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Daphne, future vétérinaire et éthologue

Comme le montrent si bien les différents témoignages réunis dans Manifeste pour les animaux de Franz-Olivier Giesbert, ainsi que l’interview de  Clémentine, qui a deux juments, et celle de Nina, éleveuse d’oiseaux et de rongeurs, il existe diverses manières de se montrer sensibles envers les animaux. En outre, plus je m’informe au sujet du bien-être animal et plus j’échange avec les lectrices/lecteurs de ce blog, plus je réalise que c’est une notion très subjective, et que notre conception de l’exploitation des animaux et de la relation que l’on entretient avec eux l’est tout autant…

Aujourd’hui, je souhaiterais partager avec vous un nouveau point de vue autour des questions que nous nous posons au sujet de la relation entre l’Homme et les animaux : celui de Daphne, en dernière année d’études de médecine vétérinaire.

Daphne, qu’est-ce qui t’a motivée à devenir vétérinaire  ?

Et bien en fait… je vais devoir te décevoir, car je n’ai jamais voulu devenir vétérinaire ! En fait, je voulais devenir éthologue, c’est-à-dire observer le comportement des animaux. Les conseillères d’orientation étant largement dépassées par la question, j’en ai surtout parlé avec des amis de la famille qui sont biologistes. C’est eux qui m’ont conseillé de faire des études de vétérinaire, puis de me spécialiser en éthologie : ainsi, j’aurais moins de risques de devenir une chômeuse surdiplômée, et j’aurais l’avantage d’avoir une connaissance beaucoup plus large de la physiologie, ainsi que le droit de mettre un animal sous anesthésie générale, par exemple pour poser un collier émetteur, puisque je me suis toujours particulièrement intéressée aux animaux sauvages…
Je dois dire que je suis très heureuse de ce choix, même si ça n’a pas toujours été simple, loin de là !

Quelles ont été tes plus grandes prises de conscience depuis le début de tes études  ?

Ma première prise de conscience fut d’ordre professionnel : je ne supporterais vraiment jamais de travailler comme vétérinaire dans ce système, même si le fait de soigner des animaux, c’est effectivement très chouette ! Mais… le métier de mes rêves – encore mieux qu’éthologue – existe, et je suis dans la filière parfaite pour y parvenir : je ferai de la « conservation medicine », c’est-à-dire que je protègerai les animaux sauvages dans leur milieu. Cela allie le travail de terrain, le traitement de données, la communication avec le grand public comme avec les politiques… bref, un peu de tout !

Puis il y a eu la prise de conscience que tout le monde ne pensait pas comme moi concernant le bien-être animal, loin de là, en particulier parmi mes collègues… Pour la plupart, il est normal, voire absolument nécessaire d’inséminer artificiellement tout ce qui peut l’être. Beaucoup ne voient pas aussi instinctivement que moi la souffrance d’un animal. Je suis une des rares qui ne comprend pas pourquoi tout doit être jetable. Dans certains cas c’est justifié, mais pourquoi de manière systématique ? Combien de discussions assez surréalistes n’ai-je eues !

Et puis j’ai pris conscience à quel point les consommateurs sont aveugles… J’ai eu la chance de grandir dans une famille où l’on mange très peu de viande, mais de qualité, et que, ayant grandi à la campagne, avec des voisins chevriers très sympas (avec nous comme avec les chèvres !), j’ai toujours su d’où venait la viande et le lait. De fait, je mange extrêmement peu et de moins en moins de produits animaux. Ma sœur est végétarienne depuis qu’elle a 9 ans et tout le monde respecte son choix, malgré quelques difficultés avec la cantine scolaire.

Malgré tout, j’ai mis longtemps à comprendre que même la vie d’une vache bio d’élevage, disons semi-industriel, comporte au final au moins autant de souffrances que la vie d’un taureau de corrida, qui lui a la chance de vivre dehors toute l’année et avec toute sa famille… De là le fait que je ne mange plus que des produits animaux dont je sais à 100% comment ils sont produits. Et j’invite chacun/e à se poser la question de ce qui lui parait éthique, bien, responsable etc. ou non, de manière personnelle et de vivre en fonction… et sans forcer les autres à changer d’avis. Informer oui, mais sans juger- nous avons tous une approche et une vision différentes, et c’est cette diversité libre et consciente qui fait, à mon avis, notre richesse.

Et puis j’ai récemment pris conscience, qu’à force d’être dans ce système, je devenais moi même un peu aveugle… Par exemple, j’avais « oublié » que même dans les fermes de poules pondeuses bio, où on laisse les mâles grandir avec les poules, ils ne se reproduisent pas « normalement », mais passent par le circuit classique de l’élevage de parents particuliers, puis retrait des œufs, passage en couveuse. Eh bien, cela a largement confirmé ma décision de ne me pourvoir, quand j’en ressentais vraiment le besoin, qu’en produits de petits producteurs locaux que je peux visiter.

Concrètement, ton rapport aux animaux a-t-il changé au cours de tes études ?

Très peu en fait. J’ai surtout « durci » mon point de vue. En fait, je pense que j’ai surtout changé l‘avis et le comportement de mes proches et amis, ainsi que celui de quelques collègues, car j’ai largement augmenté mon argumentaire, mais je reste aussi compréhensive et pas trop « extrémiste » (je n’aime pas ce terme, mais c’est celui qui est le plus souvent cité par mes amis dans ce contexte…).

