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Aller à contre-sens et gagner confiance en soi

De nature timide et réservée, j’ai toujours cherché à me faire petite, évité d’être au centre de l’attention, redouté de m’exprimer en public et fait de mon mieux pour être discrète, voire invisible, en toute situation. Si je n’aime pas me faire remarquer, je dois avouer que c’est en grande partie dû à un certain manque de confiance en moi.

Bien qu’être réservée n’est à mon sens pas un défaut en soi, je trouve ma timidité contraignante lorsque je n’ose m’exprimer de peur de déranger, d’être jugée, critiquée, incomprise ou inintéressante. Ce malaise me pèse tellement qu’à chaque fois que je prends mon courage à deux mains pour oser dire le fond de ma pensée ou poser une question qui me taraude, c’est au prix de battements de coeur effrénés et de coups de chauds forts désagréables… Mais le plus pénible pour moi reste le fait que je me prive souvent de possibilités d’échanges constructifs, de contributions positives ou de faire ce qui me tient à coeur.

Ni les reproches de mes profs regrettant mon “manque de participation” sur mes bulletins scolaires du CP à la Terminale, ni mes innombrables regrets d’occasions manquées pour faire entendre des idées ou des questions qui m’étaient chères, n’ont eu raison de ma timidité et ne m’ont aidé à gagner confiance en moi. Bien au contraire, plus on me faisait de reproches et j’avais de regrets, plus je me sentais démunie.

Si plusieurs des aspects de ma personnalité ont évolué au fil des années, ma timidité, elle, est restée bien ancrée. J’ai souvent espéré pouvoir la surpasser, mais j’ignorais comment… jusqu’à ce que ma volonté de vivre de manière plus saine, éthique et écologique prenne le dessus. En effet, à partir du moment où j’ai pris conscience du décalage qu’il y avait entre mes valeurs, mon mode de vie et mes aspirations, j’ai ressenti un très profond malaise intérieur et le seul moyen d’y remédier était d’oser questionner et changer grand nombre de mes habitudes.

Ma priorité n’était alors plus de me fondre dans la masse mais bien au contraire, d’en émerger, de sortir de ce moule dans lequel je ne me sentais pas à ma place, de changer de chemin, de direction, d’aller à contre-sens, afin que ma réalité soit le reflet de mes valeurs et non de normes socio-culturelles insensées. J’étais consciente, en empruntant le chemin d’un mode de vie plus sain, plus éthique et plus écologique qu’il me faudrait bousculer de nombreux repères, croyances et traditions. Je savais combien cela changerait et affecterait mon quotidien et mes possibilités. Je réalisais aussi que les nouveaux choix de vie auxquels j’aspirais attiseraient la curiosité ou les critiques.

Ce que j’ignorais, c’est que ce cheminement deviendrait un véritable tremplin, m’aidant à gagner confiance en moi et à défier cette timidité qui me paraissait pourtant insurmontable. Car dès lors qu’on fait des choix qui vont à contre-sens, on est presque sans cesse et sans le vouloir sous les feux des projecteurs, et ce dans les situations les plus anodines qui soient.

Il faut oser demander au producteur s’il veut bien remplir nos bocaux en verre plutôt que ses contenants en plastique. Il faut oser demander au serveur si le chef peut nous préparer un plat sans produits d’animaux alors qu’il n’y en n’a pas sur la carte. Il faut oser poser 1001 questions au vendeur sur la provenance, les conditions de fabrication, la qualité, la durabilité d’un produit qui nous intéresse…

Il faut prendre sur soi lorsqu’on nous dit que le bio c’est du n’importe quoi. Il faut prendre sur soi lorsqu’on nous dit que l’être humain ne peut se passer de produits d’animaux pour être en bonne santé. Il faut prendre sur soi lorsqu’on nous dit que nos petits gestes ne font aucune différence…

Il faut accepter que certaines personnes se plieront en 4 avec plaisir pour s’assurer que l’on aura autre chose que 3 feuilles de salade à manger. Il faut accepter que d’autres plaindront nos choix, nous les reprocheront ou chercheront nos « failles ». Il faut accepter que l’on nous demandera de nous justifier alors qu’on ne demande ni n’impose rien à personne…

Il faut apprécier chaque opportunité qui nous est donnée d’expliquer nos choix, nos motivations, nos aspirations, que ce soit devant 1, 10 ou 200 personnes. Il faut apprécier que la maraîchère brandisse, admirative, nos sacs et filets en tissus devant ses autres client-e-s. Il faut apprécier que nos nouvelles éco-lubies soient un sujet de discussion lors des repas de famille…

Ces situations ne sont quelques exemples de moments qui ont été et sont encore régulièrement source de stress et de malaise pour moi… Pour quelqu’un qui préfère s’adapter aux autres et à la situation de peur de déranger, qui préfère écouter les autres plutôt qu’exprimer ses propres idées et dont les jambes flageolent et la voix tremblote dès qu’elle doit les partager en public, chacune de ces situations représente un véritable défi !

Et puis, en apprenant à me détacher des normes et du regard des autres et en me raccrochant à mon désir de changer ma manière de vivre ainsi qu’à ma conviction du bien-fondé de mes choix, un nouveau vent de confiance s’est insufflé en moi, me permettant de relever plus de défis que je n’en fuis… Mes valeurs et mes aspirations sont devenues ma force, mon moteur et ma confiance. Même si ce n’est pas toujours le cas, je me sais  aujourd’hui capable de faire des choix qui vont à contre-sens, d’en parler, de les assumer… sans craindre de déranger, de sembler bête ou d’être jugée. Car même si je dérange, même si je semble bête, même si l’on me juge, je sais que mes idées, mes requêtes et mes questions m’auront au moins permis de réussir à attirer l’attention sur une cause qui m’est chère…

Protéger la planète et toutes les formes de vie qu’elle abrite a non seulement donné un sens à ma vie mais m’a aussi donné confiance en la vie et en l’avenir. Et pour aller jusqu’au bout de mes idées, je suis prête à relever de nombreux défis, à braver ma timidité et à puiser la confiance qui me manque au plus profond de moi-même… Je suis aussi convaincue que lorsqu’on entreprend des projets qui ont du sens, pour soi, pour autrui et pour la planète, la confiance- qu’elle vienne de soi ou d’autrui- nous rejoint et nous accompagne au fil du chemin de leur réalisation…

Qu’est-ce que cette vie à « contre-sens » a-t-elle chamboulé en vous ?
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