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Vivre à bord d’un voilier {Fleur de Lampaul}

S’endormir en se laissant bercer par le mouvement des vagues. Ne pas fermer l’oeil de la nuit à cause du mal de mer. Être réveillée à l’aube par les rayons de soleil qui traversent les écoutilles. Écourter ses nuits pour tenir la barre. Plonger dans l’océan en guise de douche. Interrompre ses travaux pour observer le ballet des baleines. Jeter l’ancre pour faire de nouvelles rencontres et découvertes. Lever les voiles pour avancer… 

Un voilier pas comme les autres…

Voilà quelques uns des aspects qui ont rythmé mon quotidien pendant une dizaine de mois alors que je voyageais à bord de Fleur de Lampaul, ancien voilier de charge en bois de 21 mètres de long reconverti en « voilier-école »… Une aventure que j’ai partagée avec 9 autres jeunes de 13 à 15 ans de 5 pays différents et qui nous a mené à travers une quinzaine d’îles de l’Atlantique, des Caraïbes et du Pacifique. Accompagnés de 6 éducateurs, nous avons tous embarqué dans le même but: sensibiliser les jeunes qui seraient les adultes du nouveau millénaire aux liens qui unissent l’homme et la nature. À chaque escale, nous passions 2 à 3 semaines chez des familles d’accueil dont nous partagions le quotidien.

Durant ce voyage, nous avions pour mission de partager nos découvertes, nos rencontres et nos réflexions à travers un site internet, des films-documentaires diffusés notamment sur la Cinquième en France, des livres publiés chez Gallimard Jeunesse et diverses conférences. Jusque-là dépitée par l’influence négative des médias sur la société, j’ai alors réalisé leur potentiel en tant que vecteur d’informations inspirantes et positives. De là est né mon désir de devenir photo-journaliste, dans l’idée de partir à la rencontre de peuples et d’individus porteurs de savoirs bénéfiques à la protection des richesses culturelles et naturelles de la planète, et de les partager. N’ayant pu concrétiser ce souhait, j’aime à penser qu’à travers ce blog je réalise mon rêve dans une certaine mesure, en partageant quelques belles initiatives et idées pour verdir la planète!

Je pourrais facilement écrire un livre et consacrer un chapitre entier à chaque aspect de cette expédition unique… Mais sur Échos verts il me semblait pertinent de partager les éléments de ce voyage qui, 15 ans après mon retour, continuent de nourrir mes réflexions et m’aident à trouver mes repères dans mon cheminement vers un mode de vie plus sain, plus éthique et plus écologique. Aujourd’hui, j’aimerais vous parler de toutes ces petites choses du quotidien qui m’ont initiée au minimalisme et ont influencé mon rapport à l’espace, aux objets et aux nouvelles technologies.

Faire avec l’espace du bord

Pour commencer, lorsqu’on vit dans un espace restreint et que l’on partage celui-ci avec d’autres personnes, on ne peut se permettre de l’encombrer de possessions superflues. N’ayant qu’une simple étagère chacun en guise de rangement pour nos effets personnels, l’on ne pouvait emporter que le strict minimum à bord. En tout et pour tout, d’après mes souvenirs, ma garde robe se constituait de 5-6 T-shirts, 2 shorts, 1 jean, 1 pantalon, 1 maillot de bain, 1 polaire, 1 vareuse, 1 veste, 1 paire de chaussure ouverte, 1 paire de chaussure fermée, 1 paire de chaussures de marche, plus quelques sous-vêtements. Pour le reste, j’avais un duvet, des draps pour ma couchette, de quoi faire ma toilette, écrire mon journal de bord, envoyer des lettres, faire de la plongée en apnée et prendre des photos. L’on m’avait également offert à l’occasion de ce départ mon premier walkman et 2-3 cassettes… Et je ne pouvais évidemment pas laisser Zita, la poupée qui m’accompagne depuis ma naissance! En embarquant sur Fleur de Lampaul, j’ai donc laissé le superflu de côté et réalisé que j’avais besoin de très peu de choses pour vivre confortablement au quotidien: un premier pas vers le minimalisme.

Ce plan ne correspond pas exactement à celui au moment de mon voyage mais vous donne une idée de l’espace intérieur. Lors de notre expédition, il n’y avait qu’une couchette dans les cabines 1, 2 et l’espace maintenant appelé « Lits clots ». Le poste équipage comptait 2 couchettes. La cabine 3 qui comptait 4 couchettes (dont une double) était, avec les banquettes du carré, partagée par les 10 jeunes matelots que nous étions… En outre, l’espace WC était un placard de rangement et l’espace SDB comprenait juste un WC et un évier… le pont et l’océan étaient notre SDB!© Nordet Croisières

Faire avec les moyens et les ressources du bord

En plus de faire avec l’espace du bord, il faut, comme le dit si justement l’expression, faire avec les moyens du bord! Que ce soit pour réparer, cuisiner, ou vaquer à nos tâches quotidiennes, on n’avait pas toujours les outils ou objets adéquats à bord, ce qui nous poussait à nous adapter et à faire preuve de créativité pour répondre à nos besoins. L’un de mes meilleurs souvenirs reste celui de la douche aménagée sur le pont à l’aide d’un tuyau et d’une passoire. Trouvant cela difficile de nous rincer les cheveux en ayant à tenir le tuyau d’une main, l’un d’entre nous avait mis en place ce système lors des traversées. En outre, les ressources telles que l’eau douce, l’électricité et la nourriture étant limitées, l’on a très vite appris très vite à ne pas consommer plus que ce dont on avait besoin et à ne rien gaspiller.


