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Les animaux & moi

D’aussi longtemps que je me souvienne, les discriminations entre les êtres humains m’ont toujours indignée et je n’ai jamais compris pourquoi l’on pouvait traiter les uns différemment des autres en fonction de leur couleur de peau, leur religion, leurs origines culturelles, leur milieu socio-économique, leur orientation sexuelle, leur apparence physique etc. …

Au fil du temps j’ai réalisé que ces discriminations étaient le résultat de croyances inculquées et renforcées par le contexte familial et socio-culturel dans lequel chacun·e d’entre nous évoluait. J’ai pris conscience de l’importance de creuser bien en deçà de la surface de notre comportement, pour atteindre les racines de notre esprit et décortiquer les graines qui avaient été semées au fil du temps et des expériences et qui avaient modelé nos croyances, notre manière d’agir, de penser et de raisonner.

Un jour, j’ai réalisé qu’il y avait un incroyable décalage entre la compassion et l’empathie dont je faisais preuve à certains égards et mon comportement aussi contradictoire que discriminatoire envers… les animaux. J’ai donc pris le temps de chercher à comprendre comment et pourquoi j’avais développé une certaine sensibilité envers certains et de l’indifférence envers d’autres.

Je ne me suis jamais considérée comme étant “l’amie des bêtes” et j’ai pourtant eu des raisonnements et fait des choix, très jeune, démontrant une certaine sensibilité envers leur bien-être. Je me suis toujours considérée comme étant sensible à la souffrance et respectueuse de la vie, et j’ai pourtant mis longtemps à questionner les conditions dans lesquelles certains animaux étaient exploités par l’Homme et les conséquences de cette exploitation sur leur bien-être et sur l’environnement.

Petit à petit, en revenant en arrière, en prenant le temps d’identifier mes émotions et d’analyser mes réactions, j’ai commencé à comprendre ce qui avait contribué à façonner et à changer ma perception et mon comportement vis à vis de différents animaux…

Les animaux citadins

Quand mon frère et moi étions tous jeunes, notre papa se plantait devant les vitres du balcon, Kiki dans ses bras et moi à leurs côtés, et il nous racontait l’histoire des pigeons qui s’y trouvaient. Il nous parlait de leurs périples, de leurs soucis et il leur donnait même de petits noms ! Ses histoires étaient, il faut bien l’avouer, très ennuyantes ! Néanmoins, elles ont très certainement contribué à mon sens de l’observation des animaux et m’ont permis de porter un regard attentif et bienveillant sur ces animaux citadins du quotidien si présents qu’ils en deviennent invisibles, voire dénigrés… Ainsi, j’ai toujours pris plaisir à observer les petits animaux dont on pouvait croiser le chemin en ville et je me surprends même parfois, à mon tour, à imaginer leur histoire…

Les animaux sauvages

En outre, tout au long de mon enfance, il s’est rarement passé une journée sans que mon papa n’allume la télé pour regarder un documentaire animalier. Grâce à lui, j’ai donc découvert le monde fascinant des animaux sauvages… en dehors de la ville !

Je me souviens très bien de ma toute première rencontre sauvage en milieu naturel : c’était lors d’une classe nature à l’école primaire. Un matin, au réveil, sur la falaise abrupte en face de notre campement, se baladaient agilement des chamois. J’étais ébahie par leur aisance à flâner le long de falaises aussi raides et escarpées sans perdre leur sang froid ni leur équilibre !

Par la suite, j’ai eu la chance d’observer une diversité d’espèces sauvages dans leur milieu naturel, notamment lors de mon voyage à bord du voilier Fleur de Lampaul durant lequel j’ai découvert la splendeur et la richesse du monde sous-marin. Un peu plus tard, en Tanzanie, c’est avec beaucoup d’émotions que j’ai vu de mes propres yeux ces espèces que j’avais passé mon enfance à admirer derrière un petit écran

J’aimais observer les animaux dans leur milieu naturel, je me sentais privilégiée à chaque fois que ce bonheur m’était donné, mais il existait malgré tout une barrière entre nous : je les considérais, inconsciemment, comme faisant partie d’un autre monde.

