Après avoir partagé avec vous le cheminement vers une cuisine zéro déchet de Mélanie du blog Une vie sans gâchis, je vous présente aujourd’hui le témoignage de Claire du blog Sakaïdé et de la boutique en ligne éponyme.
Parents de 3 enfants (4, 5 et 14 ans) installés dans la région nantaise, Claire et son mari se sont lancé dans une démarche volontaire de réduction des déchets fin 2013. Alors qu’il y a quelques années leur container de 180 litres se remplissait toutes les 2 semaines, aujourd’hui ils doivent le vider tous les 3 mois seulement. Voici pourquoi et comment ils en sont arrivés là…
Claire, qu’est-ce qui t’a motivé à réduire tes déchets dans la cuisine ?
La démarche de réduction de nos déchets s’est installée progressivement, gestes par gestes. J’ai toujours trié les matériaux recyclables (verre, papier, carton). Puis en 2009, j’ai découvert les couches lavables en discutant avec un couple d’amis utilisateurs et bien dans leur temps. C’est cette découverte qui m’a fait comprendre que j’avais un impact sur ma production de déchets en fonction des mes choix de consommatrice. Dans cette même période j’ai profité d’un congé parental pour ma dernière. J’ai donc eu envie de redécouvrir des recettes de cuisine anciennes. Dans un livre de recettes, j’ai découvert que pour faire une crème dessert bien connue, j’avais tous les ingrédients à la maison alors que j’en achetais en grande surface … et voilà le virus était pris !
Étant très curieuse de nature, je me suis mise à la recherche de recettes pour remplacer les produits que j’achetais tous faits et emballés et qui pourtant était si simples à réaliser soi-même : riz au lait, crème dessert, flan … Mais à ce moment là, le but n’était pas de réduire nos déchets, mais de découvrir des recettes et faire quelques économies.
Puis la taxe incitative est entrée en vigueur sur notre territoire. Beaucoup de discussion ont tourné autour de ce sujet, des déchets. J’ai compris alors que nous étions déjà bien avancé dans cette démarche. J’ai lu à ce moment là un entrefilet dans un magazine au sujet d’une américaine qui ne produisait que 1 l de déchet par an. J’ai fait acheter son livre par ma bibliothèque. Et je l’ai dévoré en 3 jours !
À la lecture du livre de Béa Johnson, j’ai compris 2 choses : que c’était mon mode de vie qui produisait des déchets et que je pouvais aller encore plus loin en le changeant. J’ai alors modifié ma stratégie : le fait de réduire nos déchets est devenu le critère principal de mes choix en tant que consommatrice. J’ai donc, dans la cuisine, principalement revu mes recettes pour qu’elle deviennent « zéro déchet ». Mais ce qui me motive le plus dans ce mode de vie, c’est un certain retour aux sources, revenir à des gestes plus simples, plus proches de moi.
En quoi cela a-t-il changé ta manière de faire les courses et/ou de t’alimenter ?
J’ai déserté les grandes surfaces. J’ai découvert le marché et les magasins bio.
Dans les grandes surfaces, il y a trop de tentations, trop de produits emballés pour être achetés, trop de bruits, de cohues… J’achète toujours en grandes surfaces, mais via les sites en ligne et uniquement des produits de base et que je ne trouve pas en vrac. Je choisis scrupuleusement ce dont j’ai besoin sans autres tentations.
Pour faire mes courses zéro déchet et donc sans emballage je me suis dotée d’un kit pour faire mes courses en vrac (boîtes, bocaux, sac en tissu fait maison) et j’ai recherché des magasins où pouvoir faire mes achats de vrac.
Les magasins bio : une vraie mine à vrac. Quand j’ai commencé à faire mes achats avec mes sacs en tissus je me suis tournée vers les magasins bio qui sont les plus fournis en produits en vrac. J’y ai découvert certains produits : l’épeautre, le quinoa, les lentilles corail …
Puis depuis peu, je me suis attaqué sérieusement au marché. Je n’en ressentais pas le besoin jusque là, puisque je trouvais mes légumes et ma viande dans un petit magasin bio près de chez moi. Mais je cherchais de la crème fraîche en vrac et je l’ai trouvé sur le marché. Il y a aussi un très bon poissonnier et nous remangeons donc du poisson un fois pas semaine. Ces 2 marchands acceptent sans broncher mes bocaux.
Cette démarche a également simplifié notre façon de nous alimenter : par exemple, avant, nous mangions des ravioli semi fraîches toutes les semaines. Au début, j’ai fait des ravioli maison sous les yeux ébahis de ma famille. Mais cela n’a pas tenu bien longtemps. Je mettais 2h à faire un plat englouti en 10 minutes ! Nous avons donc simplifié nos recettes pour la semaine et je me fais plaisir en cuisine, le week-end pour des plats plus élaborés. Car j’adore cuisiner.