Prendre soin de son chez soi

Fleur de Lampaul était et reste pour chacun d’entre nous plus qu’un simple voilier… Ce vieux gréement classé monument historique qui fêtera ses 60 ans en 2017 était notre maison, notre moyen de locomotion, un lieu d’apprentissage, de détente, de repos, de bavardages et de rencontres. Bien qu’il soit peu spacieux, il fallait l’entretenir minutieusement au quotidien, nettoyer le pont et l’intérieur de long en large, réparer, rénover et apprendre à préserver la majestuosité de ses voiles, les secrets de ses cales, la force de ses cordages et l’histoire de sa coque en chêne… Se sentir responsable des moindres recoins du lieu qui nous abritait nous a obligé à le traiter avec respect et à en prendre soin.

Vivre au rythme et au coeur de la nature

Bien que notre itinéraire ait été précisément élaboré plusieurs mois avant notre départ, il a parfois été quelque peu chamboulé à cause du mauvais temps ou du manque de vent. À une époque où beaucoup d’entre nous sommes submergés par les impératifs et les délais qu’il nous semble vital de respecter, vivre au rythme des vagues donne une toute autre dimension au temps. Cela nous force à ralentir et à respecter le rythme de la nature. En outre, lorsqu’on vit sur l’eau, la nature est omniprésente… Entre les mammifères marins et les oiseaux dont on croise la route, la faune et la flore que l’on peut observer en plongée, et les lieux sauvages inaccessibles par la route près desquels on peut jeter l’ancre, on n’échappe pas à la beauté et à l’importance de l’équilibre des éco-systèmes. De plus, l’espace restreint d’un 2 mâts nous donne naturellement envie de profiter pleinement de chaque opportunité d’être en plein air, que ce soit en vaquant à nos diverses tâches sur le pont ou en partant explorer les endroits abordés.

Se déconnecter

À bord de Fleur de Lampaul, on avait vite fait d’oublier l’existence des écrans… même s’il y avait un ordinateur et une connection internet à bord, ils étaient exclusivement utilisés par les adultes pour l’envoi des textes pour notre site internet et de nos “cartes postales” filmées hebdomadaires. Quant au téléphone, il n’était utilisé qu’en cas d’urgence et il va s’en dire que nous n’avions pas de télé… Sans toutes ces distractions, l’on est selon moi plus à même de profiter de l’instant présent, de faire preuve de créativité pour s’occuper, de savoir exploiter les ressources qui nous entourent pour se divertir et de profiter de la compagnie de nos co-équipiers! À l’heure où beaucoup d’entre nous sont hyperconnectés, voir accros aux nouvelles technologies, il est bon de se rappeler tout ce qu’un instant sans écran peut nous offrir.

 

Au cours de ce voyage, nombreuses de mes habitudes ont changé… certaines ont perduré à mon retour à terre, d’autres non. Mais comme beaucoup d’expériences, ce n’est pas nécessairement dans les semaines ni dans les mois qui suivent qu’on en tire des réflexions et des leçons qui nous permettent d’avancer et d’évoluer… parfois, cela prend des années. Ainsi, 15 ans plus tard, je réalise que plusieurs graines d’idées vertes qui s’étaient alors faufilées dans mon esprit m’ont inconsciemment guidée au cours des dernières années et ont fini par fleurir à un moment de ma vie où j’étais prête à les cueillir et à les replanter

Si mon envie de vert a été déclenchée lorsque je me suis installée sur l’Île de Vancouver, il ne fait aucun doute que je dois la naissance da ma conscience éthique et environnementale à ce rêve voyage extraordinaire

Pour assouvir la soif des plus curieux, je vous propose de découvrir les films de notre expédition disponibles sur youtube. Seule la version allemande s’y trouve mais les images en disent long… Et si vous apercevez une petite Gouly, c’est moi (c’est le diminutif de mon prénom indien). Soyez indulgents, j’avais 14 ans 😉 ! Voici donc l’épisode de notre rencontre avec les baleines à bosses sur le Banc d’Argent suivi de notre escale à Salt Cay, dans l’archipel des Îles Turques et Caïques. Vous pourrez visionner les autres films en suivant ce lien.

Par la suite, si cela vous intéresse, j’aborderai les thèmes du voyage et de la « scolarité » à bord d’un voilier…

Avez-vous déjà eu l’occasion de séjourner sur un voilier ? Seriez-vous tentés de vivre à bord d’un voilier pour quelques mois, voire plus ?
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