Puis, quand je suis retournée vivre sur l’Île de Vancouver, où je croisais des biches et des ratons laveurs avant même de croiser des personnes le matin, mon rapport aux animaux sauvages a soudainement changé : il ne s’agissait plus d’espèces appartenant à un monde lointain, mais il s’agissait d’animaux dont je partageais dorénavant l’environnement… Vivre sur l’Île de Vancouver a changé beaucoup de choses en moi : je dois non seulement à ce lieu magique, la naissance de ce blog, mais aussi mon désir d’agir pour protéger l’environnement et la vie sauvage. Cet endroit, c’est aussi et surtout celui où j’ai cessé de diviser le monde. Désormais, à mes yeux, il n’y a plus les humains d’un côté, la nature et les animaux de l’autre, mais je considère que nous formons un tout. 

Jusque là, la préservation de la vie sauvage m’importait car je savais combien elle était importante à la survie de notre planète.  Aujourd’hui, j’ai en plus réalisé que cette planète n’appartient pas plus aux Hommes qu’elle n’appartient aux zèbres et aux papillons. La seule différence c’est que sans l’être humain, la planète continuerait de tourner mais sans les animaux et la biodiversité, toute forme de vie sur Terre prendrait fin…

Jusqu’à ce que je m’installe sur l’Île de Vancouver j’avais vu beaucoup d’animaux sauvages de “loin”, ou en tous cas, toujours dans des circonstances et des contextes où je me sentais en contrôle de la situation et de l’espace. Quand je plongeais, je pouvais remonter à bord d’une embarcation à tout moment et lors de safaris la voiture pouvait repartir n’importe quand. Mais pour la première fois, je vivais dans un contexte où la nature et la vie sauvage dominaient et je dois avouer qu’au début cela m’effrayait. Il m’a fallu du temps avant de m’habituer à l’idée de croiser des animaux sur mon chemin, aussi inoffensifs soient-ils. Les premiers mois, je refusais même d’aller me balader ou courir toute seule dans la forêt, de peur de croiser un ours ou un puma (les chances étaient certes moindres mais bien réelles). Petit à petit, j’ai appris à avoir confiance en la nature…

Les cirques et les zoos

Alors que je prends plaisir à observer les animaux sauvages dans leur élément naturel, les retrouver dans des cages, des aquariums, des bassins ou des numéros de cirque m’a toujours mise profondément mal à l’aise… Je n’ai jamais rien trouvé de beau ni de fascinant à observer des êtres vivants enfermés et domptés pour nous divertir. Quand Frédéric Edelstein, directeur et dompteur du cirque Pinder affirme que “le cirque est l’un des derniers endroits de la planète placé sous le signe de l’amour des animaux” (Manifeste pour les animaux de F.O. Giesbert p. 105) ou quand on me parle de l’intérêt “pédagogique” des zoos et des aquariums, je me retiens très fort pour ne pas pleurer. J’ai appris à aimer les animaux sans aller au cirque, et rien de ce que je sais des animaux ne m’a été enseigné lors de mes sorties scolaires au zoo ou dans des aquariums… Personnellement, je n’ai vu dans ces endroits-là, que de la tristesse de l’autre côté des vitres et des barreaux.

Il y a quelques années, l’une de mes connaissances avait décidé de fêter son anniversaire au zoo avec quelques copains, moi inclus… Prise au dépourvu et mal à l’aise, j’ai prétexté des difficultés financières pour éviter de me joindre à eux. Je n’avais jusque-là jamais rencontré quelqu’un qui comprenait mon point de vue sur les cirques et les zoos et comme je ne connaissais pas suffisamment bien ces personnes, je me voyais mal leur dire la vérité. À regrets, puisque bien évidemment, on a généreusement proposé de me payer mon entrée ! J’étais donc doublement gênée… Si l’occasion se présente à nouveau, j’espère réussir à expliquer en toute honnêteté pourquoi ce genre de sortie ne m’intéresse pas.

