changé puisqu’elle a décidé de ne plus vendre d’articles en laine et de faire de La révolution textile (sa marque a été “rebaptisée” entre temps) une marque 100% végane, en plus d’être évidemment toujours écologique, traçable et transparente.

Myriam et moi avons tout de suite sympathisé lors de nos premiers échanges en 2013 et c’est donc tout naturellement que nous sommes restées en contact et que nous nous sommes rencontrées lors du salon Veggie World à Lyon en janvier dernier. J’ai ainsi pu suivre le cheminement de Myriam et de La révolution textile au fil des mois et cela m’a donné envie de laisser à nouveau la parole à cette éco-entrepreneuse dont j’admire la motivation, l’ambition et l’intégrité, afin qu’elle partage avec vous pourquoi et comment elle a fait le choix de vendre des textiles 100% véganes.

Lorsque tu as fondé JUSTE, la révolution textile en 2013, quelles étaient tes priorités ?

Créer mon propre emploi avec ce que je savais faire et ce qui motivait dans la vie : créer une marque de vêtements 100% éthique.

Après avoir travaillé 3 ans au Japon dans la culture et 7 ans à Paris dans le textile, j’ai débarqué à Toulouse. Je me suis vite rendu compte qu’il n’y avait pas d’opportunité dans mon secteur ici. Après quelques missions dans la communication, j’ai décidé d’essayer de créer ma marque, qui correspondrait à 100% à mes valeurs : locale, traçable, écolo.

Ma priorité était de pouvoir proposer des vêtements qu’on serait fiers de porter car en fibre naturelle locale, avec une fabrication 100% française (de la fibre au packaging) et une empreinte carbone minime. Ensuite, c’était de pouvoir prouver qu’il est possible de fabriquer des vêtements sans qu’ils aient fait 10 fois le tour de la planète et qu’ils aient pollué la planète. La 3ème priorité était de mettre en avant les usines, les hommes et les femmes qui travaillent dans le secteur du textile et qui ont vu cette industrie s’effondrer depuis les années 90. Essayer de mettre en lumière les savoir-faire pour donner envie aux clients de soutenir cette industrie.

Tu avais alors fait le choix de vendre des textiles en lin et en laine. Qu’est-ce qui te plaisait le plus dans chacune de ces matières ?

La laine est venue plus tard dans la collection, la 2ème année. Après m’être rendue compte que les ventes de vêtements en lin étaient faibles en hiver.

Le lin est une matière fantastique. C’est la seule fibre naturelle qui pousse en France, donc on ne trouve pas plus local ! Ensuite, elle a toute les qualités du monde pour les personnes qui la portent (hypoallergénique, thermorégulatrice, antibactérien,…). Et c’est une plante riche qui est bonne pour le sol, est cultivée en agriculture raisonnée et n’a pas besoin d’irrigation. Toutes les transformations jusqu’à la filature sont mécaniques (pas de chimie). C’est la seule fibre qui présente toutes ces qualités ! Et en plus, la communauté du lin est très soudée, ce sont des gens très écolo, qui innovent et adorent leur métier. Ce sont des agriculteurs et des ouvriers qui sont très attachés à leur terre et à leur savoir-faire.

La laine est également locale si on choisit du mérinos d’Arles. Il est filé, cardé et teint dans le Sud-Ouest. Il ne reste quasiment plus de filature de laine cardée en France, donc ça me paraissait être un beau projet de mettre en avant les acteurs de cette filière qui se battent également pour préserver leurs entreprises et leurs emplois. La laine a également beaucoup de propriétés intéressantes, elle est chaude et très agréable car enveloppante en hiver.

Je peux beaucoup moins parler de laine car j’ai proposé une petite collection en laine que 2 saisons, contre 6 saisons avec le lin.

Comment avais-tu trouvé et sélectionné ton fournisseur en laine ?

J’ai d’abord recherché des filateurs français qui avaient dans leur catalogue des laines issues de troupeaux élevés en France. J’ai pu en trouver quelques-uns mais un seul qui connaissait personnellement l’éleveur de mérinos. Les autres proposaient plutôt des mélanges avec des mérinos d’Australie ou alors ils ne savaient pas du tout d’où venaient les toisons.

J’ai donc décidé de travailler avec ce filateur dans la Creuse qui m’a parlé de l’éleveur de mérinos avec lequel il travaille. Celui-ci élevait ses moutons pour leur laine et paraissait être un excentrique baba cool vivant dans ses montagnes avec ses brebis.

Qu’est-ce qui t’a motivée retirer la laine de tes collections et à faire de La révolution textile une marque 100% végane ? 