D’un point de vue éthique, que penses-tu du fait d’avoir des animaux de compagnie ?

Eh bien… je ne sais pas…

Je me pose la question depuis très longtemps, et je pense qu’on ne peut pas trancher plus clairement que s’il est éthique ou non de les manger… ça dépend de nombreux facteurs, et je vais exposer ici les principaux éléments de ma réflexion personnelle.

Tout d’abord, un animal de compagnie, qu’est-ce que c’est ? C‘est un animal dont les ancêtres ont été domestiqués il y a quelques milliers d’années (chien, chat, cheval, pigeon…), quelques centaines d‘années (lapin…) ou tout simplement jamais (la plupart des poissons, des oiseaux, tous les reptiles et amphibiens…). La domestication consiste à isoler l’animal de ses congénères sauvages, et à sélectionner les individus que l’on souhaite se faire reproduire pour la génération suivante en ne gardant que ceux qui semblent les plus adaptés à la vie commune avec l’homme. De fait, depuis longtemps, les animaux domestiques sont beaucoup plus adaptés à cette vie commune que les animaux que nous mettons simplement en cage, comme les perroquets, par exemple. De même, les animaux qui ont été sélectionnés depuis toujours pour vivre avec l’homme sont bien plus adaptés à « l’utilisation » en tant qu’animal de compagnie que ceux qui ont avant tout été élevés pour être mangés, comme les cochons d’Inde par exemple…

Vient ensuite la question du mode de vie de l’animal sauvage dont est issu l’animal domestique en question : s’il vit seul ou en groupe, s’il est actif de jour ou de nuit, quelle est la surface de territoire qu’il occupe, de quelle zone climatique il vient, ce qu’il mange… Et pour avoir un animal de compagnie de manière éthique, il faut à mon sens, se rapprocher au maximum de ces conditions « d’origine ».
Donc les animaux sociaux, comme les chevaux, lapins, perroquets, perruches, etc. devraient absolument être tenus es groupe, avec des animaux de la même espèce (nous n’aimerions pas passer notre vie avec un chimpanzé, même s’il est plus proche de nous que le cochon d’Inde ne l’est du lapin, par exemple), et ce dès le départ, pour éviter une mauvaise imprégnation, et en respectant les affinités personnelles (finalement, je préfère passer ma vie avec un chimpanzé qu’avec certains personnages politiques, par exemple…).

Et, ce qui va en surprendre beaucoup, est que je recommande chaudement de faire stériliser tous les animaux que l’on ne souhaite pas se faire reproduire (sauf les juments, ponettes et ânesses, chez qui l’intervention comporte trop de risques s’il n’y a pas de raison médicale particulière). Car oui, c’est une intervention importante dans la biologie de l’animal. Mais c’est déjà une intervention énorme de sortir un animal de son cadre de vie sauvage, et en plus, de choisir qu’il ne se reproduira pas. C’est pourtant important pour ne pas produire des quantités d’animaux dont personne ne voudra, entraînant des conséquences écologiques désastreuses : prédation d’animaux rares, réservoirs de maladies potentiellement dangereuses pour l’homme comme pour les animaux sauvages, car circulant entre les deux- ce sujet à lui seul mériterait d’être développé sur quelques pages, mais pour des raisons évidentes, je ne le ferai pas ici. Et surtout, c’est laisser un instinct à un animal sans lui laisser la possibilité de le vivre… À mon avis et d’après mes connaissances et mon expérience, il vaut mieux stériliser l’animal le plus tôt possible (demandez à votre vétérinaire s’il s’agit de votre animal, car cela dépend de son espèce bien sûr, mais aussi de son sexe, et parfois de sa race… il peut aussi y avoir une légère variation individuelle), pour éviter que leur conscience sexuelle ne se développe et que ça leur manque par la suite, mais aussi pour éviter tout « accident », et enfin, parce que les animaux stérilisés vivent plus longtemps, ont moins de cancers… et puis l’opération est plus facile (moins d’hémorragies, car les tissus concernés sont moins vascularisés).

Enfin, bien sûr, respecter les éléments de base des bons traitements et choisir son animal de manière éthique, dans un refuge pour animaux professionnel type SPA, chez un éleveur professionnel de qualité, ou chez un particulier sincère et passionné. Une solution qui peut être intéressante pour ceux qui hésitent à prendre un chien est de prendre un chiot en famille d’accueil pour une école de chiens guides pour aveugles ou handicapés, même si après, c’est forcément dur de le rendre, mais c’est pour la bonne cause…

Que souhaiterais-tu accomplir à travers ton métier de vétérinaire  ?

Comme je l’ai expliqué plus haut, j’aimerais avant tout contribuer à sauver autant de populations d’animaux sauvages que possible, dans leur milieu naturel, et avec cela une partie de nos rêves, et la vie sur Terre telle que nous la connaissons… enfin, là, mes explications sont un peu simplifiées et utopiques, mais bon…
Après, quand je peux favoriser les médecines complémentaires chez les animaux, qu’ils soient domestiques ou sauvages, je le ferai aussi.

D’ici la fin du mois, Daphne reviendra sur le blog afin de nous livrer ses conseils pour soigner les animaux domestiques et sauvages.

Et vous, est-ce que ça vous dirait de consacrer votre carrière au bien-être et à la protection des animaux ?
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