Je souhaitais commencer cet article en vous proposant une définition du terme “antispécisme”. Je me suis donc rendue sur le site du dictionnaire en ligne que j’utilise habituellement, j’ai tapé le mot, mais visiblement il ne figure pas (encore) dans le dictionnaire officiel de la langue française. Alors, à la place, le site m’a proposé de découvrir les plus mots les proches de celui que je cherchais : antécime, antifascisme, antiprisme et antisémitisme. Cela m’aura au moins permis d’apprendre deux nouveaux mots aujourd’hui- des mots que je n’utiliserai certainement jamais, à moins que je me retrouve un jour à faire de l’alpinisme ou que je me découvre une nouvelle passion pour la chimie. Très improbable.
Mais faire cette recherche m’aura surtout appris qu’un concept qui guide mes réflexions et mon cheminement vers une vie plus saine, éthique et écologique depuis que je l’ai découvert il y a maintenant 2-3 ans n’est pas encore reconnu comme un vrai mot dans notre langue. Ce terme fait pourtant référence à une problématique mondiale de taille et son absence dans le dictionnaire montre bien combien celle-ci est méconnue, ignorée et/ou négligée dans notre société et à notre époque.
Ceci dit, je sais que ce n’est qu’une question de temps. De la même manière que les mots “racisme”, “sexisme” et “homophobie” ont fini par trouver leur place dans le dictionnaire et sont rentrés dans le language courant, un jour l’antispécisme sera lui aussi ajouté à la liste des mots désignant une idéologie discriminatoire. En attendant, cela ne nous empêche pas de défendre les idées et les principes de ce mouvement qui refuse “de considérer l’espèce comme un critère pertinent de discrimination morale”, pour reprendre les mots de Rosa B., auteure de la BD L’antispécisme, c’est pas pour les chiens parue aujourd’hui aux Editions La Plage.
Je vous avais déjà parlé du travail de Rosa B., peu de temps après la sortie de son tout premier livre l’année dernière. Dans ce nouvel album, Rosa B. continue de nous faire réfléchir à la condition et à l’éthique animale, à travers les rencontres, discussions et réflexions de son personnage Insolente Veggie qu’elle qualifie d’insolente végétalienne très très méchante. C’est donc toujours avec humour que l’auteure nous amène à reconsidérer notre rapport aux animaux ainsi que les croyances sur lesquels celui-ci est fondé.Car pour l’antispéciste, le fait que l’on considère les chiens comme nos amis, que l’on protège les dauphins et que l’on mange des vaches n’a rien de naturel en soi- ces comportements sont le reflet de convictions influencées par notre milieu socio-culturel. D’ailleurs, le fait que l’on mange les chiens en Chine, que l’on chasse les dauphins au Japon et que l’on considère les vaches sacrées en Inde montre bien que notre perception de différentes espèces animales est subjective– celle-ci a été moulée par le(s) contexte(s) dans le(s)quel(s) nous avons évolué. Or, de quel droit l’espèce humaine s’octroie-t-elle la liberté de décider du sort de toutes les autres espèces animales qui l’entourent et d’exploiter nombre d’entre elles sous prétexte qu’elles font partie de telle ou telle espèce ?
À travers ses dessins et ses mots plein d’humour, Rosa B. nous montre à quel point le spécisme est ancré dans nos mentalités et démontre avec intelligence la prominence de certains sophismes spécistes. Bien qu’une certaine simplicité émane des dessins et des dialogues de prime abord, il ne faut pas se fier aux apparences : derrière ces dessins épurés en noir et blanc et les quelques mots échangés par les protagonistes de la BD se trouvent un humour on ne peut plus cinglant, des images cruellement réalistes et des exagérations qui dérangent car elles reflètent pourtant un vrai problème.
J’ai particulièrement aimé la planche « Petite leçon de spécisme » dans laquelle Rosa B. imagine comment l’on s’est retrouvé à catégoriser différentes espèces animales et à déterminer comment l’on traiterait les êtres vivants de chaque catégorie. J’ai bien ri en regardant la planche « Les trucs d’omnivore que les vegans ne comprennent pas » qui montre un omni dégouté d’avoir trouvé un vers dans sa pomme. Mais je n’ai ri qu’à moitié en lisant la dernière planche, « La mort bio, le retour », qui montre bien pourquoi il est saugrenu de soutenir que la viande bio est éthique et issue d’un animal n’ayant pas souffert.
Au fur et à mesure que l’on avance dans cette lecture, l’on réalise donc l’ampleur du spécisme, la profondeur avec laquelle il est ancré dans nos mentalités et certaines des difficultés auxquelles les véganes doivent faire face au quotidien dans un monde où il leur semble immoral et anormal d’exploiter, de maltraiter, de tuer et de consommer les espèces animales non-humaines.