Les animaux domestiqués

J’ai grandi dans une famille où les animaux domestiques n’avaient pas leur place… même si on s’extasiait devant la beauté de la vie sauvage, mes parents n’éprouvaient aucun intérêt pour les animaux familiers. Du coup, je ne m’y suis jamais intéressée non plus, et pire encore, certains me dégoutaient et/ou me faisaient peur. Jusqu’à il y a à peine quelques années, mon coeur s’emballait systématiquement et je devais changer de trottoir si je croisais le chemin d’un chien ou d’un chat. Même si ça arrive encore, je me sens dans l’ensemble moins stressée en leur présence. Vivre dans un lieu où l’on croisait des animaux sauvages à toute heure de la journée a beaucoup aidé…

Cela dit, avoir un animal domestique reste encore impensable pour moi aujourd’hui. D’une part, j’ai encore un long chemin à parcourir avant de me sentir à l’aise, ne serait-ce que pour caresser un animal, et d’autre part, je me pose beaucoup de questions sur l’éthique des élevages d’animaux domestiques.

Ce qui est certain c’est que je ne me laisserai pas entraîner, comme j’ai pu le faire par le passé, pour monter à dos de dromadaires ou d’éléphants, lors de voyages à l’étranger. À l’époque, je ne voulais pas, non seulement parce que la proximité avec les animaux me dérangeait mais aussi parce que je ressentais un malaise similaire à celui ressenti lorsque je m’étais retrouvée face à des animaux sauvages enfermés. Mais comme pour la sortie au zoo, je n’ai pas osé exprimer mon ressenti. Bien qu’ils ne soient pas aussi confinés que les animaux des zoos, les dromadaires et éléphants qui transportent les touristes ne sont pas entièrement libres de leurs mouvements et sont souvent maltraités, comme en témoigne si bien cet article.

Les animaux dans mon assiette et sur ma peau

Enfin, il y a les animaux dont la laine me tient chaud l’hiver et le cuir garde mes pieds au sec… Alors que je me suis toujours indignée qu’on puisse porter de la fourrure, je ne m’étais pas posé la moindre question sur la provenance des fibres textiles animales que je portais jusqu’à il y a encore 2 ans ! J’avais tellement entendu dire que la laine c’est ce qu’il y a de plus chaud et le cuir ce qu’il y a de plus solide, que je m’orientais systématiquement vers ces matières sans réfléchir. Aujourd’hui, comme j’en ai discuté ici, je suis pleinement consciente de l’impact de leur production sur le bien-être animal et sur l’environnement et je compte bien faire de mon mieux pour ne plus contribuer au développement de ces industries sanglantes et polluantes.

Quant à la viande et tous les produits d’animaux, dans mon entourage tout le monde en mange et j’en ai avalé pendant très longtemps sans me questionner non plus… jusqu’au jour où, à 15 ans, je me suis retrouvée avec des morceaux de singe dans mon assiette ! Ce jour-là, fut le premier d’un long, très long, cheminement qui m’a amenée à prendre l’une des décisions les plus réfléchies et difficiles de ma vie : celle d’arrêter de manger des animaux d’abord et d’éviter les produits d’animaux ensuite. Les détails de ce cheminement seront abordés dans un autre article…

Faire le tour de ma perception des animaux dans différents domaines et des raisons qui pourraient expliquer mes choix et mes réactions m’a beaucoup aidé à prendre du recul par rapport à mes habitudes et à mes émotions. Cela m’a permis de mieux m’en détacher pour prendre, au fil du temps, des décisions conscientes et mûrement réfléchies afin que ma relation aux animaux ne nuise ni à leur bien-être, ni à notre planète.

J’ai encore beaucoup de questions à élucider, beaucoup de craintes à apaiser et de chemin à parcourir avant d’être en accord parfait avec mes valeurs et mes convictions… mais aujourd’hui je comprends mieux pourquoi et je suis pleinement consciente des barrières personnelles, sociales et culturelles qu’il me faudra franchir avant d’y arriver.

J’ignore si, quand ou comment j’y parviendrai. Mais je sais que cela ne tient qu’à moi…

… il ne tient qu’à moi d’être le changement que je voudrais voir dans le monde…

Comment votre rapport à différents animaux a-t-il évolué au fil du temps et des expériences ?
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