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Où sont les hommes engagés pour un quotidien plus éthique et écolo ?

On me demande de plus en plus souvent pourquoi il n’y a presque pas de commentaires et si peu de témoignages d’hommes sur mon blog. De toute évidence, je ne filtre ni le genre ni le sexe des personnes laissant un commentaire par ici et je m’adresse, dans mes articles, à tou·te·s celleux qui s’intéressent à l’écologie du quotidien. Bien sûr, ma voix et mon statut de femme raisonnent peut-être davantage en celleux qui s’identifient également en tant que telle. Je sais toutefois qu’il y a parmi vous des hommes qui me lisent. Mais force est de constater que vous êtes une minorité, très discrète de surcroît, ce qui reflète, à priori, le nombre d’hommes dans la société de manière plus générale qui sont véritablement engagés pour un mode de vie plus sain, plus éthique et plus écologique au quotidien et ce notamment au sein des couples hétérosexuels. Soit des hommes qui s’informent, prennent des initiatives et s’organisent pour intégrer des habitudes plus écologiques dans leur vie de tous les jours. Des hommes qui ne se contentent pas simplement d’approuver/questionner les choix de leur compagne mais qui les guident ou les accompagnent, à parts égales. Des hommes comme ça, il y en a. Il y en a peut-être pas assez, mais il y en a plein.

Il y a vous qui me lisez, il y a celui qui partage votre vie à vous, il y a votre fils, votre collègue, votre ami, votre voisin de palier, votre maraîcher… Les hommes engagés pour un quotidien plus éthique et écologique existent bel et bien et heureusement, parce que cela prouve que, malgré la tendance, nous pouvons – et devrions – toutes et tous nous sentir concerné·e·s par ces 1001 choix et gestes qui sont à notre portée pour manger, se loger, s’habiller, se déplacer, se soigner, se divertir, s’instruire, etc. tout en ayant un impact positif sur la planète.

Le problème c’est que nous évoluons dans une société qui nous manipule – et ce dès notre venue au monde – afin de développer des goûts, des compétences, des comportements voire même des traits de caractère propre à tel ou tel genre, selon qu’on soit né·e avec un vagin ou un pénis. Cette manipulation est tellement internalisée, ancrée et subtile que nous participons au renforcement des stéréotypes de genre de manière totalement inconsciente et nous en venons à considérer les fruits d’un moulage socioculturel comme étant tout ce qu’il y a de plus naturel. Car non, les garçons ne sont pas intrinsèquement faits pour refouler leurs larmes et leurs émotions, aimer les voitures et être brillants en sciences. Quant aux filles, elles ne sont pas biologiquement conçues pour exprimer ouvertement leurs émotions, aimer les poupées et exceller dans la gestion des tâches ménagères et de la famille. Non, toutes ces « affinités » s’acquièrent suivant notre socialisation – non seulement dans le milieu familial, mais aussi à travers les infrastructures de la petite enfance et scolaires, les médias (livres, films, publicités, etc.), les milieux professionnels, etc. Dans chacun de ces contextes et bien d’autres encore, l’humain·e est sans cesse confronté·e à des personnes et à des situations qui lui rappellent qu’iel appartient à un genre précis et que pour réussir, pour être un homme, un « vrai », ou une femme « bien », iel lui faudra se conformer aux stéréotypes correspondants. On internalise tout cela tellement tôt qu’on ne s’en rend évidemment pas compte et cela finit par nous sembler tout à fait naturel que les femmes gèrent mieux la cuisine et les hommes le bricolage. Toutes les compétences et préférences que nous avons développées ne sont pourtant pas innées : elles sont bien souvent le fruit d’un conditionnement social.

Et d’après tout ce que j’ai pu lire – d’un point de vue sociologique et anthropologique – sur le sujet jusque-là, il ne fait aucun doute : le fait que les femmes se chargent – dans une majorité de couples hétérosexuels – de la plupart des tâches relatives à la sphère privée n’a absolument rien de naturel. Il se trouve simplement qu’elles vivent dans une société où on les éduque, très tôt, de manière à (vouloir) devenir de bonnes maîtresses de maison, épouses, mères et professionnelles. Or, société patriarcale oblige, on n’attend pas du tout la même chose des hommes et de ce fait, on ne leur donne pas autant d’opportunités de développer les compétences qui leur permettraient à eux aussi de se sentir capables de “régner” dans la sphère privée. J’espère que vous l’aurez compris : je ne blâme ni les femmes, ni les hommes pour cette division socioculturelle des tâches, mais bien la société (patriarcale) dans laquelle nous évoluons. Titiou Lecoq parle d’ailleurs très bien de ces problématiques dans Libérées !, un livre particulièrement intéressant que nous a récemment présenté Pauline dans le cadre du Club de Lecture Féministe des Antigones.