Toutes les illustrations de cet article sont la propriété des Éditions La Plage et ne peuvent être copiées sans leur autorisation.
Pour aller plus loin…
- L’antispécisme c’est pas pour les chiens de Rosa B., Éditions La Plage
- Insolente Veggie, une végétarienne très très méchante de Rosa B., Éditions La Plage
- Insolente Veggie, le blog de Rosa B.
J’ai entendu parler du travail de Rosa B. mais pas encore lu de mes yeux lu ;)… Comme tu le sais je ne suis pas encore aussi engagée dans ma démarche, pour moi c’est une évolution qui se fait au fur et à mesure, dans la durée. Je ne suis toujours pas satisfaite de mon avancée, à chaque pas fait je vois le suivant… Et lire, lire, et encore lire – sur papier ou sur la Toile – fait justement partie de ces moteurs pour avancer dans mon cheminement, donc si en plus lire fait (sou)rire, je suis preneuse! A suivre, donc ;)… Merci pour cette nouvelle découverte, bonne journée Natasha 🙂
La lecture m’a beaucoup aidé dans mon cheminement et elle continue d’être un soutien pour moi au quotidien… à défaut de toujours sentir mes choix compris et respectés par mon entourage, je trouve un certain réconfort dans les mots des autres…
Bonjour!
Comme d’habitude, un excellent article!
Je viens de lire le site de Rosa B et tous les dessins me parlent alors que je ne suis même pas végétarienne 😉
Disons « aspirante végétarienne qui aime la charcuterie ! » (Dommage hein?).
Le cheminement se fait petit à petit. Nous ne mangeons plus de la viande qu’une fois par semaine (et un peu de charcuterie de temps en temps!).
Et déjà cela suscite des réactions allergiques et dogmatiques dans l’entourage ! Avec tentative de me ramener à la raison! (« Encore une lubbie d’écologiste! »).
Alors que je mange de la viande chez eux, sans aucun commentaires… l’idée seulement de ce cheminement est à ce point dérangeant que cela cristallise un brin d’agressivité alors que j’évite consciensieusement le sujet.
Je n’aurai pu imaginer que le sujet soit aussi passionnel 🙂
Bref, un IMMENSE MERCI pour ton blog qui nourrit et accompagne mes réflexions et mon cheminement. Une belle bulle d’oxygène !
Merci!
New40
Comme toi, je trouve cela incroyable combien le fait de (vouloir) ne plus consommer d’animaux et/ou produit d’animaux génère de jugements, de questionnement et d’agressivité chez les autres… Alors que je ne leur demande jamais de justifier leurs choix alimentaires (ni ne les critique), je ne comprends pas pourquoi moi je devrais le faire et les laisser me juger…
J’adore les planches de Rosa B, elles sont juste formidables tant pour la prise de conscience que par l’auto-dérision du véganisme.
Comme tu le dis le spécisme ou même les concepts du carnisme sont encore peu connus et ce genre d’ouvrages permettent de faire connaître le mouvement. Tout est question de temps.
Je me demande juste : combien de temps… ?
Je n’ai pas encore lu ces bouquins mais ils ont l’air bien. Je me dis que ça peut également être un bon cadeau de Noël de sensibilisation, engagé et ludique… Tu en penses quoi ?
En ce moment je lis Antispéciste d’Aymeric Cayron, je recommande !
Je pense que cela ferait un joli cadeau de Noël en effet… pour les personnes réellement ouvertes d’esprit et un minimum sensibles à la cause animale je dirais.
Merci pour ton avis sur Antispéciste… je me demandais justement s’il était bien. Je le mettrais bien sur ma « liste de Noël » mais je sais pertinemment qu’on ne me l’offrira pas…
Merci pour cette belle découverte Natasha et continue comme ça -Ton blog est une très grande source d’inspiration!
Merci 🙂
Merci Natasha pour cet article, qui présente à merveille ce livre et le travail de l’auteure ! On sent tes convictions antispécistes de plus en plus affirmées au fur et à mesure de tes articles… C’est bon à lire, et j’espère que ces valeurs éthiques peuvent aussi être perçues comme telles par ton entourage. Dans tous les cas, tu m’apportes toi aussi un grand réconfort (et aux autres lecteurs et lectrices je pense) en écrivant à ce sujet 🙂 Merci !
Merci Selma pour ton message qui me fait vraiment chaud au coeur… Je crois qu’en dehors de mon mari qui a réellement pris la peine de comprendre le fondement de mes valeurs et qui les respecte, personne dans mon entourage familial ne les perçoit complètement d’un bon oeil malheureusement. J’ai toujours droit à des questions, des réflexions, des commentaires qui montrent que mes idées et mes choix dérangent et qu’ils sont perçus comme ridicules et insensés. Cela me fait toujours de la peine, mais heureusement, j’arrive toujours à ravaler ma tristesse et à faire comme si je n’avais rien entendu.