Également pour les courses, j’ai toujours fait des menus pour m’aider à faire ma liste de courses : une habitude de famille. Mais avant c’était fastidieux. Je me posais sur un coin de table et je réfléchissais pendant une demi heure au menu de la semaine. Je me cassais la tête à vouloir varier, car j’avais l’impression de faire toujours la même chose, ce qui n’était pas faux. Aujourd’hui, j’ai renoncé à m’obliger à varier le menu. C’est très simple, pour le menu du soir : lundi : pâtes, mardi : poêlée, mercredi : tarte salée, jeudi : recettes de pomme de terre, vendredi : croque, samedi : conviviale (raclette, pizza, galettes …), dimanche : soupe. En semaine, le midi, nous mangeons à l’extérieur. Ça paraît figé, mais en fait, pour chaque soir j’ai trois ou quatre recettes différentes. Il y a peu, j’ai eu le plaisir t’entendre mes 2 hommes, en parlant du menu : « j’ai très bien repéré le lundi et le mardi, mais le mercredi, c’est quoi déjà … » et cela après plus d’un an à ce régime !
Au final, ce mode d’achats me fait acheter que des produits de base existant en vrac ou en emballages recyclables : farine, œufs, sucre, riz, pâtes, légumineuses… je pense que les seuls produits transformés que nous achetons sont le pain, les croissants et la sauce tomate. Donc si j’ai envie de faire une brioche, des cookies, du riz au lait, un gâteau de Savoie : j ‘ai déjà tout à la maison. Pour faire une amandine aux poires, je n’ai besoin d’acheter que les poires… Ce qui a rendu ma cuisine plus spontanée et ainsi je peux demander aux enfants : vous voulez quoi comme goûter ? En général, je ne suis pas à court.
Évites-tu également les emballages recyclables ?
Dans la mesure du possible, mais ce n’est pas l’objectif. En effet, il y a des produits que je ne trouve pas autrement qu’emballés : c’est le cas des liquides, tant que la consigne ne sera pas remise au goût du jour en France, du beurre, certaines conserves (sauce tomate, car cette année notre récolte de tomates a été catastrophique, haricots : ce sont les seules produits que j’achète « hors saison » et en conserve). Dans ces cas là, je privilégie les emballages recyclables. Mais lorsque j’ai le choix, je choisis sans emballage.
Quelles ont été et/ou quelles sont encore tes plus grosses difficultés pour avoir une cuisine zéro déchet?
Il y a certains produits dont j’ai besoin et qui ne se trouvent pas en vrac : ferments lactiques pour les yaourts maison, fécule de maïs, chocolat emballés dans de l’aluminium… Il y a peu, j’ai trouvé de l’agar agar en vrac . Je suis en train de chercher des alternatives à la fécule de maïs, pour le chocolat, c’est en cours aussi car je trouve du chocolat en vrac.
Non, ce qui me pose encore un problème d’emballage, c’est la viande. Certains me diraient d’arrêter la viande. Je l’entends de plus en plus. Mais je n’en ai pas envie. Nous en mangeons peu, mais nous aimons ça. Je dois donc choisir entre la viande certifiée bio, mais emballé en plastique et la viande non emballée mais non certifiée. Le choix est cornélien et je n’ai pas la solution. Je préfère donc le premier cas pour favoriser un mode de culture qui me semble plus respectueux de l’environnement. Le problème vient du faite que le bio n’est pas généralisé. Si il y avait, pour tous types de produit, plus d’offres de bio, ce serait plus facile. Et encore, je sais que dans notre région, on est plutôt bien pourvu. Mais je pense que la certification « bio » ne devrait pas exister. Ce devrait être la norme. Et il devrait plutôt exister la certification « non bio ». Car je ne trouve pas normal qu’une agriculture qui préserve la nature soit obligée de payer pour le prouver.
Et puis, il me reste encore des contenants venus ici dans une autre vie. Je n’ai pas souhaité les jeter lors de notre « conversion » pour ne pas produire plus de déchets qui me semblaient inutile. Je remplace donc petit à petit par des objets plus durables. Je viens par exemple de remplacer ma batterie de cuisine téflonnée par 3 casseroles en inox.
Y’a-t-il d’autres habitudes que tu aimerais changer dans ton quotidien pour réduire ton empreinte écologique?
J’aimerais bien travailler à la maison. Je vie à 30 km de mon travail et je n’ai pas d’autre solution que de prendre la voiture.
Enfin, quelles sont les bonnes adresses que tu recommandes pour faire ses courses zéro déchet dans la région nantaise?