Néanmoins, une fois que l’on a pris conscience de tout cela, quel que soit notre genre et notre sexe, il est essentiel de se libérer de toutes ces injonctions sociales qui, outre le renforcement des inégalités homme-femme, nous empêchent de cheminer ensemble vers un quotidien et un avenir véritablement durables. Tant que les femmes seront considérées comme principales responsables de tout ce qui touche à la sphère privée dans le couple hétérosexuel, elles seront les seules à se creuser la tête pour réduire les déchets du foyer, chercher ou coudre des alternatives réutilisables à tous les produits jetables du quotidien, végétaliser l’alimentation de la famille, trouver des lieux d’approvisionnement en produits bio et locaux (sans dépasser le budget), éplucher les petites annonces du Bon Coin et fouiner les boutiques de seconde main pour trouver vêtements, jouets, livres, etc. d’occasion, chercher des bons plans logements/transports/activités pour réduire l’empreinte écologique de la famille en vacances, etc. Tout cela demande énormément de temps, d’énergie et de disponibilité mentale !

Je ne dis bien évidemment pas que toutes les femmes, de tous les foyers hétérosexuels sont en charge de tout cela… Mais il faut bien reconnaître que cela reste la norme dans notre société et les nombreux témoignages de femmes engagées qui fleurissent sur la blogosphère montrent que la discrétion voire l’absence des hommes dans la sphère privée est un véritable frein à l’adoption d’habitudes plus durables au quotidien. Déjà qu’il est difficile pour une seule personne – travaillant en dehors de chez elle ou pas – de gérer la charge mentale et la plupart des tâches domestiques de toute une famille, mais alors si en plus elle doit s’informer, réfléchir, s’équiper pour intégrer des alternatives saines, zéro déchet, minimalistes, véganes, faites maison, faites-main, biodégradables, etc. au sein du foyer, alors, comment voulez-vous qu’elle s’en sorte sans frustration ni culpabilisation de ne pouvoir tout faire ni réussir ? Surtout lorsque, en plus de tout cela, elle doit s’évertuer à convaincre son compagnon et leurs enfants du bien-fondé de sa démarche et des avantages des alternatives proposées. De toute évidence, si cette personne à la tête de la sphère privée était un homme, la problématique serait la même : on ne peut attendre d’une seule personne qu’elle révolutionne, rééquilibre et verdisse le quotidien d’un couple ou d’une famille.

Pour cela, il est fondamental que les hommes comme les femmes se sentent tout aussi responsables des tâches relatives à la sphère privée et cela commence, à mon sens, par une remise en question des rôles genrés qui nous ont été attribués et qui nous ont moulés dès la naissance. Nous avons chacun·e beaucoup de choses à désapprendre, à apprendre, à réapprendre pour que, quel que soit notre sexe et notre genre, nous puissions évoluer aussi aisément dans la sphère privée que dans la sphère publique et nous y sentir à notre place.

Si nous aspirons à un avenir durable – tant d’un point de vue écologique que social -, nous devons tou·te·s faire notre part au sein de notre ménage. Cela implique que chacun·e prenne le temps de s’informer, remette en question ses habitudes, bouscule certains repères et routines, cherche des alternatives à impact positif, les présente et les teste, en cherche de meilleures si besoin, participe à l’éveil d’une conscience éthique et écologique chez les enfants, etc. Cela implique de s’engager à deux, si l’on vit en couple, et de manière équitable, dans la création d’un foyer et d’un quotidien durable.

Bien sûr, cela n’empêche pas chacun·e d’avoir une préférence pour un domaine ou un autre, que l’un·e se penche sur les alternatives aux produits cosmétiques et ménagers pendant que l’autre se familiarise avec les fruits et légumes locaux et de saison en cuisine, par exemple. L’expérience de Clémentine qui, se sentant débordée, a décidé de faire le point ouvertement sur la répartition des tâches avec son compagnon montre combien cela peut être constructif et positif pour tou·te·s les membres du couple/de la famille. Selon nos affinités et nos disponibilités, chacun·e peut s’investir dans différents aspects du quotidien séparément, le tout étant de se répartir les tâches de manière consciente et équitable et de rester dans l’échange lorsque cela est pertinent. Il me semble en effet important que l’un·e comme l’autre ne se sente pas entièrement responsable d’un aspect du quotidien pour le reste de sa vie : non seulement cela peut sembler intimidant mais cela peut aussi créer des tensions quand les choix que l’on fait ne conviennent pas à l’autre. Être en charge ne signifie pas devoir tout gérer de A à Z tout le temps – l’avantage d’être en couple, c’est de pouvoir bénéficier de l’avis et des conseils de l’autre et de s’entraider lorsque cela est nécessaire. Mais dans tous les cas et à mon sens, cheminer vers un mode de vie durable devrait être, au sein des couples et des familles, un vrai travail d’équipe car la préservation de la Terre et de toutes les vies qu’elle abrite nous concerne tou·te·s autant, sans exception !

Si le livre « Libérées ! » vous intéresse, pourquoi ne pas suggérer à votre bibliothèque de quartier de l’ajouter à sa collection ? Si vous souhaitez l’acheter, je vous invite à le réserver auprès de la librairie la plus proche de chez vous et si vous n’avez vraiment d’autre choix que de passer par internet, vous pouvez le commander via le site de la librairie française Decitre (lien affilié*). Pour en savoir plus sur les liens affiliés, rendez-vous sur cette page.
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