Encore merci pour tes mots 🙂
Bonjour Natasha,
En mars prochain, cela fera 2 ans que je ne mange plus de viande. Je n’ai pas tellement de mérite car je n’en raffolais pas. Pourquoi ai-je arrêté ? Tout d’abord j’ai lu L’enquête Campbell et puis j’ai vu 30 secondes d’un reportage (comme ceux que diffuse l’association L214). J’ai arrêté parce que tout d’un coup j’ai pris conscience de ce qu’il y avait avant que la viande n’arrive dans mon assiette et que désormais je ne peux plus dissocier les 2 images.
Mais le temps où je consommais de la viande n’est pas loin et je me rappelle encore comment je pensais alors ! J’ai toujours respecté les choix différents des miens mais je pensais que manger de la viande c’était « normal ». Quand j’ai arrêté je me suis rendu compte de l’impact culturel de pubs où l’on voit des poules, cochons où autres animaux danser et puis tout à côté une barquette de viande ! Ca m’a choqué alors qu’avant je n’aimais pas mais n’étais pas choquée.
Tout ça pour te dire que je comprends encore comment mon entourage peut réagir. A la vérité, il n’y a personne qui se permette des réflexions déplacées sur mes choix. Quand on me pose la question du pourquoi, je dis simplement que j’ai vu un reportage et que je ne veux plus être « complice » de ces actes mais que c’est une position personnelle et que je comprends qu’elle ne soit pas celle de tout le monde. Le résultat est immédiat : personne ne se moque, personne ne se sent jugé … mais tout le monde regarde différemment son assiette et même si ça ne dure qu’un moment je me dis que la petite graine est plantée :-)))
J’aime beaucoup ton cheminement, il m’aie dans le mien ! Merci et bonne journée et désolée pour la tartine !
Merci pour ton témoignage Eléonora 🙂
Pas de souci pour le pavé, j’ai trouvé ton partage très intéressant !
Merci, je viens de vivre un bon moment de rigolade, ça fait du bien.
J’ajoute ce livre à ma liste, mon mari me l’offrira peut-être. Sinon, ce sera un auto-cadeau. Et je compte bien le laisser traîner « par inadvertance » ouvert à une page bien choisie. Les dessins sont une façon efficace de faire réfléchir.
A force de semer en douceur, on finit par avancer. Mon beau-père a même complimenté ma crème semoule-rhubarbe végétale… C’est dire que tout est possible ! Et il ne fait plus de remarque négative depuis que j’ai exprimé le chagrin que je ressentais en entendant ses paroles. Il a compris qu’il exagérait lorsque je lui ai dit que je n’avais plus envie de m’asseoir à table et de manger avec lui, et que cela me rendait triste. En plaçant la discussion sur mon émotion plutôt que sur l’alimentation, j’ai au moins obtenu la paix des oreilles.
(bon, j’ai aussi décidé de manger mes protéines au petit-déj, et de ne plus sortir de tofu pendant le déjeuner. Chocolat fondu+pois chiches écrasés+purée d’amande+sucre, miam sur les tartines du matin.) (et j’ai aussi menacé d’exprimer tout ce que je pensais devant le contenu de son assiette)
Je trouve ta démarche vraiment intelligente et pleine de bon sens ! C’est super que tu aies été entendue par ton beau-père et que cela ait changé son comportement. Je garde donc ta manière de faire en tête 🙂 Merci !
Un grand merci pour ce bel article, et je lis avec plaisir tous les commentaires.
Merci poli 🙂
Aujourd’hui j’ai vu le bout d’un documentaire dans lequel un homme observait des loups (je n’ai pas bien compris dans quel pays). L’homme essayait de détourner l’attention du loup avec des petits hurlements car il lui avait chipé son tabouret. Le loup s’est alors intéressé à l’homme qui s’était assis. Il s’est approché de lui et l’a observé, puis il est resté quelques petites minutes à ses côtés, paisiblement, avant de s’en aller. Le loup et l’homme est une problématique spéciste qui me touche particulièrement parmi toutes les autres, puisque très présente dans ma région. Les bergers ne veulent aucunement comprendre que le loup est tout autant une espèce qui a besoin de se nourrir comme eux, mais de manière naturelle, pas à grand renfort de viande quotidienne. Ils nous font vraiment redoubler d’effort quant à l’expression de nos convictions ! Désolé pour ce long commentaire, mais ton article m’a donné envie de partager ce que j’ai eu le bonheur de voir aujourd’hui. Je pense me procurer la BD de Rosa B., puisque je n’ai pas lu son premier livre.
Merci pour ce partage qui fait aussi réfléchir 🙂
C’est magnifique… Et cela invite à la réflexion en effet, merci Malaury 🙂 .