Après la première saison de laine, j’ai dû refaire toute une recherche de filateur car celui de la Creuse ne pouvait plus acheter de laine de son éleveur, celui-ci s’étant associé à une marque de plaids utilisant toute sa production. J’ai trouvé un autre filateur dans le sud-ouest qui me garantissait toutes mes exigences en termes de traçabilité, de local et d’écologie. J’ai décidé cette fois-ci d’aller visiter leur plus gros fournisseur de laine qui m’a emmenée chez un des éleveurs. Et là, j’ai ressenti un malaise assez rapidement. J’ai toujours acheté des vêtements en laine et en cuir sans me poser de question… Mon oncle et ma tante étaient même fourreurs dans les années 50 et j’ai toujours eu des manteaux en fourrure depuis que je suis petite. Je m’intéressais au sujet de loin, en lisant quelques articles sur des blogs, notamment celui d’Antigone XXI qui m’avait quand même fait réfléchir. Mais, quand on baigne dans une culture depuis l’enfance, c’est très difficile et long de s’en éloigner.

Dans cette exploitation que je visite début 2015, les brebis sont bien traitées. Elles sont en extérieur toute l’année. Je n’ai pas assisté à la tonte mais on m’explique bien qu’aucune blessure n’est tolérée car cela « endommage le produit ». 1er choc. Le mouton est un produit. Les brebis vivent environ 10 ans et chaque année, elles ont des petits qui sont destinés à la boucherie. Ceux-ci sont vendus sur des marchés internationaux (comme à la Bourse). Ils seront emmenés en camion pour être abattus principalement avant le Carême ou l’Aïd. Depuis, j’ai pu voir des vidéos de transport d’animaux et d’abattage. Me rendre compte du sort de ces agneaux m’a beaucoup émue. J’avais accouché 2 mois auparavant donc j’étais certainement encore plus sensible. Ensuite, le fait qu’il n’y ait pas de connaissance, de transparence concernant les conditions d’abattage, de transport de la part de l’éleveur m’a interpellée. Moi qui avait créé une marque 100% transparente où tout était réfléchi, pesé, pour que tout fasse partie d’un cycle vertueux, de la fibre à l’envoi des vêtements aux clients, c’était comme si une pierre s’était glissée sous une roue que je pensais bien huilée.

J’ai réalisé que je n’avais pas envie de rentrer dans ce système-là. Je n’ai rien contre les personnes qui portent de la laine ou du cuir, aucune envie de les faire changer (je pense que c’est un cheminement personnel) mais je n’ai simplement pas envie que ma petite entreprise fasse partie de cette chaîne d’approvisionnement qui implique la mort et la souffrance animales.

J’ai reçu de nombreux témoignages et mails de producteurs de laine français s’insurgeant contre l’article que j’avais publié sur mon site expliquant ce choix. Il existe des petits éleveurs qui ont des troupeaux dont ils récoltent la laine pour la vendre ou fabriquer eux-mêmes des vêtements. Cependant, après avoir cherché pendant longtemps, je n’ai pas pu trouver de laine chez eux pour mes collections. Soit ils ont trop peu de production et n’ont rien à vendre car ils ont déjà leurs acheteurs ou ils utilisent eux-mêmes leur production, soit leur laine n’est pas vendue en cône industriel et malheureusement, c’est un coût de développement que ma société ne peut pas prendre en charge.

J’ai donc décidé d’essayer de développer des produits en 100% lin, même pour l’hiver.

En quoi ces prises de conscience et ce cheminement t’ont-ils affectée dans ta vie personnelle ?

Je me suis posé beaucoup de questions sur mon mode de vie. J’ai complètement arrêté d’acheter du cuir ou de la laine. Je continue à mettre les vêtements que j’avais « avant » ou qu’on me donne mais je ne pourrais plus aller dans une boutique et acheter un pull en laine ou une paire de chaussures en cuir. J’ai trouvé un manteau chez Patagonia très chaud et sans fourrure animale. J’ai porté tout l’hiver le béret et les écharpes de la collection La Révolution Textile ! Et j’ai trouvé 5 ou 6 marques de belles chaussures véganes sur internet pour un prochain achat. De façon générale, je suis plus sensible à la cause animale. Il se trouve qu’on a parlé des souffrances animales dans les abattoirs dans les médias à plusieurs reprises ces 2 dernières années et même si c’est terrible, je trouve que c’est positif que cela sorte au grand jour. Je pense qu’une société qui ne traite pas bien les animaux est aussi une société qui ne traite pas bien les humains. L’écologie c’est respecter la planète, mais c’est également respecter les êtres qui y vivent. Une société sage et évoluée devrait prendre en compte le fait que les animaux ressentent beaucoup de choses, dont la souffrance. Quand je vois le succès du salon Veggie World, je me dis qu’on évolue tout de même !

Enfin, que peut-on souhaiter à La Révolution Textile et à son adorable fondatrice pour 2017 ?

C’est toi qui es adorable Natasha 😉 De faire plein de ventes en 2017 car la survie de l’entreprise en dépend !!

Pour aller plus loin…

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