Les Biocoop sont sans conteste les lieux sur Nantes où on peut faire beaucoup d’achats d’épicerie en vrac. J’ai le choix entre 5 magasins bio à 30 km à la ronde ! Il y a aussi les marchés. Les marchands y sont très ouverts. Nous avons la chance d’être dans une région où la production maraîchère et bio est la mieux représentée en France, donc les adresses ne manquent pas. Mais surtout bientôt, Nantes devrait être dotée d’un magasin zéro déchet « Ôbocal ». J’ai hâte de le voir sortir de terre …
Retrouvez Claire sur son blog, Facebook, Hellocoton et sa boutique en ligne de sacs à vrac réutilisables (entre autres…).
J’ai adoré ce passage : Mais je pense que la certification « bio » ne devrait pas exister. Ce devrait être la norme. Et il devrait plutôt exister la certification « non bio ». Car je ne trouve pas normal qu’une agriculture qui préserve la nature soit obligée de payer pour le prouver.
De petites entreprises près de chez moi n’ont pas les moyens de payer la certification mais sont pourtant respectueuse de l’environnement et rencontre les normes de ladite certification. Il y a toujours la possibilité de discuté avec les producteurs mais peu de gens le font en général sans quoi il saurait à qui ils ont affaire et ce qu’ils mangent.
Tout ça pour dire, que l’article m’a inspirée. Merci à vous deux et je cours découvrir le blog de Sakaïdé 🙂
Bonjour Lydia,
C’est exactement ce que je pense. Je connais des producteurs qui n’ayant pas les moyens ont renoncé à la certification alors que leur production est vertueuse. En faite j’aimerais qu’une taxation soit imposée sur les engrais et pesticides chimiques. Mais ça c’est une autre histoire …
Contente que cet article t’es inspirée et bienvenue sur Sakaïdé.
Claire
Bonjour,
Je pratique beaucoup le vrac, mais je tique pour passer aux sacs tissus. Mon problème, c’est leur poids, car j’ai l’impression qu’ils sont tout de même plus lourds que des sacs papiers gratuitement fournis, et ça multiplié par le nombre de sacs multiplié par le nombre de semaines, je me dis que ça doit encore faire quelques euros en plus pour bibi… Sans parler du fait que la démarche demande encore des investissements de la part du consommateur. Je veux bien être consomm’actrice, mais quand ça nous coûte de l’argent je trouve que ça va trop loin. Du coup chez nous, quand les sacs ne sont plus utilisables, ils vont au composteur (les nouveaux sacs biocoop avec fenêtre en plastique recyclable aussi).
Je ne sais pas si tu es sur le groupe facebook, mais Clémentine La Mandarine a publié un article sur celui-ci dans lequel il y a des liens pour faire nos propres sacs en tissus très facile à partir d’un t-shirt ou d’un tailleur. Voilà pour le t-shirt ( https://www.idecologie.net/2014/09/laffaire-est-dans-le-sac/ )
Ici, au Québec, si on n’apporte pas nos propres sacs il en coûte 0,05$ par sac en papier/plastique.
Vous êtes plus intelligents que nous pour l le prix des sacs au Québec.
Merci pour cet article! Je suis contente de ce témoignage, car je suis fan du blog Sakaidé qui fourmille d’idées pratiques toutes simples!
Cela fait toujours plaisir d’avoir l’avis de quelqu’un qui fréquente le blog. Le but de ce blog est effectivement d’apporter pleins d’astuces au quotidien. A chacun de voir si ces astuces conviennent à leur mode de vie. Je suis donc ravie d’atteindre ce but.
Merci Lucille
Bonjour! C’est super ce que vous faites!
J’ai vu que vous achetiez de la viande et du poisson, la je me suis dit « aïe… » Je viens de regarder le documentaire Cowspiracy, c’est une investigation sur la plus grande cause de destruction de la planète: l’élevage intensif… Il y parle aussi de l’élevage dit durable, il découvre des choses stupéfiante. Je vous conseille de le regarder, il peut être visionné sur YouTube en sous titré français. Après l’avoir vu vous aller vous rendre compte qu’il y a encore des chose a changer pour vivre en créant vraiment zéro déchets 😉
Ah, la question de la consommation de viande fait toujours autant parler. Je n’ai pas de réponse toute faite. Notre famille mange de la viande. c’est certainement une question de culture comme l’explique très bien Natasha dans l’un de ces derniers posts. Nous avons bien réduit notre consommation : ni par conviction écologique, ni pour des raisons économiques mais tout simplement parce que cela nous convient. Cependant, je ne pense pas aujourd’hui que nous arrêterons. Mais qui c’est peut être qu’un jour …
J’ai bien aimé cet article et je note les astuces, en attendant le jour où j’aurai une épicerie bio vendant en vrac dans ma ville. Comme Alexandra, j’ai vu récemment Cowspiracy et j’approuve: c’est un documentaire à voir 🙂
Merci à vous deux pour cet article honnête et sincère qui me fait aussi découvrir avec plaisir ton blog Claire. C’est effectivement une démarche qui se fait avec et dans le temps, au gré des rencontres, des découvertes, des prises de conscience, des freins personnels et de la façon dont on réussit à les dépasser ou pas… Je ne crois pas qu’il soit possible de vivre sans générer aucun déchet comme semblent le penser certaines. Par contre, tenter de les réduire au maximum fait vraiment sens pour moi et tout cela avec bienveillance !
Bonjour Béa, J’y ai appris énormément de choses en démarrant cette démarche de réduction de nos déchets. Des rencontre humaines, des découvertes sur moi-même et un vrai retour à des valeurs plus proches de les miennes. C’est incroyable comme parfois la vie nous emmène sur des chemins qui nous éloignent de nous !
La démarche « zéro déchet est effectivement une démarche sur du long terme. On ne peut pas vivre sans générer de déchets : vivre, se déplacer, manger … sont des activités essentielles voir vitales qui, quoi que l’on fasse, génèrent des déchets.
Mon objectif personnel est de faire en sorte que mon foyer produise le moins de déchets non recyclables possibles pour qu’ils ne soient pas ensuite enfouis.
Encore une belle découverte! Merci de raconter ta démarché Claire. Comme toi, j’évite les supermarchés au maximum et j’en ai la chair de poule quand j’y vais. Tous ces produits emballés ça me fait juste tourner la tête!
Et concilier le zero déchet avec le bio n’est pas toujours simple. Je suis aussi d’accord que c’est la certification « non bio » qu’il faudrait acheter! Cela serait un bon moyen d’inciter à passer au bio et de couvrir les dommages causés à l’environnement. Parfois je ne comprends pas ce monde!
Rendez-vous sur ton blog alors 🙂
Merci beaucoup, de ta part cela me touche énormément, car tu es dans ma liste de favori ;-D
Super intéressant ce retour ! Nous aussi on s’y met, doucement, mais surement ! 🙂 Mes petits pochons en tissu pour le vrac sont en cours, j’en ai réalisé quelques uns avec des tissus récupérés !
Bravo. Les sacs à vrac en tissu recyclé c’est bien aussi ! J’adore faire mes courses avec. Au moins je ne passe pas inaperçu ! Mais j’aime beaucoup : il y a toujours un commentaire à la caisse sur le bien fondé de cette démarche. C’est encourageant. C’est le geste qui me semble être le plus visible et le plus compris.
Coucou,
J’ai découvert il y a peu le blog de Claire mais n’avais pas fait le lien avec son intervention lors de la conférence à Nantes. Je suis donc très contente de la retrouver ici.
Encore un très joli article 🙂
Bises,
Marie.
Merci Marie , ça t’as plus la conférence ? Tu es de Nantes ?
Bonjour,
Juste une chose, vous mentionnez ne pas trouver la viande en « vrac ». Il suffit, je pense de demander à votre boucher de ne pas l’emballer (ou plutôt de l’emballer dans votre contenant)… de la même manière que vous achetez la crème sur le marcher (d’ailleurs il y a souvent des boucher/charcutiers sur les marchés).
Bonjour,
C’est de la viande bio en vrac que je ne trouve pas dans ma région. Elle est systématiquement emballée sous vide pour des raisons d’hygiène et de durée de conservation. Et justement, c’est là mon dilemme : favoriser une agriculture biologique ou acheter des produits sans emballage.
Cet interview m’a permis de réfléchir à cette question. Et j’ai depuis décider d’acheter sans emballage. Je souhaite renvoyer le même message à l’agriculture biologique : produire du bio certes mais également sans emballage.
J’achète donc maintenant ma viande chez des producteurs locaux (moins de 20 km), respectueux de leur animaux (il en existe encore) et présent sur mon marché. J’ai donc trouvé un petit producteur de porcs et de volailles … et je me lance dans les protéines végétales pour varier …
Merci pour cet article passionnant et inspirant. Je vis en Polynésie française et j’utilise des sacs en tissus pour faire mes courses, même pour mes fruits et légumes en grande surface. J’évite au maximum les sachets plastiques, mais comme nous n’avons pas de magasin de vente en vrac ici, je consomme beaucoup d’emballages. Je privilégie les emballages recyclables en carton ou métal à ceux en plastiques. Je rêve de pouvoir faire mes courses dans une biocoop qui vendrait les essentiels en vrac, car cela réduit non seulement les déchets mais aussi le gaspillage puisqu’on ne prend que ce dont on a vraiment besoin. En tout cas je vous souhaite une bonne continuation dans cette démarche écologique et citoyenne. Merci pour votre partage.